Les paiements d’une prestation compensatoire ne sont pas déductibles s’ils ne sont pas conformes au jugement de divorce

Palais des juridictions administratives de Lyon (© D.R.)

La cour administrative d’appel de Lyon a rendu aujourd’hui une décision sur un sujet quelque peu périphérique par rapport à nos préoccupations ordinaires, mais qui pourra intéresser certains de nos lecteurs.

Divorcé en 2009, un contribuable avait versé la prestation compensatoire due à son ex-épouse sur une période supérieure à douze mois alors que la cour d’appel de Lyon avait expressément écarté le paiement fractionné de ladite prestation. Ayant quand même déduit les deux premiers versements de son revenu global de l’année 2010, il avait fait l’objet d’un redressement fiscal. Le tribunal administratif de Lyon ayant rejeté en octobre 2016 sa demande de décharge, l’affaire a été portée devant la cour administrative d’appel de Lyon qui a également rejeté la requête.

En effet, aux termes de l’article 156 II-2º du code général des impôts, les prestations compensatoires en capital versées sous forme d’argent en application de l’article 275 du code civil sont bien déductibles du revenu global du débiteur lorsque ces versements sont effectués sur une période supérieure à douze mois. Cependant, la cour administrative d’appel de Lyon a estimé que ces dispositions ne peuvent s’entendre que des versements effectués conformément aux modalités de paiement fixées par le juge du divorce. En l’espèce, la cour d’appel de Lyon ayant expressément écarté le paiement fractionné de la prestation compensatoire, le contribuable n’était donc pas fondé à en demander la déduction de son revenu global.

Ledit contribuable se prévalait également des dispositions du paragraphe 11 de l’instruction 5 B-21-06, selon lesquelles les versements réalisés, en tout ou partie, au-delà du délai de douze mois prévu par le jugement de divorce sont quand même déductibles si l’administration ne peut établir l’intention du contribuable d’en retirer le bénéfice d’un régime fiscal indûment favorable. La cour administrative d’appel de Lyon a ainsi rejeté l’argument :

« Ces dispositions de la doctrine administrative, qui laissent un pouvoir d’appréciation à l’administration, ne sauraient ainsi être regardées comme une interprétation formellement admise du texte fiscal, dont le contribuable pourrait se prévaloir en application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales. »

La présente affaire peut être rapprochée d’une autre plus ancienne (décision nº 11LY00932 du 26 janvier 2012), où le jugement de divorce n’avait pas prévu les modalités de versement de la prestation compensatoire. La cour administrative d’appel de Lyon avait là déjà jugé que le régime fiscal de la prestation compensatoire était déterminé par les conditions définies par le jugement de divorce, ce qui revenait en l’espèce à considérer que la prestation compensatoire était exigible dès que le jugement de divorce était passé en force de chose jugée.

Il faut cependant noter qu’un raisonnement contraire a été tenu par la cour administrative d’appel de Douai, qui a considéré que les conditions réelles de versement des sommes primaient sur la durée fixée par le juge du divorce pour le paiement de la prestation compensatoire (décision nº 10DA00624 du 20 octobre 2011).

Rappelons enfin que, d’après la doctrine administrative actuellement en vigueur (BOI-IR-RICI-160), lorsque le débiteur libère le capital, en tout ou partie, au-delà du délai de douze mois, alors que la convention ou le jugement de divorce prévoyait le versement intégral de ce capital dans les douze mois, la prestation compensatoire n’est pas déductible du revenu global du débiteur et les versements opérés n’ouvrent pas davantage droit à réduction d’impôt sur le revenu.

Références
Cour administrative d’appel de Lyon
5e chambre, formation à 3
Lecture du 29 mars 2018
Décision nº 16LY03636

Pro memoria :

Mise à jour du 14 octobre 2020

La décision a été partiellement confirmée aujourd’hui par le Conseil d’État. Voir notre chronique du jour.

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