Lors de son audience publique de ce 9 juin 2021, la Cour de cassation a rendu trois arrêts qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.
Divorce et liquidation du régime matrimonial
En l’espèce, un couple s’était marié en 2003 sans contrat de mariage préalable. Un juge aux affaires familiales avait prononcé le divorce des époux en juillet 2017 et homologué l’acte portant liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux établi en la forme notariée en mai 2016. Après avoir changé de conseil en première instance, l’ex-épouse avait modifié sa position pour conclure finalement à la non homologation de l’acte notarié mais ses dernières conclusions en ce sens avaient été jugées irrecevables au motif qu’elles avaient été signifiées postérieurement à l’ordonnance de clôture. Elle avait ensuite fait valoir en cause d’appel que l’acte liquidatif précité ne préservait pas suffisamment ses intérêts et la cour d’appel de Versailles lui avait donné raison sur ce point en octobre 2018.
L’ex-époux avait alors formé un pourvoi en cassation, arguant notamment que les juges du fond ne pouvaient dire n’y avoir lieu à homologuer la convention liquidative de régime matrimonial – rédigée avec l’assistance des avocats des parties, signée par devant notaire et homologuée par le juge de première instance qui l’avait jugée égalitaire – sans rechercher ni expliquer en quoi l’équilibre entre les intérêts des parties n’y était pas préservé, alors qu’ils s’étaient bornés en l’espèce à rappeler les moyens des parties pour affirmer que ces éléments étaient de nature à affecter l’équilibre de la convention et les intérêts des parties, et qu’il convenait donc d’infirmer le jugement de première instance en ce qu’il avait homologué l’acte de liquidation partage.
Le pourvoi a été rejeté aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, qui a rappelé que le consentement des parties doit persister jusqu’à l’homologation :
« 12. Il résulte de l’article 268 du code civil que le juge ne peut prononcer l’homologation d’une convention portant règlement de tout ou partie des conséquences du divorce qu’en présence de conclusions concordantes des époux en ce sens.
« 13. L’arrêt retient que, [l’ex-épouse] faisant valoir en cause d’appel que l’acte notarié établi le 7 mai 2016 portant liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux ne préserve pas suffisamment ses intérêts, ledit acte ne reflète plus la commune intention des intéressés.
« 14. Par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par le moyen, la cour d’appel a légalement justifié sa décision. »
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 9 juin 2021
Nº de pourvoi : 19-10550
Arrêt archivé au format PDF (142 Ko, 4 p.).
Divorce et récompense
En l’espèce, un jugement avait prononcé en mars 2011 le divorce d’un couple, marié sans contrat préalable, et ordonné le partage de leur communauté mais des difficultés étaient survenues au cours de ces opérations. La cour d’appel d’Aix-en-Provence avait confirmé en juillet 2019 le jugement de première instance en ce qu’il avait fixé la récompense due par l’ex-épouse à la communauté au titre de l’acquisition d’un bien à la somme de 260 288 euros et fixé à la somme de 61 372 euros le montant de la récompense à raison des travaux financés par icelle sur ses biens propres. L’ex-épouse avait alors formé un pourvoi en cassation, arguant notamment que la cour d’appel d’Aix-en-Provence n’avait retenu que la dépense faite et non le profit subsistant.
L’arrêt a été partiellement cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l’article 1469, alinéa 3, du code civil :
« 5. Selon ce texte, la récompense ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la dissolution de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.
« 6. Pour fixer à un certain montant la récompense due par [l’ex-épouse] à la communauté, la cour d’appel retient celui acquitté en paiement de deux factures de travaux d’amélioration effectués dans l’immeuble […], bien propre de l’épouse.
« 7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
En application de l’article 1469, alinéa 3, du code civil, il faut effectivement rechercher quel a été le profit subsistant lorsqu’une dépense d’amélioration est en discussion. On utilise pour ce faire la méthode « déductive », ou « par soustraction », à savoir la valeur actuelle avec l’amélioration, dont est déduite la valeur actuelle sans l’amélioration, le tout proportionnellement à la part de dépense faite dans l’amélioration. La seule addition des dépenses faites ne peut bien sûr constituer le montant de la récompense. Il faut garder à l’esprit que la méthode déductive peut aussi faire apparaître une moins-value.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 9 juin 2021
Nº de pourvoi : 19-22067
Arrêt archivé au format PDF (147 Ko, 4 p.).
Testament olographe
En l’espèce, un père divorcé de nationalité allemande était décédé en 2003 en France, où il résidait depuis 1999, laissant pour lui succéder ses trois enfants, en l’état d’un testament olographe daté de mars 2002, rédigé en français, langue qu’il ne comprenait pas, et instituant sa sœur légataire universelle. Voulant percevoir la succession, la sœur avait assigné les enfants du défunt en délivrance du legs et en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial des ex-époux et de la succession.
Les enfants avaient contesté la validité du testament, mais la cour d’appel de Chambéry les avait déboutés de leur demande en juin 2019, considérant que le testament était valable car, bien que rédigé en français, il avait été écrit, daté et signé de la main du testateur. L’arrêt d’appel avait aussi relevé l’existence d’un autre écrit rédigé en allemand, intitulé « traduction du testament » et daté du même jour, indiquant que le testateur désignait sa sœur comme exécuteur testamentaire et lui léguait son patrimoine disponible, même si celle-ci n’était pas une héritière directe. L’arrêt précisait également que le testateur ne parlait effectivement pas le français et que le second document n’était pas de sa main, mais lui avait été présenté pour comprendre le sens du testament. Les enfants avaient alors formé un pourvoi en cassation.
L’arrêt a été partiellement cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l’article 970 du code civil :
« 7. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que [le défunt] avait rédigé le testament dans une langue qu’il ne comprenait pas, de sorte que l’acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 9 juin 2021
Nº de pourvoi : 19-21770
Arrêt archivé au format PDF (148 Ko, 4 p.).
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