La plus grande bêtise de ma vie, je l’ai faite le jour où je suis allé déclarer la naissance de mon fils à la mairie. J’étais amoureux, me direz-vous, et l’amour fait faire des bêtises. Comme la loi l’autorise depuis le 1er janvier 2005, c’est-à-dire extrêmement récemment, j’ai voulu faire plaisir à ma compagne en donnant à mon fils nos deux noms de famille. Mais je ne me suis pas contenté d’ajouter son nom à la suite du mien et j’ai inversé l’ordre en mettant le sien devant.
Je n’avais pas compris à l’époque que, si les mères portent leurs enfants dans leur ventre, les pères les portent dans leur nom. Afin de respecter un équilibre qui dure depuis des siècles, l’exclusivité du lien physique entre la mère et son enfant est contrebalancée par la transmission du nom de famille par le père. À un lien biologique s’associe un lien symbolique afin que la place de chaque parent soit respectée dans le couple.
En faisant ce choix, j’ai rompu un équilibre. J’ai abandonné mon rôle de père symbolique au profit de la mère et me suis retrouvé au second rang dans le domaine de la filiation qui m’était pourtant réservé. Ma compagne avait énormément insisté à l’époque et j’aurais du me méfier. En effet, pourquoi tenait-elle tant à ce que son nom apparaisse en premier ? À trop vouloir lutter contre le sexisme, on fait du sexisme à l’envers.
Avec le recul, l’explication me paraît aujourd’hui très simple. Il s’agissait tout simplement d’un processus de destruction du père. Après m’avoir exclu d’une relation fusionnelle mère-enfant (ce qui est tout à fait normal car d’ordre naturel), il s’agissait de m’écarter une deuxième fois, mais cette fois-ci de manière très symbolique.
Puis, comme cela ne suffisait pas, ma compagne est partie à l’étranger avec notre enfant sous le bras. La justice l’a rendue toute puissante et l’a encouragée à continuer à détruire le lien qui m’unit à mon fils. Me voici donc exclu une troisième fois, pour de bon cette fois.
Car à force d’écrire son nom à rallonge, n’oubliera-t-il pas petit à petit d’écrire le mien ? Pour faire plus court, par économie d’encre ou par manque de temps, ne se contentera-t-il pas du nom de famille de sa mère ? Peu à peu, il oubliera son deuxième nom et oubliera de la même manière son père.
C’est pourquoi je donne ce conseil à tous les futurs pères : soyez fiers de votre nom. Donner le nom de famille de la mère à votre enfant n’est absolument pas une preuve d’amour, mais plutôt une preuve de faiblesse et soumission à une époque décadente.
Vous devez transmettre votre nom car c’est votre devoir et votre rôle en tant que père. Vous n’est pas une mère, vous ne porterez jamais un enfant dans votre ventre et ne l’allaiterez jamais. Si vous n’occupez pas la place qui est la vôtre, vous ne serez pas en mesure d’aider votre enfant à devenir un adulte et à affronter ce monde de plus en plus violent d’un point de vue social.