Conflit parental à propos de vaccination

Courts and Tribunal Judiciary

La vaccination est malheureusement un sujet dans l’air du temps. Elle peut aussi être parfois l’occasion d’un différend entre parents, l’un étant pour, l’autre contre, et le différend se complique évidemment quand les parents sont divorcés ou séparés. N’ayant aucune compétence en la matière, il n’est pas dans notre propos de trancher un tel débat. Nous nous contenterons d’en illustrer les éventuelles conséquences judiciaires par une décision rendue aujourd’hui par un tribunal anglais de la famille. Nonobstant certaines particularités du régime de common law en vigueur outre-Manche, cette chronique pourrait aussi intéresser certains de nos lecteurs.

Contexte

L’affaire se déroule dans le cadre plus vaste d’une séparation parentale tumultueuse. Deux enfants étaient nés en 2014 et 2016 de l’union d’une femme et d’un homme, vivant en couple depuis 2004 puis séparés en 2017. La procédure initiale concernant les relations des enfants avec leurs parents avait été suspendue pour laisser place à une médiation familiale. Le père avait de nouveau saisi le système judiciaire en mars 2019, demandant notamment que ses enfants soient vaccinés conformément au calendrier vaccinal du National Health Service, alors que la mère s’y opposait (§ 13). La mère avait accusé peu de temps après le père d’attouchements sexuels sur les enfants et de violence conjugale. Le père avait été arrêté et interrogé par la police, mais icelle n’avait pas jugé utile de prendre d’autre mesure (§ 14). À la suite d’une audience s’étant déroulée en janvier 2020, un juge de district avait rendu le mois suivant un jugement dans lequel les allégations d’attouchements sexuels avaient été écartées ; des violences physiques et verbales du père à l’encontre de la mère avaient été reconnues en deux circonstances mais le juge avait estimé qu’elles ne constituaient pas un obstacle à la relation des enfants avec leur père (§ 15).

Lors d’une nouvelle audience en mars 2020, le tuteur des enfants avait recommandé que les enfants passent progressivement plus de temps avec le père, cette recommandation étant motivée par le souhait des enfants eux-mêmes. À la suite de deux autres audiences, en mai et août dernier, un plan global avait été mis en place pour que les enfants passent de plus en plus de temps avec leur père, et une audience finale avait été fixée pour le 21 décembre prochain (§ 16).

Le juge de district ayant par ailleurs demandé à ce que la requête du père concernant la vaccination de ses enfants fût attribuée à un autre magistrat, c’est le juge Alistair MacDonald qui s’est chargé de cette partie de l’affaire (§ 5).

Analyse et décision

La requête initiale du père visait uniquement la vaccination contre la rougeole, la rubéole et les oreillons. Elle avait ensuite été modifiée à deux reprises, d’abord pour englober toutes les vaccinations infantiles normales, puis les vaccinations pertinentes pour les voyages à l’étranger et le Covid-19 (§ 2).

Le juge Alistair MacDonald a refusé de se prononcer sur les vaccinations pour les voyages à l’étranger en l’absence de tout projet concret de voyage (§ 3).

Il a également refusé de se prononcer sur la vaccination contre le Covid-19, faute de recommandations officielles sur ce point, précisant toutefois (§ 4) :

« I wish to make abundantly clear to anyone reading this judgment that my decision to defer reaching a conclusion regarding the administration to the children of the vaccine against the coronavirus that causes COVID-19 does not signal any doubt on the part of this court regarding the probity or efficacy of that vaccine. Rather, it reflects the fact that, given the very early stage reached with respect to the COVID-19 vaccination programme, it remains unclear at present whether and when children will receive the vaccination, which vaccine or vaccines they will receive in circumstances where a number of vaccines are likely to be approved and what the official guidance will be regarding the administration of the COVID-19 vaccine to children. As I make clear at the conclusion of this judgment, having regard to the principles that I reiterate below it is very difficult to foresee a situation in which a vaccination against COVID-19 approved for use in children would not be endorsed by the court as being in a child’s best interests, absent peer-reviewed research evidence indicating significant concern for the efficacy and/or safety of one or more of the COVID-19 vaccines or a well evidenced contraindication specific to that subject child. However, given a degree of uncertainty that remains as to the precise position of children with respect to one or more of the COVID-19 vaccines consequent upon the dispute in this case having arisen at a point very early in the COVID-19 vaccination programme, I am satisfied it would be premature to determine the dispute that has arisen in this case regarding that vaccine. »

Le juge Alistair MacDonald a également estimé que le concours d’un expert n’était pas nécessaire en l’espèce (§ 11) :

« I am satisfied that absent new peer-reviewed research evidence indicating significant concern for the efficacy and/or safety of one or more of the vaccines that is the subject of the application or a well evidenced contraindication specific to that subject child, it is not necessary for the court to have the assistance of expert evidence in cases where the question in issue is whether a child should or should not have vaccinations that have been approved and recommended by the relevant public health authorities. »

La mère alléguait notamment qu’il était peu probable que les enfants soient gravement malade s’ils contractaient une maladie, en raison de leur alimentation et de leur mode de vie sains, et que certains « experts » s’inquiétaient des risques liés aux composants du vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons ainsi que d’une éventuelle relation de cause à effet avec l’autisme et la maladie d’Alzheimer. Doutant de l’efficacité des vaccins de façon générale, elle estimait également qu’une vaccination décidée par un tribunal violerait le droit des enfants au respect de leur vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (§§ 22-30).

Après avoir analysé les dispositions législatives pertinentes ainsi que la jurisprudence en matière d’autorité parentale (§§ 32-41), le juge Alistair MacDonald a conclu qu’il était nécessaire qu’un tribunal prenne une décision lorsque des parents ne parviennent pas à s’entendre sur la vaccination de leurs enfants.

S’appuyant notamment sur la décision Re H (A Child: Parental Responsibility: Vaccination) [2020] EWCA Civ 664, il a précisé que les recommandations de santé publique en matière de vaccination devaient être appliquées en l’absence d’arguments véritablement scientifiques et/ou de contre-indications médicales spécifiques (§§ 44-45). Le juge Alistair MacDonald a également férocement critiqué l’usage fait sans discernement par la mère d’informations recueillies sur Internet :

« 46. There is before this court no credible development in medical science or new peer reviewed research demonstrating to the required standard a significant concern for the efficacy and/or safety of any of the vaccines currently listed on the NHS vaccination schedule. Whilst the mother has put before the court material from a variety of online sources, and whilst she clearly places great store by the material on which she relies, none of that material constitutes evidence of a credible development in medical science or reliable, peer reviewed research concerning the safety and/or efficacy of the vaccines in issue. Further, and within this context, it is important to be clear that tendentious, partial and partisan material gathered from the Internet (what Sedley LJ in Re C (Welfare of Child: Immunisation) accurately characterised as “junk science”) and placed before the court to support a personal belief regarding the probity and/or efficacy of vaccinations does not and cannot amount to evidence capable of demonstrating to the required standard a significant concern for the efficacy and/or safety of any of the vaccines currently listed on the NHS vaccination schedule. As Thorpe LJ noted in Re C (Welfare of Child: Immunisation) at [23], it is important that partisan material that pursues a particular contentious agenda with respect to vaccination is not allowed to distort the forensic process with which the court is engaged, which forensic process must be informed by reliable, scientifically credible evidence. »

Le juge Alistair MacDonald a enfin estimé que la pertinence du calendrier vaccinal du National Health Service au regard du bien public ne constituait pas une ingérence disproportionnée dans les droits des enfants protégés par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (§ 49).

« 50. In all the circumstances, holding [children]’s best interests as my paramount consideration and having regard to the matters I am required to consider under s. 1(3) of the Children Act 1989, I am satisfied that best interests of both [children] to be vaccinated in accordance with the NHS vaccination schedule. It is now clearly established on the basis of credible, peer reviewed scientific evidence that it is generally in the best interests of otherwise healthy children to be vaccinated with those vaccines recommended for children by Public Health England and set out in the routine immunisation schedule which is found in the Green Book published in 2013 and updated as necessary since. It is equally well established that the benefit in vaccinating a child in accordance with Public Health England guidance can be taken to outweigh the long-recognised and identified side effects. »

Références
England and Wales Family Court (High Court Judge)
Date : 15 décembre 2020
Décision : M v H (private law vaccination) [2020] EWFC 93

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