Questions sur le partage des prestations sociales entre parents divorcés

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 52 S (Q), 31 décembre 2020

Détraigne (Yves), question écrite nº 19611 au secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles sur le partage des prestations sociales entre parents divorcés [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 50 S (Q), 17 décembre 2020, p. 6006].

Yves Détraigne (© D.R.)

Yves Détraigne (© D.R.)

M. Yves Détraigne souhaite appeler l’attention de M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles sur l’égalité des droits des parents divorcés, et plus précisément sur le nécessaire partage des prestations sociales.

En effet, que ce soit en garde alternée, droit de visite et d’hébergement (DVH) élargi ou classique, il y a toujours un parent qui est considéré comme n’ayant pas d’enfant par la caisse d’allocations familiales (CAF).

En application de la règle de l’unicité de l’allocataire, l’enfant doit en effet être rattaché administrativement à l’un ou à l’autre de ses parents, désigné comme allocataire unique, indépendamment du temps qu’il passe réellement auprès de l’un ou de l’autre. Cette injustice pénalise surtout les enfants qui se retrouvent souvent au milieu d’un conflit.

Pourtant, chaque parent doit avoir un logement adapté à l’accueil de ses enfants, il doit aussi assumer toute la charge financière pendant son temps de garde, voire parfois plus. Il ne paraît donc plus légitime que celui-ci soit exclu de toutes aides pour ses enfants, de prise en compte dans le calcul des aides personnalisées au logement (APL), du revenu de solidarité active (RSA)…

La législation doit donc évoluer afin de pouvoir accorder le bénéfice des prestations sociales à égalité entre les deux parents. Il n’est plus entendable à l’époque à laquelle nous vivons de répondre que « c’est compliqué de partager équitablement les aides ».

En conséquence, il lui demande ce qu’il entend mettre en œuvre afin d’établir davantage de justice sociale pour le bien-être de l’enfant et de ses parents dans le cadre d’une séparation ou d’un divorce.


Corinne Imbert (© D.R.)

Corinne Imbert (© D.R.)

Imbert (Corinne), question écrite nº 19602 au secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles sur l’équité des droits des parents divorcés [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 50 S (Q), 17 décembre 2020, p. 6006].

Mme Corinne Imbert attire l’attention de M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles, sur la question de la répartition des aides sociales pour les parents divorcés. En effet, à l’exception des allocations familiales dans le cadre d’une garde alternée, toutes les aides sociales (calcul des aides personnalisées au logement – APL – et du revenu de solidarité active – RSA, demi-part des impôts, calcul du quotient familial…) sont attribuées à un seul parent. La complexité administrative est régulièrement évoquée comme un frein au partage entre les deux parents. Or, on pourrait tout à fait envisager une répartition des aides au prorata du temps de garde, tout en tenant compte du statut social de chacun des parents. Aussi lui demande-t-elle si le Gouvernement entend mener une réflexion visant à mieux répartir les aides sociales entre deux parents divorcés.


Joseph (Else), question écrite nº 19615 au ministre des Solidarités et de la Santé sur le problème de l’attribution exclusive des prestations familiales à un seul parent dans les familles divorcées ou séparées [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 50 S (Q), 17 décembre 2020, p. 6022].

Else Joseph (© D.R.)

Else Joseph (© D.R.)

Mme Else Joseph interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés d’attribution des prestations familiales versées en raison de l’existence d’enfants au sein des familles divorcées ou séparées. En effet, aux termes de l’article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, « les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant ». Or, un tel dispositif pose des difficultés dans la mesure où il conduit à admettre qu’un parent n’a pas d’enfant au regard de la caisse d’allocations familiales (CAF), alors qu’il lui consacre une partie notable de son temps. Il y a donc bien une injustice qui profite à un parent au détriment de l’autre. Cette impossibilité de partager équitablement les prestations peut également conduire à des dissimulations. En effet, dans la mesure où seul l’allocataire principal accède au service avec son numéro d’allocataire et son mot de passe qui peut ne pas être partagé, il est tout à fait possible de dissimuler les allocations. Une réforme apparaît comme indispensable et nécessaire, si l’on veut résoudre les difficultés que cette absence de partage des allocations familiales pose. Pourtant, pour éviter un tel changement, les réponses invoquent la complexité du partage ou le fait que l’un des parents n’a pas besoin de percevoir les allocations pour l’enfant. De telles explications ne sont guère convaincantes, notamment au regard du caractère sensible du sujet qui continue à entretenir les divisions et à pénaliser les enfants. Elle souhaite donc connaître ce que le Gouvernement envisage pour mettre fin à cette injustice qui fragilise les familles et surtout s’il prévoit une réforme législative relative à cette question.


Réponse du secrétariat d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargé de l’Enfance et des Familles, publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 52 S (Q), 31 décembre 2020, pp. 6377-6378.

Adrien Taquet (© Gérald Garitan)

Adrien Taquet (© Gérald Garitan)

Aujourd’hui, les prestations familiales, à l’exception des allocations familiales, ne peuvent être partagées entre les deux parents dont l’enfant fait l’objet d’une mesure de résidence alternée, en application de la règle de l’unicité de l’allocataire. L’enfant doit en effet être rattaché administrativement à l’un ou à l’autre de ses parents, désigné comme allocataire unique, indépendamment du temps qu’il passe réellement auprès de l’un ou de l’autre. Cependant, les parents ont la possibilité de demander conjointement une alternance de l’allocataire après une période minimale d’un an. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a autorisé le partage entre les deux parents de la part afférente à l’enfant pour le calcul des allocations familiales, en cas de demande conjointe des parents ou s’il y a désaccord entre eux sur la désignation de l’allocataire. Suite à la décision du Conseil d’État du 21 juillet 2017, cette possibilité de partage entre les deux parents en cas de résidence alternée de l’enfant va être étendue aux aides personnelles aux logement (APL). Les modalités du partage des aides au logement doivent toutefois encore être précisées par décret début 2021. Une extension de la possibilité d’un partage des allocations familiales à l’ensemble des prestations familiales, selon les mêmes modalités ou des modalités différentes, ne pourrait être décidée à la légère, et mériterait une expertise approfondie. Cette question a notamment fait l’objet d’une étude approfondie du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA) dans son rapport intitulé « Les ruptures de couples avec enfants mineurs », publié en janvier 2020. En effet, prendre en compte la résidence alternée pour le calcul du droit aux prestations familiales soumises à condition de ressource pourrait conduire à une réduction du montant global des prestations octroyées à l’un des deux parents, alors même que l’autre parent pourrait ne pas en bénéficier, dès lors qu’il dispose de revenus supérieurs aux plafonds de ressources spécifiques à chaque prestation, ou bénéficier d’un montant inférieur pour les prestations familiales modulées en fonction du niveau de ressources. Un tel partage pourrait donc s’avérer contraire à l’intérêt de l’enfant. En outre, si cette extension devait aboutir à un partage à parts égales entre parents par rapport aux montants aujourd’hui servis, elle comporterait des effets anti-redistributifs, les allocataires uniques étant aujourd’hui très largement le membre du foyer aux ressources les plus faibles et majoritairement des femmes. Un tel partage serait enfin source de complexité compte tenu des règles propres à chaque prestation et donc de lourdeur en gestion et constitue notamment un chantier informatique majeur pour les caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole. Le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles a demandé à ses services d’expertiser différentes orientations, et notamment d’analyser prestation par prestation l’opportunité d’avancer vers un partage plus égalitaire entre parents. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’une meilleure prise en compte globale des situations de séparation, avec toujours à l’esprit l’intérêt des enfants. Toute solution devrait être lisible et équitable entre toutes les familles quels que soient leur situation matrimoniale (familles monoparentales, familles séparées recomposées, familles vivant en couple) ou le mode de résidence choisi pour l’enfant après la séparation (résidence alternée, garde exclusive chez l’un des deux parents avec un droit de visite et d’hébergement élargi, résidence alternée), pour la bonne mise en œuvre d’une telle extension.


Faire un don

Totalement indépendant, ne bénéficiant à ce jour d’aucune subvention publique et ne vivant que de la générosité privée, P@ternet a besoin du soutien de ses lecteurs pour continuer, et se développer. Si cet article vous a intéressé, vous pouvez soutenir P@ternet grâce à un don ponctuel en cliquant sur l’image ci-dessous.

helloasso

Laissez un commentaire (respectez les règles exposées dans la rubrique “À propos”)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.