Lors de son audience publique de ce 18 décembre 2019, la Cour de cassation a rendu un arrêt en une matière quelque peu périphérique à nos préoccupations ordinaires, mais qui pourra intéresser certains de nos lecteurs.
Le contrat de mariage d’un couple marié sous le régime de la participation aux acquêts stipulait, en cas de dissolution du régime pour une autre cause que le décès, que les biens affectés à l’exercice effectif de la profession des époux, ainsi que les dettes relatives à ces biens, seraient exclus de la liquidation. Lors des opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial consécutives au divorce prononcé en 2008, l’ex-mari demanda que fût constatée la révocation de plein droit de cette clause d’exclusion des biens professionnels et que ceux-ci fussent intégrés à la liquidation de la créance de participation – sans doute l’ex-épouse avait-elle des actifs professionnels plus importants…
Sa demande fut rejetée l’année dernière par la cour d’appel de Chambéry, laquelle jugea que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage ne constituait pas un avantage matrimonial, car cette notion est attaché au régime de communauté, et qu’en conséquence les biens professionnels devaient être exclus des patrimoines originaires et finaux.
L’arrêt a été cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l’article 265 du code civil :
« 3. Les profits que l’un ou l’autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial. Ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.
« 4. Il en résulte qu’une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d’entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial en cas de divorce.
« 5. Pour dire que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage [des ex-époux] ne constitue pas un avantage matrimonial et ordonner, en conséquence, l’exclusion de leurs biens professionnels du calcul de leurs patrimoines originaires et finaux, l’arrêt retient que la notion d’avantage matrimonial est attachée au régime de communauté et que les futurs époux, en excluant leurs biens professionnels, ont voulu se rapprocher partiellement du régime séparatiste, sans pour autant en tirer toutes les conséquences sur leurs biens non professionnels. Il ajoute qu’en adoptant un tel régime, dès lors que [l’ex-épouse] était pharmacienne et [l’ex-époux] directeur d’un laboratoire d’analyses, ils entendaient rester maîtres chacun de la gestion de leur outil de travail et de son développement futur tout en permettant à l’autre de profiter pendant le mariage des revenus tirés de l’activité, voire à le protéger si le bien professionnel était totalement déprécié.
« 6. En statuant ainsi, alors que cette clause constituait un avantage matrimonial révoqué de plein droit par le divorce, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
L’article 265 du code civil énonce en effet que « le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage » et qu’il « emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux ». Appropriée au régime de communauté, cette distinction n’est certes pas très adaptée au régime de la participation aux acquêts, ainsi décrit par la cour d’appel de Chambéry :
« Conformément à l’article 1569 du code civil le régime de la participation aux acquêts fonctionne pendant la durée du mariage comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et à la dissolution du régime, chacun des époux a alors le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. »
L’article 1581 du code civil permet des aménagements conventionnels au régime de la participation aux acquêts. Afin de préserver les intérêts du conjoint professionnel, les notaires préconisent ainsi souvent d’exclure les biens professionnels du calcul de la créance de participation. Or, procurant un avantage au profit de l’époux concerné, une telle clause est révoquée de plein droit en cas de divorce – et il en irait de même pour une clause de partage inégal ou attribuant à l’époux survivant la totalité des acquêts nets faits par l’autre.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 18 décembre 2019
Nº de pourvoi : 18-26337
Arrêt archivé au format PDF (71 Ko, 3 p.).
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