Charte commune des avocats et notaires sur le divorce par consentement mutuel

Conseil national des barreaux

Depuis sa mise en place par la loi nº 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le divorce par consentement mutuel « déjudiciarisé » ou « extra-judiciaire » a provoqué de nombreuses tensions entre avocats et notaires quant à leurs interventions respectives – notamment la nature du contrôle effectué par les notaires. Des chartes et codes de bonne conduite ont été mis en place par certains barreaux et chambres départementales des notaires pour pallier ces désaccords au niveau local, mais rien n’avait encore été formalisé au niveau national. Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, et David Ambrosiano, président du Conseil supérieur du notariat, ont signé aujourd’hui une charte commune pour y remédier. Son objectif est de « permettre une collaboration fluide et efficace entre les professionnels impliqués lors d’un divorce par consentement mutuel (avocats et notaires) dans l’intérêt de leurs clients », en rappelant « les droits et obligations qui pèsent sur chacun ».

La charte rappelle d’abord « les obligations qui pèsent sur l’avocat rédacteur ». Il est notamment « essentiel » que celui qui signe la convention en soit le rédacteur – il n’est donc pas possible pour l’avocat rédacteur de se faire remplacer par un confrère lors de la signature de la convention – et que la signature soit « effectuée, en présence physique et simultanément, par les parties et les avocats rédacteurs ».

S’agissant du notaire, la charte rappelle qu’il ne remplace pas le juge :

« Il ne prononce pas le divorce mais le constate et procède au dépôt de la convention au rang des minutes de son office ce qui donne date certaine et force exécutoire au divorce. En particulier, le notaire ne peut donc pas convoquer les époux pour s’assurer de la persistance de leur consentement. »

Le notaire effectue un contrôle purement formel de la convention de divorce, portant sur les mentions expressément requises par l’article 229-3 du code civil. Le notaire doit également s’assurer que le délai de réflexion a bien été respecté, que la convention de divorce n’a pas été signée avant l’expiration de ce délai (article 229-1 du code civil) et que l’acte qu’il dépose n’est pas contraire à l’ordre public – ce qui « ne signifie pas que le notaire doive contrôler le caractère équilibré, équitable ou pertinent de la convention qui est garanti par l’intervention des deux avocats ».

En présence d’éléments d’extranéité (lieux de résidence des époux situés dans des États différents, nationalités étrangères communes ou différentes, projet de déménagement à l’étranger, etc.), la charte souligne qu’« il peut être opportun de déconseiller aux époux d’avoir recours à ce type de divorce ou, à tout le moins, de les mettre expressément en garde sur les difficultés que ce type de divorce peut présenter ». En effet, seuls certains États se sont montrés conciliants pour accepter le divorce par consentement mutuel « extra-judiciaire » et lui faire produire ses effets.

La charte rappelle que chacun des époux doit « avoir choisi son propre avocat de façon libre et indépendante ». Afin d’éviter les conflits d’intérêts, la charte précise qu’il n’est pas possible à deux avocats d’assister les époux pour la rédaction de la convention de divorce s’ils sont « membres d’un même cabinet, associés ou collaborateurs, soit membres d’une même structure (société civile de moyens, cabinet groupé, etc.), soit, plus généralement, exerçant dans les mêmes locaux, même en l’absence de structure existante » – ces précisions visent notamment les offres de divorce low cost sur internet proposant aux parties de divorcer à distance, ainsi que les offres groupées de certains réseaux. Il est de même interdit à tout avocat qui a reçu les deux époux d’être l’avocat d’un seul.

Aux termes de l’article 229-3, 5º, du code civil, la convention de divorce doit comporter l’état liquidatif du régime matrimonial mais il n’est pas exigé que « le sort des droits et obligations constatés par cet état soit fixé par les époux ». La charte souligne qu’« il n’est donc pas nécessaire que l’état liquidatif soit suivi, selon les cas, d’un partage ou d’une convention d’indivision ».

L’état liquidatif doit être fait en la forme notariée « lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière » (article 229-3, 5º, du code civil).

« Plus précisément, l’état liquidatif doit être fait par acte notarié lorsque l’état liquidatif est accompagné d’un acte réglant le sort d’un droit réel, par exemple en présence d’une liquidation-partage avec transfert ou démembrement des biens immobiliers, liquidation avec convention d’indivision sur des biens immobiliers. Dans cette hypothèse, l’acte liquidatif notarié comprendra soit l’intégralité de la liquidation, soit la liquidation sur les biens soumis à publicité foncière. En revanche, lorsque l’acte effectue des comptes affectés par la présence d’un bien immobilier ou d’un droit réel, mais n’aboutit pas à un partage ou une convention d’indivision (par exemple en cas de calcul des récompenses consécutifs au financement des biens immobiliers propres par des fonds communs ou des biens immobiliers communs par des fonds propres, ni à un règlement des dettes et des créances), l’état liquidatif peut être fait par acte sous signature privée. »

La loi ne précisant pas « si le projet d’acte liquidatif doit être adressé aux parties avant l’expiration du délai de réflexion ou s’il peut déjà s’agir de l’acte définitif signé par tous et rédigé sous condition suspensive du dépôt de la convention de divorce et de ses annexes aux rangs des minutes de l’office notarial », la charte préconise de joindre un projet d’acte liquidatif au projet de convention du divorce, « afin que le délai de réflexion s’applique tant au principe qu’aux conséquences pécuniaires du divorce même si l’acte liquidatif est fait en la forme authentique » – ce qui était d’ailleurs la recommandation faite le 24 décembre 2019 par le ministère de la Justice en réponse à la question écrite nº 19958 du député Stéphane Viry.

« Les pratiques locales qui se sont développées pour organiser un rendez-vous commun de signature de la convention et de ses annexes avec les avocats et le notaire sont ainsi tout à fait pertinentes. Une signature en deux temps après l’écoulement du délai de réflexion ne pose cependant aucune difficulté.

« En tous les cas, lorsqu’un changement significatif est apporté au projet d’acte liquidatif, il est nécessaire de faire courir un nouveau délai de réflexion de 15 jours. »


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