Communiqué de presse de la Fondation pour l’école
La Fondation pour l’école attend encore des mesures conformes à la Constitution et efficaces contre le séparatisme
La Fondation pour l’école note avec intérêt le risque d’inconstitutionnalité soulevé par le Conseil d’État quant au projet initial d’interdiction de l’instruction en famille (IEF) ; elle avait alerté les pouvoirs publics et l’opinion sur ce risque le jour-même de l’annonce de cette mesure, le 2 octobre dernier.
Mais cet avis, rendu après plusieurs allers-et-retours entre Conseil d’État et ministères, témoigne de l’inconfort manifeste des parties prenantes et ne résout en aucune manière le débat de fond, qu’il s’agisse de l’instruction en famille ou des écoles indépendantes.
En effet, le maintien a minima de l’instruction en famille via un régime dérogatoire :
- ne résout ni le problème d’inconstitutionnalité : le respect de la liberté d’enseignement qui permet aux parents, premiers éducateurs de leurs enfants, de choisir le mode d’instruction de leurs enfants, n’est plus de facto garanti puisqu’à un régime déclaratif serait substitué un régime d’autorisation préalable, le Conseil d’État relevant que « cette suppression n’est pas appuyée par des éléments fiables et documentés » ;
- ni celui de la surveillance des dérives séparatistes à l’origine de cette mesure, motif dont le Conseil d’État se serait lui-même inquiété, indiquant « qu’il n’était pas établi que les motifs des parents pratiquant l’instruction en famille relèveraient d’une volonté de séparatisme social ou d’une contestation des valeurs de la République de manière significative » ;
- tout en introduisant une dimension arbitraire dans le traitement des familles actuellement en instruction en famille par les rectorats, la levée de l’interdiction de l’instruction à la maison pour « les familles ne présentant aucune dérive radicale » étant confiée à la libre appréciation de chaque académie.
La Fondation pour l’école fait part de sa grande inquiétude de voir une liberté individuelle, pourtant garantie par la Constitution, basculer vers un régime d’autorisation préalable soumis au bon vouloir de l’État et de son administration.
Elle rappelle que l’État dispose déjà d’un très important arsenal de dispositifs légaux et règlementaires opérationnels, renforcé en 2019, pour suivre et surveiller les enfants scolarisés en famille et pour sanctionner les parents qui, dans le cadre d’une radicalisation ou de dérives sectaires, mettraient leurs enfants ou la société en danger.
La Fondation appelle donc l’État à se donner véritablement les moyens de mettre en œuvre plus efficacement ces dispositifs existants :
- en appliquant de façon ferme et systématique les contrôles et les mesures prévues auprès des familles concernées par le séparatisme (rappelons qu’à ce jour, aucune mesure d’impact n’a été fournie par le ministère) ;
- en créant, avec les associations et professionnels de l’instruction en famille, les représentants des cours par correspondance et les services de l’État, une instance commune de dialogue et de travail permettant une plus grande efficacité dans l’identification des enfants en danger, et qui représentent, de facto, une infime partie des enfants instruits à domicile.
Concernant les écoles indépendantes, la Fondation prend note des nouvelles mesures qui seront présentées le 9 décembre 2020 au gouvernement, et rappelle une fois encore l’existence d’un lourd arsenal juridique encadrant déjà la création et le contrôle des écoles dites hors contrat, renforcé par la récente loi Gatel en 2018.
À la lecture de ces nouvelles mesures, la Fondation pour l’école alerte les services de l’État sur les trois points suivants :
- Maintien de la continuité pédagogique
Dans le cas où la fermeture d’un établissement demandée par le préfet ferait l’objet d’un recours en référé devant le juge des libertés, la Fondation pour l’école demande que soit apportée la garantie que la décision de fermeture sera automatiquement suspendue jusqu’au rendu de l’ordonnance. Cette suspension permettrait la continuité pédagogique, la pérennité de l’établissement et le maintien des emplois en cas de fermeture abusive. - Prévention des risques de récidive
En l’état du projet de loi, une peine complémentaire est prévue pour les directeurs d’établissement régulièrement déclaré qui ne se conformeraient pas à une mise en demeure. Or, cette peine n’est pas prévue pour les directeurs d’écoles ouvertes illégalement, dénommées également « établissements clandestins » ou « établissements de fait ». Cette différence de traitement est choquante en ce qu’elle parait favoriser les directeurs d’écoles ouvertes illégalement. La Fondation pour l’école demande qu’il soit également bien prévu une interdiction de diriger ou d’enseigner pour un directeur d’une école clandestine et fermée par les services de l’État. - Accès aux différents fichiers d’auteurs d’infractions graves
Compte tenu de l’obligation nouvelle qui serait faite à tous les établissements indépendant de transmettre à l’administration la liste de tous leurs personnels, la Fondation pour l’école demande qu’il soit donné aux dirigeants de ces établissements la possibilité d’interroger un référent aux fins de vérifier, préalablement aux embauches, si lesdits personnels sont signalés sur les différents fichiers d’auteurs d’infractions graves. Cette mesure, maintes fois réclamée par le passé par la Fondation, permettrait aux directeurs d’établissement indépendant de garantir davantage encore auprès des familles et de l’administration la qualité de leurs recrutements.
Pour mémoire, la surprenante annonce de l’interdiction de l’instruction en famille du 2 octobre dernier intervenait après que l’âge de scolarisation obligatoire des enfants en France avait déjà été abaissé de six à trois ans, et dans un contexte où un certain nombre de familles avaient pu expérimenter l’instruction à domicile, avec satisfaction pour certains enfants, du fait du confinement.
Dès cette annonce, la Fondation pour l’école s’est fortement mobilisée pour assister toutes les familles et associations concernées par la défense de l’instruction en famille, considérant que l’interdiction de principe d’un tel mode de scolarisation portait atteinte, de façon tout à fait disproportionnée et grave, à la liberté d’enseignement (cf. nos communiqués de presse des 2 octobre, 11 novembre et 1er décembre 2020).
La Fondation avait notamment rejoint le collectif d’associations constitué (UNIE, FELICIA, L’École est la maison, PIEE, LAIA, etc.) en promouvant notamment une pétition qui a rassemblé à ce jour 122 440 signataires.
Elle a échangé régulièrement avec d’autres groupes de travail portant la même préoccupation et conduisant, à leur niveau (auprès de parlementaires et d’élus locaux, notamment) des actions efficaces. La Fondation était consciente que l’interdiction annoncée devrait être combattue en amont (en amont de l’examen du projet de loi par le Conseil d’État) comme en aval (en agissant auprès du Parlement et, le cas échéant, auprès du Conseil constitutionnel).
Avec l’ensemble des acteurs concernés, la Fondation pour l’école s’était étonnée que dans le cadre de l’étude d’impact, n’aient visiblement pas été entendus les différentes associations et collectifs intervenant en soutien des familles prenant en charge l’instruction en famille.
La Fondation a pris part aux réunions organisées par le ministère de l’Éducation nationale pour d’abord soutenir les écoles indépendantes mais aussi le collectif concerné par le projet d’interdiction de l’instruction en famille et les cours par correspondance, directement impactés par cette mesure (cf. nos communiqués de presse des 11 novembre et 1er décembre 2020).
La Fondation pour l’école est une fondation reconnue d’utilité publique, engagée depuis 2008 au service de l’amélioration de l’instruction et de l’éducation de tous les enfants. En soutenant le développement d’écoles indépendantes et la diffusion d’une culture de la liberté d’enseignement dans les établissements scolaires publics comme privés, la Fondation contribue à renforcer l’efficacité et la justice du système éducatif français dans son ensemble.
Avis nº 401549 du Conseil d’État archivé au format PDF (656 Ko, 57 p.).
Communiqué archivé au format PDF (113 Ko, 3 p.).
Étude d’impact archivée au format PDF (3.44 Mo, 408 p.).
Mise à jour du 9 décembre 2020
Discours de Jean Castex archivé au format PDF (408 Ko, 4 p.).
Dossier de presse archivé au format PDF (1.28 Mo, 16 p.).
Projet de loi nº 3649 archivé au format PDF (380 Ko, 66 p.).