Communiqué de presse des Juristes pour l’enfance
Instruction en famille : un choix sans lien avec le séparatisme
Aujourd’hui 14 décembre, l’Assemblée nationale a désigné les membres de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Ce texte comporte des dispositions relatives à l’instruction en famille, dite aussi école à la maison (article 21 du projet de loi).
Le régime actuel de l’instruction en famille (IEF) est un régime déclaratif, les enfants faisant ensuite l’objet d’une enquête de la mairie et d’une inspection par l’académie. 55 000 écoliers, collégiens ou lycéens (soit 0,45 % de l’ensemble) seraient scolarisés aujourd’hui à la maison.
Le projet remplace le régime actuel de déclaration par un régime d’autorisation préalable ne pouvant être demandée que dans des cas limitativement énumérés par la loi, et « sans que puissent être invoquées les convictions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes qui sont responsables de l’enfant ». Les cas sont les suivants :
« 1º L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
« 2º La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
« 3º L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ;
« 4º L’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. »
Les trois premiers motifs sont ceux permettant aujourd’hui l’inscription gratuite d’un enfant au Centre national d’enseignement à distance.
Le quatrième motif, relatif à l’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, est vague et flou, susceptible d’interprétations diverses et subjectives entrainant ruptures d’égalité et insécurité juridique.
Surtout, ces cas limitatifs n’incluent pas l’exercice par les parents de leur liberté éducative de choisir d’instruire leur enfant en famille et d’opter pour des méthodes pédagogiques différentes de celles mises en œuvre par l’éducation nationale.
Cette atteinte sans précédent à la liberté éducative poursuivrait selon le Gouvernement l’objectif annoncé de lutter contre l’islamisme radical et le séparatisme.
Or, la radicalisation des enfants et des jeunes, lorsqu’elle existe, n’est pas effectuée dans le cadre de l’instruction en famille déclarée et limitée aux enfants d’une même famille, mais plutôt dans le cadre d’écoles clandestines, regroupant plusieurs dizaines d’enfants de familles différentes hors de tout cadre légal.
L’atteinte aux libertés fondamentales n’est donc en rien justifiée puisqu’aucun élément factuel ne permet de caractériser un risque de radicalisation lié à l’instruction en famille.
Le choix de l’instruction en famille n’exprime en rien un rejet des valeurs démocratiques ou de la nation française, mais relève de l’exercice d’une liberté et répond à des attentes variées :
- s’adapter à la personnalité d’un enfant, à son rythme, ses besoins, ses envies, lui offrir une pédagogie alternative, un apprentissage en lien avec la nature hors des murs de l’école, sécuriser un enfant menacé à l’école, etc.
- ce choix peut être fait pour un enfant ou toute la fratrie, pour une année ou plusieurs : les modalités sont variées et s’adaptent à chaque enfant.
L’instruction en famille a toujours existé et a permis l’éclosion de talents célèbres : de Mozart à Ampère en passant par Blaise Pascal et Agatha Christie. Nos contemporains français instruits en famille auraient-ils été privés d’éducation à la citoyenneté et d’accès à la culture et à l’histoire ? Vincent Cassel, Marguerite Yourcenar, Anne Queffélec, Christine Ockrent, Jean d’Ormesson, Luc Ferry, Michel Polnareff, Pierre-Gille de Gennes, etc.
Pour justifier le nouveau régime, l’exposé des motifs du projet de loi allègue que « notre arsenal juridique est insuffisant ». En ce qui concerne le sujet de l’instruction en famille, cet argument n’est pas exact. Les moyens du contrôle du respect par les familles des règles garantissant l’instruction des enfants existent et sont suffisants. Il suffit de les mettre correctement en œuvre, peut-être en les réorganisant pour s’adapter par exemple à l’augmentation du choix de l’instruction en famille constatée depuis la rentrée qui a suivi le confinement du printemps 2020.
Ce qui est certain, c’est que la menace de la radicalisation ne saurait servir de prétexte à supprimer cette liberté.
Communiqué archivé au format PDF (1.13 Mo, 3 p.).
Examen du projet de loi par les Juristes pour l’enfance archivé au format PDF (213 Ko, 14 p.).
Projet de loi nº 3649 archivé au format PDF (380 Ko, 66 p.).