Déboires d’une locataire de logement social avec son fils

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 17 décembre 2020, la Cour de cassation a rendu un arrêt qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs : un père faible aurait sans doute pu connaître la mésaventure arrivée ici à une mère.

En l’espèce, un enfant mineur vivant au domicile de sa mère, à Bron, avait exercé des violences à l’égard des agents du bailleur social en 2011. Ces faits avaient donné lieu à une condamnation pénale par un jugement du tribunal pour enfants, et la mère avait été relogée avec son fils dans un appartement situé à Caluire-et-Cuire.

Âgé de dix-neuf ans, au chômage, sans profession, et toujours domicilié chez sa mère, le fils était retourné sur les lieux de l’ancien logement et avait commis de nouvelles violences en novembre 2014 à l’encontre de deux employés du bailleur dans l’exercice de leurs fonctions. En état de récidive légale, le fils avait été condamné définitivement à une lourde peine d’emprisonnement, assortie partiellement d’un sursis avec mise à l’épreuve.

L’Office public d’aménagement et de construction du Rhône – devenu Lyon Métropole Habitat en janvier 2016 – avait par ailleurs assigné la mère en résiliation du bail pour manquement à l’usage paisible des lieux. La cour d’appel de Lyon ayant accueilli la demande en janvier 2018, la mère avait formé un pourvoi en cassation, arguant notamment que les actes de violence de son fils avaient été perpétrés en dehors des lieux donnés à bail et n’avaient donc pas causé de troubles dans ces lieux, ni même dans la commune où ils se trouvaient.

Le pourvoi a été rejeté aujourd’hui par la troisième chambre civile de la Cour de cassation :

« 5. La cour d’appel a retenu à bon droit que les violences commises par le fils de [la mère] à l’encontre des employés du bailleur et réitérées après une première condamnation pénale constituaient des manquements à l’obligation d’usage paisible des lieux incombant au preneur et aux personnes vivant sous son toit et que le lieu de commission des violences importait peu dès lors que les victimes étaient des agents du bailleur.

« 6. Elle en a souverainement déduit que la gravité des troubles ainsi constatés justifiait la résiliation du bail.

« 7. Le moyen n’est donc pas fondé. »

Rappelons ici que l’obligation d’usage paisible des lieux loués par le locataire découle des articles 1728 du code civil et 7 b) de la loi nº 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi nº 86-1290 du 23 décembre 1986. Aux termes de l’article 1735 du code civil, le locataire est par ailleurs « tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires ». Le locataire doit donc répondre des personnes qu’il accueille chez lui, notamment ses enfants – même majeurs (cf. arrêt du 10 novembre 2009, pourvoi nº 09-11027).

Lorsque le manquement à l’obligation d’usage paisible des lieux loués prend la forme de violences contre d’autres locataires, la jurisprudence considère que la résiliation d’un bail d’habitation ne peut être prononcé que si est établie « l’existence d’un lien entre les troubles constatés et un manquement à l’obligation pour le preneur d’user paisiblement de la chose louée ou de ses accessoires » (arrêt du 14 octobre 2009, pourvoi nº 08-12744) et si ces troubles interviennent dans les lieux loués ou leurs abords immédiats (cf. arrêt du 14 octobre 2009, pourvoi nº 08-16955).

La Cour de cassation n’a par contre pas du tout les mêmes exigences au regard des violences exercées contre le bailleur ou ses agents (voir par exemple : arrêt du 3 juin 1992, pourvoi nº 90-20422, pour des injures écrites et réitérées au bailleur ; arrêt du 28 mars 1995, pourvoi nº 93-15815, pour des scènes de violence de la part du locataire et des menaces adressées au bailleur ; arrêt du 9 mars 2005, pourvoi nº 03-19225, pour des faits de violences avec arme perpétrés sur le bailleur).

Références
Cour de cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 17 décembre 2020
Nº de pourvoi : 18-24823

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