Question sur la transmissibilité de la prestation compensatoire à ses héritiers

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 51 S (Q), 26 décembre 2019

Lopez (Vivette), Question écrite nº 13291 à la ministre de la justice sur la transmissibilité de la prestation compensatoire à ses héritiers [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 47 S (Q), 28 novembre 2019, p. 5883].

Vivette Lopez (© Sénat)

Vivette Lopez (© Sénat)

Mme Vivette Lopez attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les divorcés d’avant la loi nº 2000-596 du 30 juin 2000 condamnés à verser à leur ex-épouse une rente viagère de prestation compensatoire.

À la fois dette et prestation alimentaire, cette rente versée depuis souvent plus de vingt ans représente un total moyen de 256 00 [sic – lire : 256 000] euros, alors qu’après la loi précitée sur le divorce la moyenne des sommes demandées sous la forme de capitaux et payables en huit ans est inférieure à 25 000 euros.

Il résulte de cette situation une profonde iniquité qui perdure malgré une disposition introduite dans la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce qui visait à améliorer la situation des débirentiers concernés, en ouvrant la possibilité de demander une révision ou une suppression de cette rente. En effet, faute de moyens financiers beaucoup de ces débirentiers n’osent pas entamer de révisions et vivent donc tous dans la crainte de laisser à leur mort une situation financière catastrophique, à leurs héritiers, veuve et enfants. Seulement 2 % des divorcés ont eu recours à la procédure et moins de 1 % ont obtenu gain de cause. Une évolution législative semble donc nécessaire.

Elle lui demande aussi les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour corriger cette situation qui touche une population vieillissante d’environ 81 ans d’âge moyen et de façon générale peu fortunée.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 51 S (Q), 26 décembre 2019, p. 6408.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Le ministère de la justice est conscient des difficultés engendrées, dans certaines situations, par la transmissibilité passive de la prestation compensatoire, notamment dans les situations où elle a été fixée sous forme de rente viagère avant la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce. Plusieurs évolutions législatives ont déjà eu lieu. Si la loi du 30 juin 2000 a conservé le principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers, conformément au droit commun des successions, cette transmissibilité a été considérablement aménagée avec la déduction automatique, sur le montant de la rente, des pensions de réversion versées au conjoint divorcé au décès de son ex-époux. Ensuite, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce est venue préciser que le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession dans la limite de l’actif successoral. Ce texte a aussi consacré l’automaticité de la substitution d’un capital à une rente, sauf accord unanime des héritiers et la possibilité, pour les héritiers qui ont décidé de maintenir la rente, de demander la révision, la suspension ou la suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’un [sic] ou l’autre des parties. Enfin, plus spécifiquement pour les rentes viagères fixées antérieurement au 1er juillet 2000, il a été prévu une faculté supplémentaire de révision, de suspension ou de suppression lorsque leur maintien en l’état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard de l’âge et l’état de santé du créancier. La loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a précisé qu’il était également tenu compte de la durée du versement de la rente et du montant des sommes déjà versées. Le dispositif issu de ces lois successives est ainsi équilibré et permet que le juge traite au cas par cas une très grande variété de situations répondant ainsi, tant aux besoins des créanciers qui auront parfois sacrifié toute vie professionnelle dans l’intérêt de leur famille, qu’aux besoins des débirentiers.


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