Question sur la situation des parents séparés ou divorcés dont l’un des enfants est handicapé

Sénat

Babary (Serge), question orale nº 1449S au ministre des Solidarités et de la Santé sur la situation des parents séparés ou divorcés dont l’un des enfants est handicapé [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 2 S (Q), 14 janvier 2021, pp. 114-115].

Serge Babary (© Pierre Lépine)

Serge Babary (© Pierre Lépine)

M. Serge Babary attire l’attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la situation des parents séparés ou divorcés dont l’un des enfants est handicapé.

Selon l’article L. 513-1 du code de la sécurité sociale, les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant. En cas de résidence alternée d’un enfant au domicile de chacun des parents à la suite d’une séparation ou d’un divorce, les parents peuvent désigner un allocataire unique pour les allocations familiales ou demander à ce qu’elles soient partagées.

Dans son arrêt nº 398563 du 21 juillet 2017, le Conseil d’État a considéré, contrairement à l’avis du ministère compétent, que les enfants en situation de garde alternée devaient être pris en compte pour le calcul de l’aide personnalisée au logement (APL) sollicitée le cas échéant, par chacun des deux parents.

Ce principe de partage des allocations familiales n’est cependant pas appliqué aux autres prestations familiales, pour lesquelles le principe de l’allocataire unique prédomine.

Ainsi, en matière d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), c’est toujours le principe de l’allocataire unique qui s’applique. En cas de séparation, l’allocation est versée à celui des parents qui bénéficie des allocations familiales ou, si aucun des deux parents n’était allocataire avant la séparation pour ces enfants, au premier des parents qui en fait la demande.

Un des deux parents se retrouve ainsi dépourvu de toute aide, ce alors même qu’il assume pourtant, de manière alternée, la charge effective de l’enfant. Quant à la prestation de compensation du handicap (PCH), et dans le cadre du droit d’option ouvert depuis le 1er avril 2008, elle est attribuée au parent qui bénéficie de l’AEEH, et ne pourra prendre en charge les frais auxquels sont soumis les deux parents séparés que sur la base d’un compromis écrit entre les deux. Or, ce compromis est impossible à obtenir en cas de séparation conflictuelle.

Par ailleurs, les parents d’enfants handicapés qui remplissent les conditions d’ouverture du droit au complément de l’AEEH ont un droit d’option entre le complément AEEH et la PCH. Or, il semble qu’en cas de garde alternée, seul le parent allocataire est consulté.

Cet état de fait est perçu comme une injustice par le parent qui, ne bénéficiant d’aucune aide, souhaite pourtant accueillir son enfant dans un environnement adapté à son handicap.

Aussi, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour remédier à cette injustice qui porte préjudice aux enfants en situation de handicap qui bénéficient d’une garde alternée.


Réponse du secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, lors de la séance publique du 9 mars 2021.

Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question nº 1449, transmise à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

M. Serge Babary. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais attirer votre attention sur la situation des parents séparés ou divorcés dont l’un des enfants est handicapé.

L’article L. 513-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les prestations familiales sont dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant. En matière d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), c’est donc le principe de l’allocataire unique qui s’applique.

En cas de séparation, l’allocation est versée à celui des parents qui bénéficie des allocations familiales ou, si aucun des deux parents n’était allocataire avant la séparation, au premier qui en fait la demande.

Les parents d’enfants handicapés qui remplissent les conditions d’ouverture du droit au complément de l’AEEH disposent également d’un droit d’option entre ce complément et la prestation de compensation du handicap (PCH). Pour l’exercice de ce droit d’option, seul le parent allocataire est consulté. Lorsque l’option est choisie, la prestation de compensation du handicap ou le complément de l’AEEH est attribué au seul parent qui bénéficie déjà de l’AEEH.

Si la prestation de compensation du handicap peut faire l’objet d’un partage, ce n’est que sur la base d’un compromis entre les deux parents – condition irréalisable en cas de séparation conflictuelle… En définitive, l’un des deux parents peut être privé de toute aide, et ce alors même qu’il assume pourtant, de manière alternée, la charge effective de l’enfant.

Nié dans sa parentalité, ce parent qui souhaite accueillir son enfant dans un environnement adapté à son handicap devra le financer sur ses deniers personnels.

Le handicap ne doit pas être un obstacle à la garde alternée. Le partage des allocations familiales est possible en cas de garde alternée ; les enfants en garde alternée sont bien pris en compte, par exemple, dans le barème de calcul de l’aide personnalisée au logement (APL). Il est urgent d’adapter l’attribution des aides liées au handicap aux situations de garde alternée.

Aussi, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à cette injustice, qui porte préjudice aux enfants en situation de handicap bénéficiant d’une garde alternée.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Sophie Cluzel (© Amélie Tsaag Valren)

Sophie Cluzel (© Amélie Tsaag Valren)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Babary, les prestations familiales, à l’exception des allocations familiales, ne peuvent aujourd’hui être partagées entre les deux parents dont l’enfant fait l’objet d’une mesure de résidence alternée, en application de la règle de l’unicité de l’allocataire. L’enfant doit en effet être rattaché administrativement à l’un ou à l’autre de ses parents, désigné comme allocataire unique, indépendamment du temps qu’il passe réellement auprès de l’un ou de l’autre.

Cependant, les parents ont la possibilité de demander conjointement une alternance de l’allocataire après une période minimale d’un an.

Si je partage votre volonté de répartir entre deux parents séparés le bénéfice de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, dès lors qu’ils assument effectivement tous les deux des charges liées au handicap de l’enfant, cette problématique ne concerne pas uniquement l’AEEH et doit faire l’objet d’une étude approfondie dans le cadre d’un projet global de meilleure prise en compte des situations de séparation, pour l’ensemble des prestations familiales.

Le partage de l’AEEH est complexe à concevoir et à mettre en place, compte tenu des règles de cette prestation et de ses compléments ; il pose de nombreuses questions de mise en œuvre. Les compléments de l’AEEH peuvent solvabiliser à la fois une réduction d’activité d’un parent, le recours à une tierce personne ou des frais liés à des soins ou équipements restant à la charge des familles.

Cette multiplicité d’utilisations pose des questions complexes de partage de la prestation : une répartition à parts égales serait non conforme à l’équité, puisque c’est souvent un seul parent, majoritairement la mère, qui réduit son activité. Une répartition sur mesure représenterait évidemment une lourdeur accrue en gestion dans l’examen des droits à verser, que ce soit au stade de l’examen initial du droit, mais aussi en cours de versement, notamment si la répartition de la prise en charge des frais change entre les parents.

Les questions de partage de l’AEEH pour les parents séparés nécessitent ainsi de réaliser des choix peu évidents, notamment entre simplicité pour l’allocataire, gestion et équité.

Ce chantier nécessite donc une analyse approfondie, incluant les autres prestations familiales, afin d’assurer une cohérence d’ensemble des modalités de partage qui seront définies. Un tel partage constituera également un chantier informatique majeur pour les caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole.

Des travaux sont engagés afin de dégager une solution lisible et équitable entre toutes les familles, quels que soient leur situation matrimoniale ou le mode de résidence choisi pour l’enfant après la séparation, pour la bonne mise en œuvre d’une telle extension.

En ce qui concerne la PCH, le code de l’action sociale et des familles prévoit, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, l’établissement préalable d’un compromis écrit entre les deux parents. Il s’agit d’une question très complexe.

Cet accord peut figurer au jugement de divorce, le cas échéant. Il paraît toutefois souhaitable que les parents séparés s’entendent.

Mme le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Nous travaillons sur ces questions très complexes.

Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Je comprends la nécessité de mettre en place un projet global pour les prestations familiales diverses.

Il faut tout de même garder en tête cette iniquité, durement ressentie par celui des parents qui accueille son enfant handicapé en garde alternée.

Mise à jour du 10 mars 2021

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