La loi résidence des enfants : une aubaine fiscale pour les pères, une précarisation majeure pour les mères séparées et leurs enfants

Communiqué de presse du collectif Abandon de Famille – Tolérance Zéro !

Abandon de Famille – Tolérance Zéro !

Après les débats en commission des lois nous constatons que l’Assemblée n’a toujours pas su se montrer à la hauteur des enjeux concernant la protection des femmes et l’intérêt supérieur des enfants. Le texte qui sera soumis au vote à l’Assemblée nationale le 30 novembre ne présente aucune protection pour les victimes de violences et risque d’aggraver les inégalités et violences économiques faites aux femmes.

Malgré les amendements censés venir édulcorer un texte réactionnaire, nos pires craintes ont été confirmées. Cette loi servie à la va-vite présente toujours autant de dangers pour les mères séparées et leurs enfants – surtout au niveau économique. Bien que le flou autour de son but d’origine, la « garde alternée » imposée, persiste, il apparaît clairement qu’il est question de fixer administrativement la résidence des enfants au domicile des deux parents, libre à elles et eux d’organiser les temps de l’accueil de l’enfant. Cette formulation ambiguë n’est pas sans rappeler celle de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (PPL APIE, ou Loi Famille) de 2014 alors déjà fortement critiquée par les associations de défense des droits des femmes et des enfants.

La résidence administrative de l’enfant étant étroitement liée à la répartition des parts fiscales et droits sociaux, ce texte est donc une déclaration de guerre économique faite aux mères séparées.

Mais lors des débats en commission, toutes les inquiétudes liées au volet socio-économique de la résidence de l’enfant ont purement été balayées. La double résidence administrative, symbole d’une virilité retrouvée pour une poignée d’hommes, va se révéler être particulièrement coûteuse pour les mères séparées.

Une information transmise telle une anecdote à la fin des débats en commission nous a particulièrement effrayée : la double résidence des enfants sera soumise au régime fiscal des résidences alternées. Nous le savons : si les enfants résident à 71 % chez les mères c’est parce que les pères ne veulent pas leur garde. Selon le ministère des Finances et lorsque le domicile de l’enfant est fixé chez ses deux parents : « la répartition inégale de la durée de résidence de l’enfant au domicile de chaque parent ne caractérise pas, à elle seule, l’existence d’une résidence principale au domicile de l’un des parents ». Une mère chez qui l’enfant résiderait la majorité du temps verra ainsi sa part fiscale diminuée de 2 (1+ 1 pour parent isolé) à 1.25 donc 0.75 en moins, ce qui modifiera son quotient familial. Le même principe sera appliqué à toutes les aides sociales et barèmes de calcul (cantine scolaire, centre aéré, etc). Les mères victimes d’abandon de famille (abandon moral) seront contraintes de partager fiscalement l’enfant avec un père qui ne prend pas ou peu l’enfant en charge. Quant à celles qui ne perçoivent plus les contributions alimentaires (abandon matériel, 30-40 % des mères séparées), le père défaillant bénéficiera, lui, d’une réduction sur ses impôts et se verra verser des aides diverses, sans jamais être contraint d’assumer ses devoirs. Tous les avantages aux pères sans aucun devoir. Drôle de manière de susciter la responsabilité parentale chez les pères !

Alors oui, en cas de présence majoritaire de l’enfant chez l’un des parents, ce parent pourrait faire des démarches auprès des administrations pour combler les lacunes d’une loi mal ficelée (encore des démarches !). Faut-il le rappeler, les mères isolées reçoivent déjà une attention toute particulière de la part des contrôleurs de la caisse d’allocations familiales – jusqu’au comptage du nombre de brosses à dents dans nos salles de bain. Ces démarches nous vaudront en plus une surveillance accrue du Trésor public. Déjà stigmatisées par la société, les mères isolées seront de ce fait toutes suspectes !

Garantir l’autonomie financière des mères après une séparation, c’est assurer qu’elles puissent élever dignement leurs enfants, et, dans certaines situations, avoir les ressources nécessaires pour quitter un conjoint violent. Pourquoi le sujet de la responsabilisation des pères quant au versement des contributions alimentaires a lui aussi été écarté des débats ? Nous déplorons ainsi le traitement cavalier fait des questions liées aux transferts privés post-séparation (obligation alimentaire, prestation compensatoire, etc.). C’est pourtant le point de discorde le plus fréquent lors des séparations. Pour répondre aux inquiétudes des associations, le barème des pensions alimentaires du ministère de la Justice est brandi, barème largement critiqué pour son manque d’égalité. Sous l’effet normatif de ce barème, les contributions alimentaires ont baissé à la fixation de 10 % en dix ans, selon la Chancellerie, et les juges d’appel fixent par ailleurs des contributions en moyenne inférieures à celles décidées en première instance. Dans son avis rendu sur les conséquences de séparations sur les enfants, le Conseil économique, social et environnemental préconise, à juste titre, de revoir les modalités de calcul des contributions, mais aussi d’encadrer la fixation du partage des frais – sommes pour l’instant irrécouvrables en cas d’impayés.

Selon l’Observatoire des inégalités, ce sont les transferts privés (contributions alimentaires) ainsi que les prestations sociales et acquis fiscaux qui permettent aux mères de ne pas sombrer dans la pauvreté la plus abjecte.

En sachant que la précarité des mères est devenue un motif légitime de transfert de la résidence des enfants exclusivement aux pères – et ce même si ces pères sont auteurs de violences conjugales y compris violences économiques, nous ne pouvons que nous alarmer.

La « loi relative à la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents » est maintenant un texte régissant la fiscalité des parents séparés, les député.e.s doivent alors assumer sa dimension financière et proposer de réelles avancées en matière de garanties contre les inégalités et violences économiques faites aux mères séparées et leurs enfants. Mais si nos responsables politiques s’obstinent à légiférer sur un texte incomplet au point de précariser les populations les plus fragiles, nous ne pouvons qu’appeler à son retrait.


La publication de ce communiqué est faite à seule fin d’information de nos lecteurs. P@ternet n’en approuve le contenu en aucune façon.

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