Le tribunal de grande instance de Paris approuve la promotion de l’adultère

Palais de justice de Paris (© Tristan Nitot)

La Confédération nationale des associations familiales catholiques a perdu aujourd’hui son action intentée contre la société américaine Blackdivine, éditrice du site Gleeden. Créé en décembre 2009, ce site « pensé par des femmes » est spécialisé dans les rencontres extra-conjugales.

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Contestant à ce site le droit de pratiquer ce type d’activités et d’en faire la publicité, et se prévalant de l’intérêt des conjoints bafoués, la Confédération nationale des associations familiales catholiques avait fait assigner la société Blackdivine devant le tribunal de grande instance de Paris en janvier 2015, afin notamment de voir juger nuls les contrats conclus entre la société et les utilisateurs du site Gleeden au motif qu’il étaient fondés sur une cause illicite, voir ordonner sous astreinte à la société de cesser de faire référence à l’infidélité dans le cadre de ses publicités, et voir condamner la société à lui payer des dommages-intérêts ainsi que les dépens (article 700 du code de procédure civile).

Représentant la société Blackdivine, la célèbre avocate Caroline Mécary avait contesté la recevabilité de l’action de la Confédération nationale des associations familiales catholiques et son raisonnement a été retenu par le tribunal de grande instance de Paris :

« L’obligation de fidélité relève d’un ordre public de protection et non d’un ordre public de direction dès lors que la violation de cette obligation peut ne pas être retenue comme une faute, cause de divorce soit par exemple parce que les époux se sont déliés d’un commun accord de cette obligation, soit parce que l’infidélité d’un époux peut être excusée par le comportement de l’autre, autant de dérogations qui caractérisent que cette obligation de fidélité prévue à l’article 212 du code civil relève de l’ordre public de protection dont ne peuvent se prévaloir que les époux et non de l’ordre public de direction qui lui, ne supporte aucune dérogation. »

Par ailleurs, la campagne publicitaire du site Gleeden diffusée en affichage avait été validée par le Jury de déontologie publicitaire dans une décision publiée en décembre 2013, où il était notamment dit :

« Ces publicités ne proposent aucune photo qui pourrait être considérée comme indécente, ni d’incitation au mensonge ou à la duplicité [sic !] contrairement à ce que soutiennent les plaignants, mais utilisent des évocations, des jeux de mots ou des phrases à double sens qui suggèrent la possibilité d’utiliser le service offert par le site, tout un chacun étant libre de se sentir concerné ou pas par cette proposition commerciale. Par ailleurs, les slogans ainsi libellés avec ambiguïté ne peuvent être compris avant un certain âge de maturité enfantine ; ils n’utilisent aucun vocabulaire qui pourrait, par lui-même, choquer les enfants. »

La Confédération nationale des associations familiales catholiques avait contesté la portée de cette décision au motif qu’elle émanait d’une autorité administrative et non d’une autorité judiciaire, mais le tribunal de grande instance de Paris l’a retenue :

« La nature de ce Jury de déontologie publicitaire, décrié par la demanderesse, ne prive pas ses avis d’autorité dès lors que ceux-ci peuvent donner lieu à des sanctions pouvant aller jusqu’à une demande de cessation immédiate de diffusion d’un message publicitaire. »

La référence à l’infidélité ne constituant pas un agissement illicite contraire à l’ordre public, les conditions d’application de l’article L421-6 du code de la consommation en vigueur au début de l’instance – définissant la compétence des associations pour agir en justice – n’étaient pas réunies et la Confédération nationale des associations familiales catholiques a donc été déboutée de toutes ses demandes pour défaut d’intérêt et de qualité à agir.

L’affaire n’est peut-être pas terminée pour autant, car il est probable que la Confédération nationale des associations familiales catholiques interjette appel de cette décision.

Références
Tribunal de grande instance de Paris
Cinquième chambre, deuxième section
Jugement rendu le 9 février 2017
Nº RG : 15/07813

Être fidèle à deux hommes

Mise à jour du 13 février 2017

Dans un communiqué de presse publié aujourd’hui, la Confédération nationale des associations familiales catholiques annonce qu’elle a décidé de faire appel du jugement.

Mise à jour du 17 mai 2019

La cour d’appel de Paris a confirmé aujourd’hui pour l’essentiel la décision de première instance (voir notre chronique du jour).

Mise à jour du 16 décembre 2020

La Cour de cassation a confirmé aujourd’hui l’arrêt d’appel (voir notre chronique du jour).

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