Revue de presse du 16 mars 2021

Alors que le sex ratio naturel à la naissance d’une population est d’environ 100 filles pour 105 garçons, on compte en moyenne 100 filles pour 115 garçons à Katmandou. Par ailleurs, la préférence pour les garçons est très ancrée dans la culture népalaise : alors que les filles sont considérées comme un fardeau financier, nécessitant une dot et quittant le foyer familial au moment du mariage, les garçons sont considérés comme des atouts économiques et sociaux.

La présente étude a visé deux objectifs : d’une part, produire des estimations nationales et infranationales du sex ratio à la naissance et du nombre de naissances de filles manquantes au Népal ; d’autre part, comprendre les corrélats socio-économiques de ce phénomène.

Les auteurs ont pour ce faire analysé des données du recensement de la population du Népal réalisé en 2011 et du Nepal Demographic and Health Survey pour les années 2006, 2011 et 2016. Le recensement de la population de 2011 faisait état de 2 567 963 enfants âgés de zéro à quatre ans et 27 329 naissances étaient enregistrées dans les trois éditions du Nepal Demographic and Health Survey analysées.

Les chercheurs ont estimé le sex ratio à la naissance, ainsi que le nombre et la proportion de filles disparues dans l’année et cinq ans avant le recensement par district. Ils ont également calculé des sex ratios conditionnels (dépendant de la parité et du sexe des enfants précédents) par niveau d’éducation, niveau de vie, période et province.

Ils ont constaté que onze districts avaient des sex ratios à la naissance significativement asymétriques lors du recensement de la population de 2011, les plus élevés étant observés à Arghakhanchi (127, soit une fille manquante sur six) et Bhaktapur (123). Il manquait 22 540 naissances de filles au cours des cinq années précédant ce recensement : environ une fille sur cinquante entre 2006 et 2010, ce chiffre passant à une sur trente-huit entre 2010 et 2011.

Les données du Nepal Demographic and Health Survey confirment ces résultats, avec des sex ratios conditionnels élevés observés dans les provinces de Bagmati et Lumbini ; les sex ratios conditionnels lorsque les naissances antérieures étaient toutes des filles sont également devenus plus asymétriques au fil du temps. Ces sex ratios asymétriques sont concentrés parmi les groupes les plus instruits et les plus riches. Les chercheurs ont également remarqué que les filles sont plus susceptibles de mourir avant l’âge de cinq ans que les garçons dans les régions les plus impactées.

Ce sont la dépénalisation de l’avortement en 2002 et la généralisation des échographies à partir de 2004 qui ont provoqué l’envolée de cette sélection. Le nombre d’avortements sélectifs en fonction du sexe – visant les petites filles pour privilégier les garçons – a augmenté au fur et à mesure que la fécondité baissait et que l’urbanisation s’intensifiait. Plus les femmes sont instruites et riches, plus elles sont susceptibles d’y avoir recours. Il apparaît également que l’avortement sélectif en fonction du sexe est géographiquement concentré, en particulier dans la vallée de Katmandou et la province de Lumbini, avec 53 % des filles « manquantes » trouvées dans seulement onze des soixante-quinze districts.

Quoique l’avortement sélectif en fonction du sexe soit illégal et passible de peines de prison, la loi reste très peu appliquées : les chercheurs estiment que plus de la moitié des avortements pratiqués en 2014 étaient illégaux. Ils exhortent donc le gouvernement népalais à reconnaître ce problème et à adopter une stratégie nationale pour le combattre et faire évoluer les mentalités.

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