Mouiller (Philippe), question orale nº 1401 à la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées sur le projet de décret relatif à la prestation de compensation du handicap parentalité [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 48 S (Q), 3 décembre 2020, p. 5646].
M. Philippe Mouiller attire l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées sur le projet de décret relatif à la prestation de compensation du handicap parentalité. Lors de la dernière conférence nationale du handicap, le Président de la République a fait une annonce très forte et très attendue par et pour les milliers de parents en situation de handicap concernés et leurs associations représentatives. En effet, la prestation de compensation du handicap (PCH) était enfin élargie aux aides humaines et techniques. Cependant, à ce jour, les associations et les comités de parents sont particulièrement déçus quant aux modalités de mise en œuvre de la PCH parentalité qui leur sont proposées. La réponse forfaitaire de l’aide humaine ne correspond pas au principe d’individualisation de la prestation de compensation qui aurait permis à chaque parent en situation de handicap, selon ses besoins et sa situation, d’avoir une prestation adaptée qui lui permette d’exercer pleinement son rôle de parent. En effet, les dispositions règlementaires en cours prévoient d’attribuer une aide humaine forfaitaire attribuée selon l’âge de l’enfant et non selon les besoins avérés de son parent en situation de handicap. Pire, ce forfait est limité à 30 h par mois (soit 1 h d’intervention humaine par jour) pour les parents ayant des enfants de 0 à 3 ans et à 15 h par mois (soit 30 minutes par jour) pour les parents ayant des enfants de 3 à 7 ans. Et ce quel que soit le nombre d’enfants dans la famille. Ces forfaits seront, par ailleurs, augmentés de moitié pour des familles monoparentales. Avec 1 h à 1 h 30 d’aide humaine en moyenne par jour, cette PCH parentalité sera loin de couvrir tous les besoins des parents les plus dépendants. Par ailleurs à l’argument que les forfaits permettraient aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de répondre plus vite aux sollicitations car elles ne connaissent pas les besoins en parentalité, les parents en situation de handicap répondent que les MDPH, appliquent déjà la PCH, dans son principe, tel que l’a voulu le législateur en 2005, avec approche individualisée. Par ailleurs, elles connaissent déjà les familles car la mesure est ouverte aux personnes déjà éligibles à la PCH et que au contraire, la mesure « forfaitaire » non seulement nie leur rôle d’instruction, d’évaluation et attribution des droits mais va également entraîner des modifications de pratiques des équipes, de révision de leurs systèmes d’informations internes qui sont en plein déploiement et qui ont déjà pris beaucoup de retard. Les parents en situation de handicap sont très inquiets car les arguments avancés pour cette forfaitisation de la PCH parentalité qui était annoncée comme « provisoire » pour 2021 sont potentiellement reconductibles en 2022. De plus, l’enveloppe budgétaire annoncée par le Président de la République ne sera disponible dans les faits qu’en 2022 et obligera les conseils départementaux en 2021 à procéder, sur leurs propres budgets, déjà très dégradés, à cette dépense supplémentaire avec le risque de l’appliquer que s’ils l’acceptent et que s’ils en ont les moyens. Il lui demande de bien vouloir lui préciser les corrections qu’elle entend apporter au projet du décret relatif à la PCH parentalité.
Réponse du Secrétariat d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, chargé de la Jeunesse et de l’Engagement, lors de la séance publique du 15 décembre 2020.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question nº 1401, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
M. Philippe Mouiller. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.
Lors de la dernière conférence nationale du handicap (CNH), le Président de la République a fait une annonce très forte et très attendue par et pour les milliers de parents en situation de handicap concernés et leurs associations représentatives.
Cependant, à ce jour, les associations et les comités de parents sont particulièrement inquiets quant aux modalités de mise en œuvre de la prestation de compensation du handicap (PCH) parentalité.
La forfaitisation de l’aide humaine ne correspond pas au principe d’individualisation de la prestation de compensation. Or chaque parent en situation de handicap a besoin d’une prestation adaptée, selon ses besoins et sa situation, afin de pouvoir exercer pleinement son rôle de parent.
En effet, les dispositions réglementaires en cours prévoient d’attribuer une aide humaine forfaitaire selon l’âge de l’enfant et non selon les besoins avérés de son parent en situation de handicap.
Par ailleurs, à l’argument que les forfaits permettraient aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de répondre plus vite aux sollicitations, car elles ne connaissent pas les besoins en parentalité, les parents en situation de handicap répondent que les MDPH appliquent déjà la PCH, dans son principe, conformément au souhait du législateur en 2005, avec une approche individualisée.
En outre, elles connaissent déjà les familles, car la mesure est ouverte aux personnes déjà éligibles à la PCH. La mesure forfaitaire est au contraire une négation de leur rôle d’instruction, d’évaluation et d’attribution des droits.
Les parents sont très inquiets, car la forfaitisation de la PCH parentalité, qui était annoncée comme provisoire pour 2021, est potentiellement reconductible en 2022, sur le fondement des mêmes arguments.
Autre difficulté, l’enveloppe budgétaire annoncée par le Président de la République ne sera disponible dans les faits qu’en 2022, ce qui obligera les conseils départementaux, en 2021, à financer cette dépense supplémentaire sur leurs propres budgets, déjà très dégradés, le risque étant alors qu’ils n’appliquent cette mesure que s’ils l’acceptent et s’ils en ont les moyens.
Quelles réponses pouvez-vous apporter aux inquiétudes des parents et des conseils départementaux ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Mouiller, je vous prie d’excuser l’absence de Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, qui me charge de vous faire part de sa réponse.
L’élargissement de la PCH à la prise en charge des besoins liés à la parentalité répond en effet à une attente historique des familles.
Les associations, intégrées au groupe de travail préparatoire, ont adopté à une très large majorité un avis favorable, vous l’avez évoqué, lors de la réunion du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) du 20 novembre dernier.
L’objectif de déployer, comme nous nous y étions engagés lors de la CNH de février, les droits au bénéfice des 17 000 familles concernées dès le 1er janvier 2021 nous a conduits à mettre en œuvre la compensation sous forme de forfait, afin de faciliter l’appropriation par les familles et les acteurs de l’instruction.
L’aide humaine est libellée en nombre d’heures, le montant de la prise en charge s’élevant à 30 euros de l’heure. Cette forfaitisation offre une souplesse totale aux familles, qui pourront choisir librement les modalités d’accompagnement de leurs enfants qu’elles souhaitent financer.
Les parents toucheront ainsi 900 euros par mois les trois premières années de vie de l’enfant, soit une heure d’aide par jour, puis 450 euros de 3 ans à 7 ans.
Par ailleurs, les parents en situation de handicap bénéficieront d’un forfait d’aides techniques de 1 200 euros à la naissance, aux 3 ans et aux 6 ans de l’enfant, ce qui correspond à une entrée dans chaque cycle scolaire. Cette somme permettra aux parents de couvrir le surcoût du matériel pédiatrique adapté.
Notre objectif est d’accompagner au mieux les personnes en situation de handicap, d’où le travail sur les droits à vie et sur la réduction des délais d’instruction, dont cette mesure fait partie.
Il était important d’assurer la fluidité de la mise en œuvre de cette prestation, dès le 1er janvier, alors que les MDPH ont été particulièrement touchées par la crise sanitaire, les équipes ayant parfois elles-mêmes été affectées en nombre par la covid-19. L’année 2021 nous permettra de les soutenir et de continuer à travailler main dans la main sur ces chantiers.
La mise en œuvre de la mesure sera évaluée tout au long de l’année 2021 et donnera lieu à la remise d’un rapport au CNCPH en janvier 2022 afin de déterminer les modalités devant être affinées, notamment pour les personnes qui, ayant plusieurs types de handicaps, ont des besoins très particuliers.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Merci, madame la secrétaire d’État, de votre réponse, qui est technique, précise, qui rappelle clairement le cadre, que je connaissais, étant moi-même membre du CNCPH.
En revanche, vous n’avez pas répondu clairement aux deux préoccupations des familles, la forfaitisation – même si elle est pratique, elle est source d’inquiétude – et le financement. En nous écoutant aujourd’hui, les départements n’auront absolument pas de réponse à leur question simple : qui va payer ?
Mise à jour du 16 décembre 2020
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 114 S (C.R.), 16 décembre 2020, pp. 11938-11939] au format PDF (386 Ko, 3 p.).