Lors de son audience publique de ce 10 mai 2017, la Cour de cassation a rappelé que l’installation d’un logiciel espion dans son propre système informatique constitue un délit dès lors que ce logiciel est utilisé à des fins étrangères au contrôle du bon fonctionnement ou à la sécurité de l’entreprise.
Dans le cadre d’une procédure de divorce, un mari avait installé dans l’ordinateur de sa future ex-épouse, à son insu, un keylogger qui enregistrait toute l’activité du clavier. Cette installation lui avait permis de prendre connaissance de l’adresse électronique créée par son épouse afin de converser avec son amant par le biais d’une messagerie électronique, de son code d’accès, des conversations échangées et de tous les mots de passe. Le piquant de l’affaire est qu’elle se déroule dans un cabinet d’avocats nantais, Sui Generis, que les époux géraient ensemble…
Le mari faisait valoir que l’installation d’un tel système lui était permise en tant qu’administrateur réseau du système informatique de l’entreprise et dirigeant de la société, et qu’il lui était par ailleurs également permis de se constituer des preuves pour les besoins de sa défense en justice dans le cadre d’une procédure de divorce.
Les juges lui ont donné tort. Ses fonctions spécifiques d’administrateur réseau et sa position de dirigeant lui donnaient bien droit et qualité pour installer et exploiter un logiciel enregistrant l’activité des postes du réseau informatique de l’entreprise, la loi ne prévoit pas par ailleurs de restrictions au droit d’installer un logiciel, mais l’exploitation d’un tel outil n’autorise pas à prendre connaissance des codes, messages ou mots de passe des autres utilisateurs. L’exploitation de ce logiciel à des fins étrangères au contrôle du bon fonctionnement ou à la sécurité de l’entreprise constitue un délit d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatique de données, que ne justifient pas les nécessités des droits de la défense en justice.
En effet, les juges précisent que « l’immunité prévue entre époux pour le vol n’est pas applicable à l’infraction poursuivie », en l’occurrence la violation des correspondances. Profitons-en pour rappeler que, contrairement à une idée très répandue, il peut bel et bien y avoir vol entre époux. L’article 311-12 du code pénal dit cependant que ce vol ne peut donner lieu à poursuites pénales, sauf en certains cas :
« Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne :
« 1° Au préjudice de son ascendant ou de son descendant ;
« 2° Au préjudice de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément.
« Le présent article n’est pas applicable […] lorsque le vol porte sur des objets ou des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d’identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d’un étranger, ou des moyens de paiement. »
Concrètement, il y a bien vol, mais il n’est pas punissable et la plainte sera donc classée sans suite.
D’autre part, il convient de ne pas oublier que la soustraction des biens doit avoir été faite de manière frauduleuse pour qu’il y ait effectivement vol, punissable ou pas : « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui » (article 311-1 du code pénal). Ainsi, s’emparer de biens directement accessibles ne constitue pas une fraude, qui sous-entend un moyen déloyal.
- Références
- Cour de cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 10 mai 2017
Nº de pourvoi : 16-81822
Arrêt archivé au format PDF (49 Ko, 5 p.).
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