La révision d’une prestation compensatoire fixée sous forme de rente avant le 1er juillet 2000 est constitutionnelle

Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a répondu aujourd’hui à deux questions prioritaires de constitutionnalité sur les conditions de révision des prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère avant le 1er juillet 2000, qui lui avaient été transmises par la Cour de cassation le 16 octobre dernier.

En l’espèce, le divorce de deux époux avait été prononcé en décembre 1999 et le jugement avait accordé à l’ex-épouse une prestation compensatoire sous forme d’une rente viagère indexée. Sur le fondement des articles 33-VI de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 et 276-3 du code civil, la cour d’appel de Paris avait accueilli en mai 2019 la demande formulée par l’ex-époux visant à la suppression de cette rente à compter de novembre 2015.

Rappelons ici que les rentes viagères de prestation compensatoire peuvent être révisées, supprimées ou suspendues :

À l’occasion du pourvoi en cassation qu’elle avait formé contre cet arrêt, l’ex-épouse avait demandé le renvoi au Conseil constitutionnel de ces deux questions prioritaires de constitutionnalité :

« 1º/ L’article 33-VI de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 méconnaît-il l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en ce qu’il prévoit la possibilité pour le juge de supprimer la prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère et fixée, judiciairement ou par convention, avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, tandis qu’une telle faculté de suppression n’était pas ouverte au jour où la prestation a été fixée ?

« 2º/ L’article 33-VI de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce méconnaît-il l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en ce qu’il prévoit que les prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 pourront être révisées, suspendues ou supprimées en cas de changement important intervenu dans les besoins ou les ressources de l’une ou l’autre des parties ou en cas d’avantage manifestement excessif procuré au créancier par le maintien de la prestation compensatoire alors que les prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère après l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 ne peuvent être révisées, suspendues ou supprimées qu’en cas de changement important intervenu dans les besoins ou les ressources de l’une ou l’autre des parties ? »

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision publique aujourd’hui, jugeant que les dispositions de l’article 33-VI de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce prévoyant les conditions de révision des prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère avant l’entrée en vigueur de la loi nº 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce sont bien conformes à la Constitution :

« 7. [D]’une part, sous l’empire du droit antérieur à la loi du 30 juin 2000, le législateur avait déjà soumis les prestations compensatoires fixées sous forme de rente à une condition de révision, d’ordre public. Celles-ci pouvaient en effet être modifiées si l’absence de révision devait avoir pour l’un des conjoints des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

« 8. D’autre part, l’objet de la prestation compensatoire, qui a notamment une nature alimentaire, est de compenser, pour l’avenir, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives. Son montant est fixé selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Or cette prévision peut se trouver démentie par l’évolution ultérieure de la situation des époux et conduire à des déséquilibres contraires à l’objet de la prestation compensatoire, que l’édiction de règles de révision permet de corriger.

« 9. Il résulte de ce qui précède que les créanciers de rentes viagères fixées sous l’empire du droit antérieur à la loi du 30 juin 2000 ne pouvaient légitimement s’attendre à ce que ne s’appliquent pas à eux, pour l’avenir, les nouvelles règles de révision des prestations compensatoires destinées à remédier à de tels déséquilibres. Le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits doit donc être écarté.

[…]

« 11. Les dispositions contestées ne s’appliquent qu’aux rentes viagères fixées avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000.

« 12. Toutefois, sous l’empire du droit antérieur à cette loi, la prestation compensatoire pouvait être fixée sous forme de rente viagère lorsqu’il n’était pas possible d’en prévoir le versement en capital par le débiteur. La loi du 30 juin 2000 a restreint les possibilités de recours à ce mode de versement en prévoyant qu’il ne serait plus possible qu’à titre exceptionnel, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins. Ce faisant, il a limité les risques que, du fait de l’évolution de la situation respective des anciens époux, les rentes viagères prononcées dans ce nouveau cadre procurent aux créanciers un avantage manifestement excessif. Cette différence de situation est de nature à justifier la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées entre les rentes viagères fixées avant cette loi et celles fixées après. Cette différence de traitement est, en outre, en rapport avec l’objet de la loi. Dès lors le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté. »

Références
Conseil constitutionnel
Audience publique du 6 janvier 2021
Décision nº 2020-871 QPC du 15 janvier 2021

Mise à jour du 16 janvier 2021

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