Bien que figurant au nombre des cosignataires du courriel ci-dessous, P@ternet n’en approuve le contenu en aucune façon. Cette publication est faite à seule fin d’information de nos lecteurs. Notre conseil d’administration doit se réunir dans le courant de cette semaine pour rédiger une mise au point argumentée, qui sera publiée dès que possible.
Lundi 12 novembre 2018
Mesdames et Messieurs les Députés,
Dix-neuf associations familiales et collectifs s’adressent solennellement à vous, dans le cadre urgent (date limite des amendements le 15 novembre) du projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice (ci-après PLFJ ou PLF).
Le présent courrier est la conséquence de :
- L’audition du 16 octobre par Mme la co-rapporteure Laetitia Avia de deux d’entre-nous : SOS Exclusion Parentale et SOS PAPA.
- L’envoi d’un courriel très circonstancié en date du 31 octobre aux membres de la Commission des lois, visant à :
- affirmer la forte adéquation structurelle (impact budgétaire sensible) avec l’objet du PLFJ d’une vraie loi d’égalité parentale (nécessairement directive),
- démontrer que le caractère non-constitutionnel d’une loi civile directive est un concept inexact – Cf. annexe 1.
- L’envoi d’un courriel en date du 7 novembre aux membres de la Commission des lois déplorant que l’amendement nº CL494 (article additionnel après l’article 18bis) soit un substitut de loi d’égalité parentale, à ce titre sans lien avec l’objet du PLFJ car sans effet majeur sur la surabondance et les délais de procédure pointés par l’exposé des motifs.
- Le travail initié récemment, sur des bases cette fois conformes à la nature d’un PLF, avec des députés LREM, et enfin la nouvelle positive que la Commission des lois vient de rejeter l’amendement précité pour ces raisons.
Le sujet est fondamental car :
- Du point de vue conjoint du PLFJ et des orientations réaffirmées par l’exécutif la semaine dernière (feuille de route pour un État efficace ; rapport CAP 22), une vraie loi d’égalité parentale est de nature à induire des économies de temps dans les tribunaux de grande instance équivalentes à des centaines de millions d’euros par an (Conseil économique, social et environnemental – 9 mai 2017 – NS 171910 : « les contentieux familiaux sont à l’origine de 65 % de l’activité des TGI ») et des économies dans d’autres budgets (Santé, Forces de l’ordre, Éducation, Assurance chômage) en milliards d’euros par an.
- La violation du principe de coparentalité instauré par vos collègues de 2002 provoque annuellement in fine : plus de 1 000 suicides de parents et donc 2 000 orphelins (Plan Violence-Santé/Ministère de la Santé de 2005 [Docteur Anne Tursz], p. 71 ; Organisation mondiale de la santé, 2014 ; Observatoire national du suicide, février 2016), 150 000 enfants privés injustement d’un de leurs parents, des centaines de milliers de dépressions et autres maladies, l’encombrement des commissariats par d’interminables chicaneries, l’échec scolaire, des addictions juvéniles, des actes de délinquance, etc.
Comme dit plus haut, certains de vos collègues ont ainsi commencé à travailler avec nous à une véritable solution législative. Nous leur avons présenté trois textes :
- Un exposé des motifs assez élaboré (annexe 2) dans lequel vous trouverez entre autres les chiffres-clefs.
- Deux pistes de dispositif. L’une est à peu de choses près le texte d’un amendement proposé par un groupe lors de l’examen du projet de loi Justice du XXIe siècle en mai 2016 ; l’autre en est une version condensée ainsi rédigée : « Dans l’intérêt de l’enfant et en application du principe de coparentalité, un hébergement égalitaire* d’une alternance adaptée à l’âge de l’enfant ne peut être refusée à un parent qui la souhaite que pour des raisons graves de son fait, spécialement motivées par le juge » (* terme du code civil belge pour résidence alternée). L’objection légitime qu’un tel hébergement partagé est rendu impossible par des violences avérées est couverte par les termes mêmes de ces textes, et par d’autres articles déjà présents dans les codes, tel que l’article 373-2-1 du code civil (qui inclut le mot « danger »). Comprenons bien qu’aucune médiation familiale, positive en théorie, ne pourra se développer sainement sans cela.
Il appartient bien sûr à vos collègues, avec votre soutien, d’optimiser cela dans les prochaines heures, sachant que seul un texte directif est de nature à résorber les problèmes et drames actuels, et aboutir à des économies tangibles sans la moindre dépense d’accompagnement.
Il y a un très large consensus dans la population (annexe 3), de très nombreuses femmes (grand-mères, sœurs, nouvelles conjointes, etc.) étant directement affectées.
À l’aune en particulier de ce millier de suicides annuel (la presse en rendant compte parfois s’ils sont « spectaculaires »), il semble que nul ne saurait tolérer que soit de nouveau différée la solution qui, pour la majeure partie du problème, tient en quelques lignes de code civil.
Nous comptons sur chacun de vous, au-delà des clivages classiques, ces questions humaines n’étant bien évidemment ni de droite ni de gauche, à l’image du vote sur « la fin de vie », pour soutenir leur imminent amendement. Nous tenant à votre disposition pour toute question.
Bien cordialement.
Coordination : Mamies & Papis Chagrins
Associations co-signataires (par ordre alphabétique) :
APAM – Allo Papa Allo Maman
Association DESPA
Égalité Parentale
Équité Parentale
Groupe d’Études sur leS SexismeS
Institut IBC
J’aime mes 2 parents
Jamais sans Papa
Le Parti des Enfants du Monde
Les Enfants Déchirés de Corse
Le Merle
Osons L’Égalité Parentale pour nos Enfants
Papas Mamans Séparés 49
Papa où t’es ? Ia aifaito te metua !
P@ternet
Pères Paire 2 cœurs
SOS Exclusion Parentale
SOS PAPA
Annexe 1 – Confirmation qu’un texte de loi « directif » est bien conforme a priori à la Constitution de 1958
La question se pose fondamentalement, non pas pour des textes « de procédure » où l’absence, en général, d’options ouvertes aux magistrats va de soi, pour des raisons d’organisation, ni pour le code pénal qui « est d’interprétation stricte » (art. 111-4 du CP), mais pour le code civil. De fait, le contrôle de constitutionnalité vise essentiellement à s’assurer qu’une disposition législative ne porte pas atteinte aux libertés des citoyens.
L’évocation de « l’office du juge » est sans fondement, cela ne figurant nulle part dans la Constitution (ni dans le bloc de constitutionnalité) qui en matière d’autorité judiciaire fixe le cadre dans le titre VIII, dont on peut retenir ici que si « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire », celle-ci (art. 36 [sic, lire art. 66) étant « gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Or le titre V (Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement), article 34, énonce « La loi fixe les règles », et n’indique aucunement que celles-ci devraient laisser systématiquement une marge d’interprétation aux juges. C’est le moment de rappeler que l’article 12 du code de procédure civile indique très clairement que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ». Le fameux « pouvoir souverain d’appréciation des juges » consiste à apprécier les éléments de fait et de preuve au regard des lois applicables, et rien d’autre.
Conformément à la Constitution, le principe de séparation des pouvoirs ne saurait être invoqué. Il s’agit que les deux pouvoirs (en pratique l’exécutif) n’interviennent pas dans un procès. Il n’est ni juridique ni même logique de croire que ce principe interdirait au Parlement d’adopter des textes de loi précis et directifs. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs récemment examiné et tranché cette question dans sa décision nº 2017-751 DC du 7 septembre 2017 en considérant que le principe de séparation des pouvoirs découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 n’implique pas que le législateur s’abstienne de fixer un barème obligatoire pour la réparation d’un préjudice causé par une faute civile. Dans ce cas (plafonnement d’indemnité de licenciement quelle que soit la réalité du préjudice subi), la marge d’appréciation du juge est réduite à néant au-delà d’un seuil, d’un point de vue individuel, arbitraire.
En outre, le terme « de plein droit » est une réalité doctrinale et même juridique :
- Doctrine :
- Dictionnaire juridique G. Cornu, p. 290 : « par le seul effet de la loi ; sans qu’il soit possible de décider autrement… ».
- Christian Atias, agrégé, recueil Dalloz 2013, p. 2183 : « la loi exclut selon les cas, soit l’appréciation judiciaire, soit l’intervention du juge […]. Le législateur et les juges qui emploient l’expression “de plein droit” donnent à la règle un caractère plus impératif […]. La liberté d’appréciation est restreinte, cela marque un degré supplémentaire dans l’efficacité de la loi. »
- Juridique : des articles de loi utilisent directement ce terme, comme l’article 1792 du code civil.
Inversement, on peut s’interroger sur le fait que des lois manifestement trop ouvertes à l’appréciation des juges n’auraient pas un caractère d’anticonstitutionnalité, car de nature à favoriser des comportements judiciaires contraires aux grands principes d’équité, de sécurité judiciaire, etc.
Bien entendu, le législateur peut fixer un cadre strict, tout en prévoyant des exceptions que le juge peut actionner sous certaines conditions. C’est le cas avec l’exemple cité lors de l’audition du 16 octobre de l’autorité parentale conjointe de droit (CC 371-1 et 372) ; l’exception, spécialement motivée, est au 378 CC.
Annexe 2 – Exposé des motifs pour une vraie loi d’égalité parentale
Depuis bientôt cinquante ans, l’attribution de l’autorité parentale conjointe aurait dû modifier les décisions de la justice familiale pour rééquilibrer l’égalité homme-femme vis-à-vis de la résidence des enfants. Il n’en est rien, notamment lors des divorces sans consensus sur ce thème. Quand le papa demande la résidence alternée et la maman s’y oppose, le juge aux affaires familiales (JAF) valide la demande de la mère 7,5 fois sur 10 contre 2,5 fois pour le père même s’il possède toutes les compétences éducatives, affectives et matérielles.
Le droit des familles parait de plus en plus inadapté face aux évolutions familiales, il devient même contradictoire compte tenu des dernières évolutions : le congé maternité et paternité, le congé parental accordé aux deux parents en égalité pour le bénéfice des enfants. Ces avancées significatives contribuent aussi à changer la répartition des rôles homme-femme au sein de la cellule familiale permettant ainsi d’équilibrer pour chacun vie familiale et professionnelle.
Des décisions de justice actuelles sont inappropriées et ne tiennent pas compte de cette évolution sociétale en privant dans plus de 75 % des cas les enfants de la présence équilibrée d’un de ses parents, le plus souvent le père (soit que celui-ci ait demandé une résidence alternée refusée dans 75 % des cas – Statistique 2013 de la Chancellerie [1], soit qu’averti par ses conseils d’un tel taux de rejet, il renonce d’emblée à la demander : il est ainsi fallacieux de faire la lecture directe que 80 % des parents sont d’accord, voire que 93 % des pères sont satisfaits des décisions JAF. En réalité à peine 5 % des résidences alternées sont obtenues malgré un refus de la mère). Ce taux de rejet des demandes de résidence alternée des pères est d’autant moins admissible qu’il est de 0 % (sic) quand les mères y consentent, quel que soit le jeune âge des enfants [1]. Les enfants sont ainsi privés de l’apport éducatif et affectif d’un de leurs parents ainsi que de l’une de ses familles, car cet apport n’est plus possible (en dépit de l’article 371-1 du code civil qui fait devoir de co-éduquer !) avec un droit de visite de quatre jours par mois. De nombreux parents et familles sont alors confrontés à des soucis médicaux, psychologiques, des pertes financières, des souffrances inutiles pour éviter la destruction de leur proche (1 300 suicides par an de pères passés sous silence, mères submergées assumant sans relais paternel leurs enfants et leur travail). Selon le CAS 2012 (Services du Premier ministre [2]), 40 % des enfants de moins de vingt-cinq ans de parents séparés ne voient plus leur père ; selon l’INED 2013 [3], ce risque est divisé par un facteur 21 quand il y a eu résidence alternée.
La proposition de l’amendement vise une meilleure adaptation du droit des familles à l’évolution sociétale ou chaque parent « compétent » doit jouer un rôle complémentaire auprès de l’enfant. L’ensemble des études scientifiques sont convergentes : sans l’apport équilibré de ses deux parents, la construction identitaire de l’enfant est bancale et ses insuffisances d’élaboration psychique (estime de soi, confiance en soi) le poursuivront toute sa vie d’adolescent et d’adulte avec des risques de difficultés personnelles, voire d’inadaptation sociale (anxiété, dépression, délinquance, violence, drogues, dérives sectaires…). C’est donc au moment de la séparation de ses parents, source d’angoisse et de fragilité quel que soit l’âge de l’enfant, que celui-ci doit être assuré que l’affection et la protection de ses deux parents lui sont acquises et qu’il n’aura pas à choisir entre celle de son père ou de sa mère. La résidence équilibrée chez l’un et chez l’autre est de nature à le rassurer et à le protéger du conflit parental dont la garde de l’enfant est souvent l’enjeu.
L’enfant grâce à la résidence équilibrée « de principe » cesse d’être l’enjeu de batailles judiciaires durables telles qu’engendrées actuellement par la rédaction d’une loi imprécise et est ainsi enfin préservé des conflits de loyauté qui sont fréquents avec le système actuel conduisant à la garde exclusive (ne dit-on pas que l’un gagne et l’autre perd !). Chaque parent peut ainsi réguler de manière plus simple son investissement professionnel et personnel. Cette forme de résidence alternée inscrite dans la loi allégera de fait la surcharge actuelle des tribunaux, tout en diminuant ses coûts de fonctionnement et limitera les conséquences sociales. Rappelons que les contentieux familiaux sont à l’origine de 65 % de l’activité des TGI, et que le budget total de la Justice est d’environs 8 milliards d’euros.
Il convient de rappeler que selon la jurisprudence des plus hautes juridictions, d’ores et déjà, une résidence alternée n’est pas nécessairement strictement égalitaire, ni hebdomadaire, de sorte que la réforme proposée de l’article 373-2-9 du code civil permettra de développer fortement la médiation familiale qui se déroulera enfin comme il se devrait dans un contexte d’équité garantie par la loi, débouchant sur des solutions parfaitement adaptées aux contraintes des adultes et aux besoins de chaque enfant. Notamment si on prend en compte l’âge de l’enfant ; pour mémoire on rappelle qu’à partir de la rentrée scolaire 2019, la scolarisation sera obligatoire dès trois ans. Le jeune âge ne justifie donc pas, à lui seul, une garde exclusive de l’un des deux parents (le plus souvent la mère).
En conclusion, dans notre société moderne, l’enfant est élevé par ses deux parents et partage son temps de manière équilibrée entre les deux. Il a des relations affectives et éducatives avec sa mère et avec son père. Les deux parents assument pleinement leurs responsabilités et leurs devoirs parentaux.
200 000 enfants mineurs supplémentaires chaque année sont concernés. Une sensible proportion d’entre eux est prise en charge par la collectivité (CMPP, hôpitaux, établissements spécialisés, pénitentiaires…).
Notes
- Statistique 2013 de la Chancellerie = Guillonneau (Maud), Moreau (Caroline), La résidence des enfants de parents séparés. De la demande des parents à la décision du juge. Exploitation des décisions définitives rendues par les juges aux affaires familiales au cours de la période comprise entre le 4 juin et le 15 juin 2012, Paris, Ministère de la Justice, novembre 2013.
- CAS 2012 = Boisson (Marine), Wisnia-Weill (Vanessa), « Désunion et paternité », La note d’analyse (Centre d’analyse stratégique), nº 294, 16 octobre 2012.
- INED 2013 = Régnier-Loilier (Arnaud), « Quand la séparation des parents s’accompagne d’une rupture du lien entre le père et l’enfant », Population & Sociétés (Institut national d’études démographiques), nº 500, mai 2013.
Annexe 3
Remarque liminaire : selon le rapport du HCF d’avril 2014 sur Les ruptures familiales, 350 000 couples (une petite moitié dissolution de mariages, le reste « autres ») dont 50 % avec enfants mineurs se séparent chaque année. Le nombre moyen d’enfants mineurs par couple séparé est de 1,7. Ce sont donc 200 à 300 000 enfants de plus chaque année qui sont impliqués dans les situations qui nous préoccupent. Selon l’INSEE, sur 66 millions d’habitants, il y a 14 millions d’enfants. Sachant qu’environ 50 % des couples se séparent c’est donc près de 7 millions d’enfants mineurs qui un jour ou l’autre subiront la séparation de leurs parents. L’INED a aussi fait le constat que 20 % des enfants de la séparation finissent par ne plus du tout voir leur père (près de 40 % si l’on ajoute « rarement » : 2,5 millions). Enfin, si l’on se place du côté des 51 millions d’adultes (25 millions d’hommes dont 86 % selon l’INSEE a un jour ou l’autre des enfants), c’est donc la quasi-totalité de la population qui est exposée (pères + entourage paternel [2 grand parents + 1 sœur ou 1 compagne = 3, minimum] : 25×0,86×3=65 millions), donc une forte majorité de femmes également.
Dans ces conditions on ne s’étonnera pas que 85 % de la population réponde dans divers sondages : « Oui, les pères sont défavorisés par les juges en matière de garde d’enfants ».
Des questions similaires posées par Le Figaro, Le Point, Sud Ouest, Le Parisien, Le Progrès, ont recueilli « oui » entre 80 % et 90 %.
Courriel archivé au format PDF (672 Ko, 6 p.).