Question sur la création de juridictions spécialisées visant à lutter contre les violences intrafamiliales

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 15 S (Q), 15 avril 2021

Brisson (Max), question écrite nº 19605 au ministre de la Justice sur la création de juridictions spécialisées visant à lutter contre les violences intrafamiliales [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 50 S (Q), 17 décembre 2020, p. 6012].

Max Brisson (© D.R.)

Max Brisson (© D.R.)

M. Max Brisson appelle l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la création de juridictions spécialisées visant à lutter contre les violences intrafamiliales.

Dernièrement, le Gouvernement, par la voix de la ministre de la transition écologique et du garde des sceaux, a annoncé la création de deux nouveaux délits visant à sanctionner les atteintes à l’environnement. Il serait ainsi créé un délit « d’écocide ». Cette annonce en était accompagnée d’une autre : la création de juridictions spécialisées sur l’environnement au sein de chaque cour d’appel.

Chaque année et cette année ne semble pas vouloir faire exception, 146 femmes meurent sous les coups de leur compagnon ou de leur ex-conjoint.

L’Espagne, pour lutter contre ce fléau, a mis en place de nombreuses mesures, parmi lesquelles : la formation du personnel, des aides financières et surtout des tribunaux spéciaux. Ce pays est devenu un exemple dans cette lutte appelée de l’autre côté des Pyrénées, lutte contre les violences machistes. Ainsi, ces affaires sont traitées par des tribunaux spécifiques, au civil et au pénal, qui prévoient des peines plus fortes pour ces actes.

La création de juridictions spécialisées est réclamée par les associations, en première ligne dans ce combat.

Selon les données du ministère des familles, de l’enfance et des droits aux femmes en 2019, chaque année 216 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire. Notre pays ne peut se résoudre à accepter une telle situation.

En conséquence, il lui demande si le Gouvernement envisage une vraie réflexion pour la mise en place de juridictions spécialisées visant à lutter contre les violences intrafamiliales ou plus largement envers les violences aux personnes, accompagnées de la création, dans le droit, d’un crime de féminicide.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 15 S (Q), 15 avril 2021, p. 2527.

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

La lutte contre les violences conjugales, et en particulier la lutte contre les violences faites aux femmes, est l’une des principales priorités d’action du Gouvernement. Vous proposez la création de tribunaux spécialisés visant à lutter contre les violences intrafamiliales. C’est une option examinée dans le cadre du Grenelle mais qui a dû être écartée, par crainte de heurter le principe d’égalité des citoyens devant la loi. En effet, tous les tribunaux du territoire ne pouvant accueillir – en raison de leur taille – une telle juridiction, une inégalité de traitement en résulterait inévitablement. Cela serait en outre source de complexification pour le justiciable, ce alors même que la loi de programmation et de réforme de la justice du 23 mars 2019 a simplifié l’organisation judiciaire en instituant les tribunaux judiciaires à compter du 1er janvier 2020. Le choix qui a été effectué est ainsi d’une part de privilégier la formation des magistrats. De nombreuses formations sur ce thème sont ainsi proposées et à chaque changement de fonctions, cette thématique est abordée. Et d’autre part, de créer des filières de l’urgence au sein des tribunaux permettant un traitement prioritaire et transversal de ces dossiers. La direction des services judiciaires a ainsi modélisé des circuits de traitement court qui sont à présent déclinés dans les juridictions. La circulaire du 9 mai 2019 rappelle aux parquets le rôle qu’ils doivent jouer en matière de protection des victimes, notamment en sollicitant d’initiative la délivrance d’une ordonnance de protection, spécialement lorsque la victime est en grande difficulté pour effectuer une telle démarche (par exemple, en cas d’hospitalisation à la suite des faits de violences dénoncés, ou en cas d’emprise forte du défendeur). Cette circulaire rappelle également la nécessité d’une circulation de l’information au sein de la juridiction, afin que l’ensemble des éléments d’une situation de danger soit communiqué aux magistrats compétents, tels que les juges aux affaires familiales et les magistrats du parquet. Ces instructions ont été renouvelées par la circulaire du 3 [sic, lire 23] septembre 2020. Plusieurs tribunaux ont ainsi mis en place des comités réunissant tous les magistrats concernés par les violences conjugales et leurs partenaires afin de décloisonner les services, résoudre les éventuelles difficultés et fluidifier la circulation de l’information. Par ailleurs, le ministère de la justice poursuit son action en faveur de la protection des victimes de violences conjugales en renforçant les dispositifs existants. Ainsi, les téléphones graves danger, qui peuvent être remis sans délai aux victimes par les parquets, ont augmenté de 434 % en deux ans. Dans le même temps, les ordonnances de protection prononcées ont augmenté de 96 %. Le bracelet électronique anti-rapprochement (BAR) est désormais généralisé à toutes les juridictions, y compris les territoires ultra-marins, depuis la mi-décembre. Sa mise en œuvre a nécessité un budget de 3 millions d’euros, et pour 2021 son budget est estimé à près de 8 millions d’euros. En matière pénale, les défèrements sont en forte augmentation et s’accompagnent dans 62 % des cas d’une mesure d’éloignement du conjoint violent. L’évaluation personnalisée des victimes est généralisée. Le juge pénal s’est également emparé des dispositions sur l’autorité parentale votées par le parlement, avec une hausse de 312 % de décisions statuant sur ce point. Le budget d’aide aux victimes de violences conjugales a quasiment doublé entre 2017 et 2021 traduisant bien la priorité que le ministère de la justice donne à la lutte contre les violences conjugales.


Faire un don

Totalement indépendant, ne bénéficiant à ce jour d’aucune subvention publique et ne vivant que de la générosité privée, P@ternet a besoin du soutien de ses lecteurs pour continuer, et se développer. Si cet article vous a intéressé, vous pouvez soutenir P@ternet grâce à un don ponctuel en cliquant sur l’image ci-dessous.

helloasso

Laissez un commentaire (respectez les règles exposées dans la rubrique “À propos”)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.