Question sur la responsabilité de l’État dans la réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 49 S (Q), 10 décembre 2020

Détraigne (Yves), question écrite nº 19510 au ministre de la Justice sur la responsabilité de l’État dans la réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 49 S (Q), 10 décembre 2020, pp. 5826-5827].

Yves Détraigne (© D.R.)

Yves Détraigne (© D.R.)

M. Yves Détraigne souhaite appeler l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question de la responsabilité de l’État engagée sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. Aux termes de cet article, l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

La jurisprudence définit la faute lourde comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

Un déni de justice correspond, quant à lui, à un refus d’une juridiction de statuer sur un litige qui lui est présenté ou au fait de ne procéder à aucune diligence pour instruire ou juger les affaires ; il constitue une atteinte à un droit fondamental et, s’appréciant sous l’angle d’un manquement du service public de la justice à sa mission essentielle, il englobe, par extension, tout manquement de l’État à son devoir de protection juridictionnelle de l’individu, qui comprend celui de répondre sans délai anormalement long aux requêtes des justiciables, conformément aux dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme. L’appréciation d’un allongement excessif du délai de réponse judiciaire s’effectue de manière concrète en prenant en considération les conditions de déroulement de la procédure, la nature de l’affaire, son degré de complexité, le comportement des parties en cause, ainsi que l’intérêt qu’il peut y avoir pour l’une ou l’autre des parties à ce que le litige soit tranché rapidement.

Au regard de cette jurisprudence, l’État est régulièrement condamné pour dépassement du délai raisonnable de jugement. La cour d’appel de Paris considère qu’une durée excessive de jugement est à l’origine pour le justiciable d’un « préjudice moral résultant du sentiment d’incertitude et d’anxiété anormalement prolongé qu’il a subi dans l’attente de voir sa situation appréciée » (CA Paris, pôle 2 – ch. 1, 6 nov. 2018, nº 17/07921).

Il semble que le droit de la famille et le droit du travail soient les « terres d’élection » de ces contentieux en responsabilité de l’État. À titre d’exemple, le TGI de Paris sanctionne régulièrement l’État en matière de divorce (TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 4 nov. 2015, nº 14/15296 ; dans cette affaire un délai de 9 mois et 12 jours entre la date du dépôt de la requête en divorce et la date de l’audience de conciliation est jugé excessif). De même, dans un contentieux relevant du droit du travail, la cour d’appel de Paris a condamné l’État au versement de 6 000 € de dommages et intérêts pour un délai de jugement anormalement long (CA Paris, pôle 2 – ch. 1, 30 sept. 2020, nº 18/17589 ; dans cette espèce, le salarié avait attendu 5 ans et 7 mois avant d’avoir son jugement).

Les documents budgétaires semblent muets sur cette question ; ainsi, le programme 166 « justice judiciaire » comporte certes des indicateurs relatifs au délai moyen de traitement des procédures civiles et pénales, mais aucune information n’est fournie quant aux condamnations de l’État pour dépassement du délai raisonnable.

Il semble que l’agent judiciaire de l’État, qui représente l’État dans les contentieux en responsabilité, ait fixé un « barème d’indemnisation » en fonction des matières juridiques. Aussi, il lui est demandé, d’une part, de bien vouloir confirmer ou informer l’existence de ce barème et, d’autre part, de fournir des statistiques précises sur les condamnations de l’État en en distinguant les domaines juridiques et les différents ressorts géographiques.


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