Conflit parental entre l’Angleterre et Hong Kong

Courts and Tribunal Judiciary

Siégeant à la High Court of Justice (Family Division), la juge Gwyneth Knowles a accueilli aujourd’hui le recours d’un père contre une décision ayant autorisé une mère à déménager définitivement à Hong Kong avec les deux jeunes filles du couple. Nonobstant certaines particularités du régime de common law en vigueur outre-Manche, cette chronique pourrait aussi intéresser certains de nos lecteurs.

En l’espèce, deux natifs de Hong Kong mais de nationalité canadienne s’étaient rencontrés en 2006 puis mariés en 2008 (§ 23). Deux filles naquirent de leur union, en 2012 et 2015, puis la famille s’installa au Royaume-Uni en 2016 (§ 24). Les parents s’étant disputés durant l’été 2019, le père craignit que la mère ne ramenât les enfants à Hong Kong et il sollicita un Prohibited Steps Order auprès des juridictions anglaises afin d’interdire à la mère de faire sortir les deux petites filles du pays. La mère quitta alors le domicile conjugal avec les enfants et sollicita l’autorisation de déménager à Hong Kong (§§ 27-28).

Le juge Michael Yelton accueillit en avril dernier la demande de la mère, soutenue par un agent du Children and Family Court Advisory and Support Service. Il précisa toutefois que la proposition de la mère de ne laisser que vingt-huit jours de contact par an entre le père et ses enfants n’était ni généreuse ni suffisante (§§ 30-39).

Le père sollicita évidemment l’autorisation d’interjeter appel du jugement [1]. L’audience a eu lieu le 5 août dernier et le jugement a été rendu aujourd’hui.

Après avoir détaillé les dispositions législatives pertinentes (§§ 14-22) et résumé l’arrêt attaqué (§§ 30-39), la juge Gwyneth Knowles a livré son analyse (§§ 40-53) :

  • S’il n’appartient pas au juge d’appel de contester sans raison impérieuse les conclusions factuelles de première instance, la juge Gwyneth Knowles a toutefois estimé que l’application de ces conclusions aux circonstances de l’espèce était sujette à caution et que la décision était mauvaise (§ 42).
  • Le juge Michael Yelton n’a pas procédé à l’analyse de chacune des options possibles. Ainsi, il n’a pas considéré l’option réaliste où les enfants resteraient au Royaume-Uni avec leurs deux parents et a seulement évoqué – après avoir autorisé le déménagement de la mère – la demande du père en faveur d’une résidence par alternance. Il a juste considéré que la mère serait « devastated » si elle devait rester au Royaume-Uni (§ 44)…
  • Le juge Michael Yelton a certes identifié différents facteurs pertinents au regard de la section 1 du Children Act 1989, mais il n’a pas expliqué en quoi la proposition de la mère était meilleure pour les enfants que celle du père et il est difficile de discerner pourquoi il l’a préférée. Son raisonnement est « profoundly flawed » (§ 45).
  • Le juge Michael Yelton a en outre accordé un poids considérable au fait que la mère n’avait pas voulu venir au Royaume-Uni en 2016, ce qui ne peut être une raison valable pour décider que les enfants devraient déménager à Hong Kong en 2020 (§ 46).
  • Le juge Michael Yelton a également omis d’analyser l’effet sur les enfants d’une relation extrêmement réduite avec leur père. Sa conclusion selon laquelle le rôle du père subsisterait quand même, quoique d’une manière différente, après le déménagement des enfants est inadéquat au regard de intérêt supérieur des enfants et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (§ 47).
  • L’évaluation du bien-fondé des propositions de chaque parent doit inclure l’examen de la façon dont y est promue la relation avec le parent « non résident ». Or, le juge Michael Yelton n’a évoqué les propositions de la mère qu’après avoir autorisé son déménagement (§ 48).
  • Le juge Michael Yelton n’ayant pas évalué de façon proportionnelle les options réalistes, il est impossible de discerner dans son analyse la ligne de conduite fixée par le juge Ernest Ryder au § 32 de In the Matter of F (A Child) (International Relocation Cases) [2015] EWCA Civ 882, à laquelle il se réfère pourtant (§§ 49-50).

Le recours du père a donc été autorisé et l’affaire renvoyée à une date ultérieure devant la High Court of Justice (Family Division) (§ 54).

Note
  1. La législation du Royaume-Uni prévoit une autorisation préalable pour pouvoir faire appel d’une décision judiciaire (cf. section VIII des Civil Procedure Rules 1998 et sections 54 à 58 de l’Access to Justice Act 1999).
Références
England and Wales High Court (Family Division)
Date : 25 septembre 2020
Décision : WS v KL [2020] EWHC 2548 (Fam)

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