Question sur la prestation compensatoire et la suppression de certaines rentes viagères

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 49 A.N. (Q), 11 décembre 2018

Pauget (Éric), Question écrite nº 14777 à la ministre de la justice sur la prestation compensatoire et la suppression de certaines rentes viagères [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 48 A.N. (Q), 4 décembre 2018, p. 10863].

Éric Pauget (© Jean-Luc Hauser)

Éric Pauget (© Jean-Luc Hauser)

M. Éric Pauget appelle l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les grandes difficultés générées aux familles par la transmission de la prestation compensatoire fixée sous rente viagère, antérieurement à la loi nº 2000-596 du 30 juin 2000. L’article 270 du code civil définit la prestation compensatoire comme une « prestation destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ». En principe forfaitaire, elle est versée sous forme de capital ou à titre exceptionnel sous forme de rente viagère. La loi de 2000 précitée a d’ailleurs réaffirmé ce principe, en restreignant davantage les conditions d’octroi d’une rente viagère. La loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 est venue renforcer ces dispositions et préciser qu’en cas de décès du débiteur, le versement de la rente n’est plus transmis aux héritiers puisque transformée en capital. Or les personnes divorcées entre 1975 et 2000, avant la mise en application de la loi du 30 juin 2000, sont nombreuses à s’acquitter du versement d’une rente viagère et de fait pénalisés [sic]. Ces époux débiteurs condamnés ont payé bien largement, parfois deux ou trois fois, le capital auquel ils auraient dû être soumis. Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend supprimer le versement de la rente lors du décès de l’époux débiteur pour les divorces intervenus entre 1975 et 2000.


Réponse du Ministère de la justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 49 A.N. (Q), 11 décembre 2018, p. 11484.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

La question porte sur la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatrice en matière de divorce. La transmissibilité passive de la prestation compensatoire, qui implique qu’au décès du débiteur ses héritiers continuent de verser la prestation compensatoire avait pu avoir des conséquences difficilement tolérables lorsque le créancier remarié disposait de revenus supérieurs à ceux du débiteur soumis à de nouvelles charges de famille. Néanmoins, des situations tout aussi difficiles devaient être prises en considération, à savoir celles des premières épouses ne tenant leur survie que de leur ex-conjoint, pour avoir fait le choix d’une famille plutôt que d’une carrière. C’est la raison pour laquelle la loi du 30 juin 2000 a conservé le principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers, conformément au droit commun des successions. Néanmoins cette transmissibilité a été considérablement aménagée afin d’alléger la charge pesant sur les héritiers du débiteur. C’est ainsi que tout d’abord la même loi du 30 juin 2000 a instauré une déduction automatique du montant de la prestation compensatoire des pensions de réversion versées au conjoint divorcé au décès de son ex-époux. Ensuite, la loi du 26 mai 2004 est venue préciser que le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession et dans la limite de l’actif successoral. Ainsi en cas d’insuffisance d’actif, les héritiers ne seront pas tenus sur leurs biens propres. Par ailleurs, cette même loi a consacré l’automaticité de la substitution d’un capital à une rente, sauf accord unanime des héritiers. Le barème de capitalisation prend en compte les tables de mortalité de l’INSEE ainsi que d’un taux de capitalisation de 4 %. Lorsque les héritiers ont décidé de maintenir la rente en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation, la loi leur a ouvert une action en révision, en suspension ou en suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’un [sic] ou l’autre des parties, y compris pour les rentes allouées avant l’entrée en vigueur de la loi. Enfin, pour les rentes viagères fixées antérieurement au 1er juillet 2000, il a été prévu une faculté supplémentaire de révision, de suspension ou de suppression lorsque leur maintien en l’état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard de l’âge et l’état de santé du créancier. La loi nº 2015-177 du 16 février 2015 a précisé qu’il était également tenu compte de la durée du versement de la rente et du montant déjà versé. Le dispositif issu de ces lois successives est ainsi équilibré, et leur révision ne fait pas partie des projets actuels du gouvernement.


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