L’open data des décisions de justice au Conseil d’État

Conseil d'État

Les articles 20 et 21 de la loi nº 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique (dite « loi Lemaire ») prévoyaient la publication anonyme et gratuite des décisions des juridictions administratives et judiciaires. L’article 33 de la loi nº 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, puis le décret nº 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives avaient déterminé les conditions de cet open data, en y ajoutant l’obligation d’occulter les éléments permettant d’identifier les personnes physiques mentionnées dans le jugement [les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe] si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage ». Cette diffusion en open data nécessite l’anonymisation et la numérisation de près de quatre millions de décisions de justice.

Un arrêté d’application du décret nº 2020-797 du 29 juin 2020 devait être publié par le ministre de la Justice pour déterminer notamment sa date d’entrée en vigueur. Aucun texte n’ayant été publié, le Conseil d’État avait été saisi en 2019 par l’association Ouvre-boîte, dont l’objet est d’obtenir l’accès et la publication effective des documents administratifs.

Dans sa décision rendue aujourd’hui, le Conseil d’État enjoint au ministre de la Justice de prendre dans un délai de trois mois (et non pas deux comme demandé par l’association requérante) l’arrêté déterminant la date à compter de laquelle les décisions de justice seront mises à la disposition du public pour chacun des ordres judiciaire et administratif et, le cas échéant, par niveau d’instance et par type de contentieux, conformément à l’article 9 du décret nº 2020-797 du 29 juin 2020.

« 9. Il n’est pas contesté que la mise à disposition du public des décisions de justice constitue une opération d’une grande complexité pouvant nécessiter, à compter de l’intervention du décret en organisant la mise en œuvre, des dispositions transitoires. Toutefois, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, ne pouvait, sans méconnaître ses obligations [de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi], s’abstenir de prendre l’arrêté prévu à l’article 9 du décret du 29 juin 2020 et de fixer le calendrier d’entrée en vigueur des dispositions de ce décret dans un délai raisonnable, plus de 20 mois après la loi du 23 mars 2019 et plus de six mois après la publication du décret du 29 juin 2020 à la date de la présente décision, pour l’application des dispositions législatives relatives à la mise à disposition du public des décisions de justice, laquelle, au demeurant, a été prévue par le législateur dès 2016. Il s’ensuit que l’association “Ouvre-boîte” est fondée à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, ne pouvait légalement refuser de prendre cet arrêté. »

La décision n’est malheureusement pas assortie d’une injonction d’astreinte, comme demandé par l’association requérante (500 euros par jour de retard), mais nous saluons ici le remarquable travail effectué par l’Ouvre-boîte, avec un sérieux qui devrait inspirer toutes les associations qui tentent de lutter contre l’arbitraire administratif et/ou judiciaire.

Références
Conseil d’État
10e–9e chambres réunies
Lecture du 21 janvier 2021
Décision nº 429956

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