Question sur l’exposition des mineurs à la pornographie

Assemblée nationale

Thill (Agnès), question au gouvernement nº 2608 sur l’exposition des mineurs à la pornographie, première séance du mardi 21 janvier 2020.


M. le président. La parole est à Mme Agnès Thill.

Agnès Thill (© D.R.)

Agnès Thill (© D.R.)

Mme Agnès Thill. Monsieur le Premier ministre, j’ai proposé, en décembre dernier, de faire de la protection des mineurs contre la pornographie la grande cause nationale pour 2020. Je me réjouis que le Président de la République ait fait des annonces en ce sens, en donnant aux opérateurs six mois pour agir.

M. Pierre Cordier. Des annonces, rien que des annonces !

Mme Agnès Thill. Je sais le secrétaire d’État Adrien Taquet sensible à toutes les situations qui mettent l’enfance en danger. La loi existe mais rien n’est fait. L’arsenal juridique constitué par l’article 227-24 du code pénal ne porte pas ses fruits, même complété par l’article 11 de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui sera bientôt examinée en séance.

« La protection de l’enfance est un défi majeur pour notre société » : ces mots sont les vôtres, monsieur le Premier ministre. Un an après, presque jour pour jour, je voudrais vous remercier d’avoir affirmé cette évidence.

En 2000, mes élèves de CM1 et de CM2, âgés de 10 ou 11 ans, étaient déjà concernés. Internet n’est pas le seul responsable, c’est évident. Il s’agit désormais d’un combat de santé publique. Aujourd’hui, 80 % des enfants de 11 ans ont été confrontés à la pornographie, et 8 % des 14 et 15 ans sont considérés comme étant tombés dans l’addiction, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas s’empêcher d’en regarder plusieurs heures par jour !

Nous sommes face à un problème de dépendance : dépendance aux écrans et à la pornographie qui instaure une vision totalement biaisée de l’amour et du sexe. La violence vue est reproduite, même les adultes le confessent. Cette violence est vécue comme un viol par les enfants. La pornographie sexualise les enfants, chosifie la femme, déshumanise la sexualité, détruit les familles.

Nos enfants sont en danger. La lutte contre le cancer a déjà été choisie cinq fois comme grande cause nationale et la lutte contre les violences faites aux femmes l’a été deux fois, en 2018 et 2019. La protection des mineurs contre la pornographie devrait et pourrait rassembler tous les membres de cet hémicycle si nous faisions de la politique comme nous l’avions promis. À l’heure où notre pays a besoin d’unité, monsieur le Premier ministre, êtes-vous favorable, oui ou non, à ce que la protection des mineurs contre la pornographie… (M. le président coupe le micro de l’oratrice, qui a dépassé son temps de parole.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Adrien Taquet (© Gérald Garitan)

Adrien Taquet (© Gérald Garitan)

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. La lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie, tout comme celle contre les violences faites aux enfants, fait, j’en suis convaincu, l’objet d’un consensus dans cet hémicycle. Au-delà de la question de savoir s’il faut ou non en faire une grande cause nationale, il faut considérer la réalité des faits et des actions mises en œuvre par ce gouvernement, avec le soutien des parlementaires, pour lutter contre ce fléau dont vous avez rappelé les principales tendances. Plus de 50 % des jeunes Français de 11 ans, de nos enfants, ont effectivement été exposés à du matériel pornographique. Cela n’est pas fait pour le cerveau d’un enfant de cet âge, au regard de son développement cognitif. En outre, cela a des incidences sur la représentation qu’ils peuvent avoir du rapport à l’autre, de la sexualité et de l’image de la femme.

C’est la raison pour laquelle, avec l’ensemble du Gouvernement – notamment la garde des sceaux, la secrétaire d’État pour l’égalité entre les femmes et les hommes, et le secrétaire d’État au numérique –, nous avons décidé d’agir et de mobiliser l’ensemble des acteurs autour de cet enjeu. En effet, on pourrait se dire que la responsabilité incombe avant tout aux parents, qui devraient installer un contrôle parental sur tous les dispositifs permettant d’accéder au contenu pornographique. Mais je ne veux pas que les parents soient seuls à porter ce poids ; l’ensemble des acteurs doivent se saisir du problème. Avec Cédric O, nous avons donc réuni tous les maillons de la chaîne – les fabricants de téléphones, les fournisseurs d’accès, les opérateurs téléphoniques – et, dans la lignée des propos tenus par le Président de la République devant l’UNESCO – l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture – le 20 novembre dernier, nous leur avons donné six mois pour trouver des solutions efficaces pour restreindre l’accès des jeunes Français à la pornographie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mise à jour du 22 janvier 2020

Faire un don

Totalement indépendant, ne bénéficiant à ce jour d’aucune subvention publique et ne vivant que de la générosité privée, P@ternet a besoin du soutien de ses lecteurs pour continuer, et se développer. Si cet article vous a intéressé, vous pouvez soutenir P@ternet grâce à un don ponctuel en cliquant sur l’image ci-dessous.

helloasso

Laissez un commentaire (respectez les règles exposées dans la rubrique “À propos”)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.