La Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rendu aujourd’hui un arrêt qui résonne singulièrement en cette période où diverses restrictions aux libertés individuelles et publiques sont imposées un peu partout en raison de la pandémie de Covid-19 : elle a en effet jugé que le refus d’admettre à l’école maternelle des enfants dont les parents n’avaient pas respecté l’obligation légale de les faire vacciner contre certaines maladies n’était pas de nature à caractériser une violation des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatives au droit au respect de la vie privée et familiale.
En l’espèce, les requérants sont six ressortissants tchèques ayant saisi entre l’été 2013 et l’été 2015 la Cour européenne des droits de l’homme d’un recours à la suite notamment du refus d’inscription d’eux-mêmes ou de leurs enfants à l’école maternelle faute des vaccinations rendues obligatoires par la loi nationale.
Estimant que cette ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée répond à un « besoin social impérieux », la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a écarté aujourd’hui les griefs des requérants :
« 284. […] En République tchèque l’obligation vaccinale constitue la réponse des autorités nationales au besoin social impérieux de protéger la santé individuelle et publique contre les maladies en question et d’éviter toute tendance à la baisse du taux de vaccination des enfants.
« 285. Concernant les motifs avancés pour justifier le caractère obligatoire de la vaccination en République tchèque, la Cour a déjà reconnu les solides raisons de santé publique qui sous-tendent ce choix politique, notamment au regard de l’efficacité et de l’innocuité de la vaccination infantile. […]
[…]
« 288. Il […] existe pour les États une obligation de placer l’intérêt supérieur de l’enfant, et également des enfants en tant que groupe, au centre de toutes les décisions touchant à leur santé et à leur développement. Concernant la vaccination, l’objectif doit être de veiller à ce que tout enfant soit protégé contre les maladies graves […]. Dans la grande majorité des cas, cet objectif est atteint par l’administration aux enfants, dès leur plus jeune âge, de tous les vaccins prévus dans le programme vaccinal. Ceux qui ne peuvent pas recevoir ce traitement sont protégés indirectement contre les maladies contagieuses tant que, au sein de leur communauté, la couverture vaccinale est maintenue au niveau requis ; autrement dit, leur protection réside dans l’immunité de groupe. Ainsi, lorsqu’il apparaît qu’une politique de vaccination volontaire est insuffisante pour l’obtention et la préservation de l’immunité de groupe, ou que l’immunité de groupe n’est pas pertinente compte tenu de la nature de la maladie (s’il s’agit par exemple du tétanos), les autorités nationales peuvent raisonnablement mettre en place une politique de vaccination obligatoire afin d’atteindre un niveau approprié de protection contre les maladies graves. […] »
Au regard de divers éléments, notamment du fait que « l’obligation vaccinale concerne neuf maladies contre lesquelles la vaccination est estimée sûre et efficace par la communauté scientifique » (§ 291), que des dispenses peuvent être accordées (§§ 291-292) et que le caractère des ingérences en cause est limité (§§ 293-308), la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme « considère que les mesures dont se plaignent les requérants, évaluées dans le contexte du régime national, se situent dans un rapport de proportionnalité raisonnable avec les buts légitimes poursuivis par l’État défendeur à travers l’obligation vaccinale » (§ 309) et que « les autorités tchèques sont restées dans les limites de l’ample marge d’appréciation dont elles jouissaient en la matière » (§ 310).
Le gouvernement français avait produit des observations dans cette affaire au soutien de celles de la République tchèque. L’obligation vaccinale imposée en France aux enfants devant être accueillis dans les établissements scolaires résulte de l’article L3111-2 du code de la santé publique, lequel enjoint aux personnes titulaires de l’autorité parentale de fournir la preuve que cette obligation a été exécutée pour l’admission ou le maintien dans toute structure accueillant des enfants.
Outre la décision nº 2015-458 QPC du Conseil constitutionnel en date du 20 mars 2015 mentionnée aux §§ 95-97 de l’arrêt ici commenté, rappelons que le Conseil d’État s’est également prononcé à plusieurs reprises sur le caractère justifié de l’obligation vaccinale (voir notamment : décision nº 222741 du 26 novembre 2001, décision nº 224724 du 15 février 2002 et décision nº 419242 du 6 mai 2019).
- Références
- Cour européenne des droits de l’homme
Grande chambre
8 avril 2021
Affaire Vavřička et autres c. République tchèque (requête nº 47621/13)
Affaire communiquée (septembre 2015) archivée au format PDF (339 Ko, 30 p.).
Note d’information (décembre 2019) archivée au format PDF (129 Ko, 2 p.).
Communiqué de presse (6 janvier 2020) archivé au format PDF (115 Ko, 3 p.).
Arrêt archivé au format PDF (848 Ko, 109 p.).
Communiqué de presse (8 avril 2021) archivé au format PDF (210 Ko, 8 p.).
Note d’information (8 avril 2021) archivée au format PDF (165 Ko, 4 p.).
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