Conflit parental entre l’Afrique du Sud et l’Angleterre

Courts and Tribunal Judiciary

La Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles a rendu aujourd’hui une décision intéressante quant à l’interaction entre les obligations d’un État en vertu de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite « Convention de Genève », et des directives européennes connexes. Nonobstant certaines particularités du régime de common law en vigueur outre-Manche et le caractère très technique du sujet, elle pourrait aussi intéresser certains de nos lecteurs puisque les principes en cause ont une valeur pratiquement universelle.

Contexte

En l’espèce, un homme, dont on sait seulement qu’il a une nationalité européenne, vit depuis plus de vingt ans en Afrique du Sud. Il y rencontra une femme qu’il épousa en 2010 et une enfant naquit de cette union deux ans plus tard (§ 5). Le couple se sépara en 2014 et divorça en 2018. La résidence habituelle de l’enfant fut fixée chez sa mère, le père bénéficiant d’un droit de visite et d’hébergement dit « classique » – un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires (§ 7).

La mère enleva l’enfant en Angleterre en février dernier (§ 10). Le père demanda le retour immédiat de sa fille sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Saisie, la High Court of Justice (Family Division) ordonna le retour de l’enfant en mai dernier (§ 11). Trois jours avant la date prévue, le Secretary of State for the Home Department (équivalent britannique de notre ministère de l’Intérieur) informa la juridiction que la mère avait demandé l’asile au Royaume-Uni, arguant qu’elle avait reçu des menaces de sa famille parce qu’elle était lesbienne (§§ 12-14). Le Secretary of State for the Home Department ayant cru à tort que l’enfant avait également demandé l’asile, la High Court of Justice (Family Division) ordonna un sursis à l’exécution du retour de l’enfant dans l’attente d’une décision du Secretary of State for the Home Department sur les deux demandes d’asile (§§ 15-20).

Le père demanda à pouvoir faire appel de l’ordonnance de sursis à l’exécution [1]. L’appel fut autorisé en juillet dernier, et le Secretary of State for the Home Department informa la juridiction en août qu’en fait seule la mère avait demandé l’asile, avec l’enfant comme personne à charge, mais qu’il n’y avait pas eu de demande propre de l’enfant (§§ 22-23).

La Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles a dès lors dû se déterminer sur les cinq points suivants (§ 24) :

« Issue 1: In the context of an application for a return order under the 1980 Hague Convention and [Child Abduction and Custody Act 1985], does the fact that the child and/or the taking parent have refugee status or a pending asylum claim or appeal act as any form of bar to the determination of the application or the making or implementation of any return order?

« Issue 2: If so, does it act as a bar (i) to the determination of the application or (ii) to the making of a return order or (iii) only to the implementation of any return order?

« Issue 3: If there is no bar to the determination of the application, how should the court go about its task of deciding whether to determine or to stay the application?

« Issue 4: What part, if any, should the child play in the application?

« Issue 5: What steps should the court take to apprise the Secretary of State of the application under the 1980 Hague Convention and any material used in that application? »

Décision

Après avoir longuement détaillé la législation pertinente (§§ 25-112), le juge Gary Hickinbottom a défini et analysé quatre types de situations de l’enfant pour déterminer, au regard du premier point supra, que rien n’interdit le retour de l’enfant (§§ 113-140). Au regard du deuxième point, il a conclu qu’une interdiction ne peut de toute façon s’appliquer qu’à l’exécution d’une décision de retour (§§ 141-152). Au regard du troisième point, il a établi des lignes directrices sur la conduite de la procédure (§§ 153-161). Au regard du quatrième point, il a estimé que l’enfant devait être joint en tant que partie à la procédure (§§ 162-164). Au regard du dernier point, il a fourni des lignes directrices sur les mesures à prendre pour informer le Secretary of State for the Home Department de l’application de la Convention de La Haye (§§ 165-166).

L’appel du père a donc finalement été accueilli et l’affaire renvoyée à une audience ultérieure :

« 184. In short, for the reasons we have given, we have concluded that the judge was wrong to proceed on the basis that there was a bar to determining the 1980 Hague Convention application, because (i) contrary to the facts as she had been given them, no independent application for asylum had been made by or on behalf of [the child], and (ii) in any event, there was no bar to determining the application or even to making a return order, as opposed to implementing any such order.

« 185. Therefore, subject to submissions in relation to the form of order, we shall remit the matter to the Family Division for further consideration of the 1980 Hague Convention application in the light of this judgment. »

Note
  1. La législation du Royaume-Uni prévoit une autorisation préalable pour pouvoir faire appel d’une décision judiciaire (cf. section VIII des Civil Procedure Rules 1998 et sections 54 à 58 de l’Access to Justice Act 1999).
Références
England and Wales Court of Appeal (Civil Division)
Date : 15 septembre 2020
Décision : G (A Child : Child Abduction) [2020] EWCA Civ 1185
Mise à jour du 19 mars 2021

La Cour suprême du Royaume-Uni a partiellement accueilli aujourd’hui un appel ultérieur de la mère dans cette affaire. Voir notre chronique du jour.

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