Déduction de la prestation compensatoire du revenu imposable

Conseil d'État

Le Conseil d’État a mis fin aujourd’hui à une divergence entre les cours administratives d’appel de Douai et de Lyon en jugeant que les versements de prestation compensatoire opérés au-delà de douze mois contrairement au jugement de divorce ne sont pas déductibles du revenu global.

En l’espèce, un couple avait engagé une procédure de divorce en 2004. Le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône avait prononcé le divorce en juin 2007 (et non 2017, comme indiqué par erreur dans la décision de ce jour) et condamné le mari au versement d’une prestation compensatoire à hauteur de 240 000 euros. Dans un arrêt de confirmation rendu en janvier 2009, la cour d’appel de Lyon avait jugé qu’il n’y avait pas lieu que ce capital fît l’objet d’un paiement fractionné. Le pourvoi formé par l’ex-épouse avait été rejeté par la première chambre civile de la Cour de cassation en avril 2010.

S’étant acquitté de la somme demandée en trois versements, deux en août 2010 et un en mai 2011, l’ex-mari avait déduit la somme correspondant aux deux premiers versements – soit 177 250 euros – de son revenu global de l’année 2010, en application du 2º du II de l’article 156 du code général des impôts. À la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale avait cependant estimé que ces deux versements ne pouvaient faire l’objet que de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 octodecies du code général des impôts, soit un montant de 5 632 euros ; elle avait donc réintégré la somme de 177 250 euros au revenu imposable de l’ex-mari et avait assujetti ce dernier à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la différence entre les impositions résultant de cette réintégration et la réduction d’impôt admise par l’administration. Le tribunal administratif de Lyon avait rejeté en octobre 2016 la requête de l’ex-mari, qui demandait la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge et des pénalités correspondantes. La cour administrative d’appel de Lyon ayant rejeté son appel en mars 2018 (voir notre chronique du 29 mars 2018), l’ex-mari avait formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, lequel a partiellement confirmé l’arrêt aujourd’hui :

« 2. En premier lieu, d’une part, aux termes du 2º du II de l’article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, sont déductibles du revenu imposable les versements de sommes d’argent correspondant à la prestation compensatoire fixée en application d’un jugement de divorce, lorsqu’ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force [de] chose jugée.

« 3. D’autre part, l’article 274 du code civil dans sa version applicable aux sommes en litige dispose que : “La prestation compensatoire prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge”. Aux termes de l’article 275 du même code : “Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera l’attribution ou l’affectation de biens en capital : / 1. Versement d’une somme d’argent (…)”. Conformément à l’article 275-1 du même code : “Lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 275, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires (…)”.

« 4. Il résulte de ces dispositions que les versements de la prestation compensatoire effectués sur une durée supérieure à douze mois, au sens de l’article 156 du code général des impôts, et déductibles à ce titre du revenu imposable, ne peuvent s’entendre que de ceux qui l’ont été conformément aux modalités de paiement fixées par le juge. Par suite, en jugeant que, dès lors que la cour d’appel de Lyon avait décidé qu’il n’y avait pas lieu que la prestation compensatoire due par [l’ex-mari] fasse l’objet d’un paiement fractionné, l’intéressé n’était pas fondé à en demander la déduction de son revenu global, alors même qu’il l’aurait versée sur une durée de plus de douze mois, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit. »

Le Conseil d’État met donc ici fin à une divergence entre la cour administrative d’appel de Lyon et la cour administrative d’appel de Douai, qui avait quant à elle considéré dans une affaire précédente que les conditions réelles de versement des sommes primaient sur la durée fixée par le juge du divorce pour le paiement de la prestation compensatoire (décision nº 10DA00624 du 20 octobre 2011).

L’arrêt a cependant été annulé en raison d’une erreur de droit relative au rehaussement d’impositions et l’affaire a été renvoyée devant la cour administrative d’appel de Lyon.

Références
Conseil d’État
10e/9e chambres réunies
Lecture du 14 octobre 2020
Décision nº 421028

Pro memoria :

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