Questions sur la suppression de la prestation compensatoire pour les débirentiers

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 48 S (Q), 5 décembre 2019

Dallier (Philippe), Question écrite nº 13080 à la ministre de la justice sur le régime des prestations compensatoires avant la loi du 30 juin 2000 [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 45 S (Q), 14 novembre 2019, p. 5699].

Philippe Dallier (© Jules Robin)

Philippe Dallier (© Jules Robin)

M. Philippe Dallier attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice au sujet des personnes divorcées avant 2000, condamnées à verser à leur ex-époux, leur vie durant, une rente de prestation compensatoire.

À la fois dette et prestation alimentaire, cette rente, lorsqu’elle est versée depuis plus de vingt ans, représente un montant total moyen de 256 000 euros. Après la loi nº 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, la moyenne des sommes demandées, sous la forme de capitaux et payables en huit ans, est inférieure à 25 000 euros.

L’administration reste sur sa position et argue que cette rente n’est pas transmissible, puisque prélevée sur l’actif de la succession et que les héritiers peuvent toujours renoncer à la succession. Il s’agit sans nul doute d’un poids financier pour les héritiers, souvent étrangers aux affaires familiales de leurs parents.

À ce jour, l’État a laissé sans réponse toutes les demandes et requêtes sur cette question.

Souvent, faute essentiellement de moyens financiers, les débiteurs n’osent pas entamer de révision. Ils vivent avec la peur de laisser à leurs héritiers, veuf et enfants, une situation financière difficile.

Il paraît donc primordial de mettre un terme à cette situation aberrante, unique en Europe, en supprimant la dette au décès du débiteur.

Il souhaiterait donc savoir les dispositions que le Gouvernement compte prendre sur ce sujet.


Janssens (Jean-Marie), Question écrite nº 13133 à la ministre de la justice sur la suppression de la prestation compensatoire pour les débirentiers [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 46 S (Q), 21 novembre 2019, p. 5784].

Jean-Marie Janssens (© D.R.)

Jean-Marie Janssens (© D.R.)

M. Jean-Marie Janssens attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la suppression de la prestation compensatoire pour les débirentiers, en particulier lors de leurs décès. La loi nº 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce s’avère particulièrement défavorable aux personnes ayant divorcé avant la promulgation de la loi, et qui ont été condamnées à verser à leur ex-conjoint(e) une rente viagère de prestation compensatoire. Cette rente viagère versée depuis plus de vingt ans représente en moyenne des sommes d’un montant supérieur à 250 000 euros. Par comparaison, dans les mêmes conditions de divorce, après la loi de 2000, la moyenne des sommes demandées, sous forme de capitaux payables en huit ans, n’est que de 25 000 euros. La loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a ouvert la possibilité de demander une révision ou une suppression de cette rente et assoupli les conditions dans lesquelles les prestations compensatoires versées sous forme de rente peuvent être révisées. Cependant, les débirentiers les [plus] faibles et les plus démunis n’osent pas demander cette révision, faute de moyens financiers. À cela s’ajoute la question de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débirentier à son décès. En effet, la prestation compensatoire fixée sous forme de rente est automatiquement convertie en capital à la date du décès. À la peine s’ajoutent donc une nouvelle douleur morale et une charge financière insoutenable pour les familles recomposées. Il lui demande donc si la suppression de cette dette au décès du débiteur pourrait être envisagée.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 48 S (Q), 5 décembre 2019, pp. 6040-6041.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Le ministère de la justice est conscient des difficultés engendrées, dans certaines situations, par la transmissibilité passive de la prestation compensatoire, notamment dans les situations où elle a été fixée sous forme de rente viagère avant la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce. Plusieurs évolutions législatives ont déjà eu lieu. Si la loi du 30 juin 2000 a conservé le principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers, conformément au droit commun des successions, cette transmissibilité a été considérablement aménagée avec la déduction automatique, sur le montant de la rente, des pensions de réversion versées au conjoint divorcé au décès de son ex-époux. Ensuite, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce est venue préciser que le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession dans la limite de l’actif successoral. Ce texte a aussi consacré l’automaticité de la substitution d’un capital à une rente, sauf accord unanime des héritiers et la possibilité, pour les héritiers qui ont décidé de maintenir la rente, de demander la révision, la suspension ou la suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’un [sic] ou l’autre des parties. Enfin, plus spécifiquement pour les rentes viagères fixées antérieurement au 1er juillet 2000, il a été prévu une faculté supplémentaire de révision, de suspension ou de suppression lorsque leur maintien en l’état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard de l’âge et l’état de santé du créancier. La loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a précisé qu’il était également tenu compte de la durée du versement de la rente et du montant des sommes déjà versées. Le dispositif issu de ces lois successives est ainsi équilibré et permet que le juge traite au cas par cas une très grande variété de situations répondant ainsi, tant aux besoins des créanciers qui auront parfois sacrifié toute vie professionnelle dans l’intérêt de leur famille, qu’aux besoins des débirentiers.


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