Jurisprudence relative au droit de visite

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 15 janvier 2020, la Cour de cassation a rendu deux décisions qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs. Elles illustrent bien en effet à quel point les magistrats en charge à un titre ou un autre des affaires familiales peuvent se moquer des justiciables en général, des enfants et de leurs parents en particulier. Deux arrêts de la cour d’appel de Paris ont ainsi été partiellement cassés et annulés parce que ses magistrats avaient fait fi des modalités de détermination de l’exercice du droit de visite, qu’ils pouvaient d’autant moins ignorer que la Cour de cassation les rappelle assez fréquemment [1]. Nemo censetur ignorare lege, les juges encore moins que les simples justiciables, et on peut penser qu’il s’agit là d’une ignorance volontaire, visant à exténuer des liens familiaux déjà fragilisés en entraînant des parents dans des procédures sans fin…

Périodicité du droit de visite libre et du droit de visite médiatisé en cas de placement à l’aide sociale à l’enfance

Dans la première affaire, un juge des enfants avait ordonné en 2017 le placement à l’aide sociale à l’enfance de deux enfants et accordé un droit de visite libre ainsi qu’un droit de visite médiatisé à leur mère – pour la petite histoire, ledit placement avait été motivé par le comportement pathologique de la mère, « centrée sur son conflit avec son ex-mari, entretenant les mineurs dans la crainte de leur père, augmentant ainsi leurs angoisses et leur refus de le rencontrer » (on trouvera un exposé assez détaillé de ces aimables traits maternels dans le moyen annexé à l’arrêt). Contestée par la mère, l’ordonnance avait été confirmée par la cour d’appel de Paris en février 2018. La mère avait alors formé un pourvoi en cassation.

L’arrêt a été partiellement cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, qui a donc de nouveau rappelé comment se déterminent les conditions d’exercice du droit de visite libre et du droit de visite médiatisé accordé à un parent dont les enfants ont été placés à l’aide sociale à l’enfance : la périodicité du droit de visite simple doit être déterminée par le seul juge des enfants alors que celle du droit de visite médiatisé peut être déterminée selon l’accord entre les parents et l’établissement auquel leur enfant est confié, sous le contrôle du juge.

Concernant le droit de visite libre :

« Vu l’article 375-7, alinéas 4 et 5, du code civil ;

« Attendu que le juge des enfants fixe la nature et la fréquence des droits de visite et d’hébergement et peut décider que leurs conditions d’exercice sont déterminées conjointement entre les titulaires de l’autorité parentale et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié ;

« Attendu que l’arrêt accorde à la mère des enfants un droit de visite libre dont les modalités seront fixées en concertation entre celle-ci et le service auquel les enfants sont confiés ;

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite simple, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé. »

Concernant le droit de visite médiatisé :

« Il résulte de la combinaison des articles 375-7, alinéa 4, du code civil et 1199-3 du code de procédure civile que, lorsque le juge des enfants décide que le droit de visite du ou des parents de l’enfant confié à une personne ou un établissement ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers, il en fixe la fréquence dans sa décision, sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié ; qu’en accordant à [la mère] un droit de visite médiatisé, dont ils ont prévu que les modalités, notamment la périodicité, seraient déterminées selon l’accord des parties, et dit qu’il en serait référé au juge en cas de difficulté, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes susvisés. »

Références
Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 15 janvier 2020
Nº de pourvoi : 18-25313

Les modalités du droit de visite en présence d’un tiers doivent être fixées par le juge

Dans la deuxième affaire, un juge des enfants avait ordonné en 2017 le placement de deux autres enfants à l’aide sociale à l’enfance, en raison de l’antagonisme entre les parents et de leur incapacité à dépasser leur conflit dans l’intérêt de leurs enfants. La cour d’appel de Paris avait en février 2018 (le même jour que dans l’affaire précédente) accordé à chacun des parents un droit de visite médiatisé devant s’exercer sous le contrôle du service gardien, sauf à en référer au juge en cas de difficultés. La mère seule avait alors formé un pourvoi en cassation.

L’arrêt a été aussi partiellement cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, au même visa de l’article 375-7, alinéa 4, du code civil, ensemble l’article 1199-3 du code de procédure civile :

« Attendu qu’il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le juge des enfants décide que le droit de visite du ou des parents de l’enfant confié à une personne ou un établissement ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers, il en fixe la fréquence dans sa décision, sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d’exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l’établissement à qui l’enfant est confié ;

« Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un juge des enfants a ordonné le placement à l’aide sociale à l’enfance de [deux enfants] ;

« Attendu que l’arrêt accorde à chacun des parents un droit de visite médiatisé qui s’exercera sous le contrôle du service gardien, sauf à en référer au juge en cas de difficultés ;

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait au juge de définir la périodicité du droit de visite accordé, ou de s’en remettre, sous son contrôle, à une détermination conjointe des conditions d’exercice de ce droit entre les parents et le service à qui les enfants étaient confiés, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés. »

Références
Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 15 janvier 2020
Nº de pourvoi : 18-25894
Note
  1. Nos lecteurs en trouveront quelques traces en consultant nos chroniques des 28 janvier 2015, 28 mai 2015, 4 mai 2017, 15 mai 2018 et 13 juin 2019.

Attention ! La jurisprudence et la loi évoluent en permanence. Assurez-vous auprès d’un professionnel du droit de l’actualité des informations données dans cet article, publié à fin d’information du public.

Faire un don

Totalement indépendant, ne bénéficiant à ce jour d’aucune subvention publique et ne vivant que de la générosité privée, P@ternet a besoin du soutien de ses lecteurs pour continuer, et se développer. Si cet article vous a intéressé, vous pouvez soutenir P@ternet grâce à un don ponctuel en cliquant sur l’image ci-dessous.

helloasso

Laissez un commentaire (respectez les règles exposées dans la rubrique “À propos”)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.