Instruction en famille : audition de Juristes pour l’enfance à l’Assemblée nationale

Communiqué de presse des Juristes pour l’enfance

Juristes pour l’enfance

Instruction en famille : la liberté va-t-elle être respectée ?

C’est la défense de la liberté de l’instruction qu’Olivia Sarton, directrice scientifique de Juristes pour l’enfance, a plaidée le 7 janvier dernier auprès de Madame la députée Anne Brugnera, rapporteure du projet de loi confortant le respect des principes de la République sur les dispositions relatives à l’instruction en famille, dite aussi école à la maison (article 21 du projet de loi).

Le projet de loi veut supprimer la liberté pour les familles de choisir l’instruction en famille (IEF) sauf dérogations limitativement énumérées.

Selon l’étude d’impact du projet, environ la moitié des enfants ainsi instruits (soit 29 000 sur les 62 000 en 2020) se verraient contraints de réintégrer un établissement scolaire.

Pourquoi ? Aux motifs allégués de risque de communautarisme ou de séparatisme, défaillance structurelle d’apprentissage, défaut d’ouverture au monde, alors que ces écueils ne concernent qu’une infime minorité d’enfants instruits en famille.

Faute d’éléments fiables et documentés permettant d’identifier des dérives, le projet de loi entre en contrariété, de manière disproportionnée, avec le principe à valeur constitutionnelle de la liberté de l’enseignement ou encore avec les libertés fondamentales garanties par les conventions internationales : respect du droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques (impliquant le respect du pluralisme éducatif), et respect de la vie privée.

En remplaçant le régime actuel de déclaration par un régime d’autorisation préalable pour des cas limitativement énumérés par la loi, et sans que puissent être invoquées les convictions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes qui sont responsables de l’enfant, le projet de loi accentue la défiance envers les familles, porte atteinte à la liberté de conscience et ouvre la porte à l’arbitraire, à la rupture d’égalité et à l’insécurité juridique.

Par exemple, en septembre 2021, quel sera le traitement des demandes concernant des enfants harcelés scolairement pour lesquels l’établissement scolaire ne peut remédier à la situation ou minimise les faits (comme les témoignages le montrent régulièrement) sans qu’une solution alternative de scolarisation à proximité n’existe ? Rappelons que 700 000 enfants ont été victimes de harcèlement scolaire en 2020…

Plutôt que de porter atteinte à des libertés fondamentales, il convient de compléter le dispositif législatif actuel afin de s’assurer de l’instruction effective de chaque enfant, conformément aux objectifs fixés dans les socles communs des connaissances et des compétences et dans le respect de la transmission des principes de la République.

Juristes pour l’enfance a émis devant la commission spéciale chargée de ce thème plusieurs propositions pour cela :

  • améliorer le recensement et le suivi de l’ensemble des enfants en âge scolaire par l’attribution d’un identifiant national à chaque enfant soumis à l’obligation d’instruction ;
  • augmenter les moyens et ressources affectés au contrôle des enfants IEF en formant et dédiant un plus grand nombre d’inspecteurs à ce contrôle, en développant un outil normé de contrôle, en systématisant la mise en œuvre des contrôles de manière à ce que 100 % des enfants IEF soient contrôlés chaque année, en repensant le cas échéant la charge pesant sur les maires ;
  • prévoir un module d’enseignement à distance portant sur les valeurs de la République.

La majorité des pays européens soumet l’instruction en famille à une simple obligation de déclaration et de contrôle régulier des connaissances.

Juristes pour l’enfance appelle les députés à ne pas balayer une liberté existant depuis 1882, et considérée par les rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention européenne des droits de l’homme comme le meilleur rempart contre le risque de dérives totalitaires qui peut toujours saisir un État.


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