Questions sur les violences faites aux femmes

Sénat

Lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement qui s’est déroulée aujourd’hui au Sénat, trois questions ont été posées sur les violences faites aux femmes. Évidemment, les violences fates aux hommes en général, aux pères en particulier, n’intéressent personne…


Évrard (Marie), question d’actualité au gouvernement nº 1546G sur les formations des policiers et gendarmes mises en place depuis le lancement du Grenelle des violences conjugales.

M. le président. La parole est à Mme Marie Évrard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, dont je salue la première intervention dans cet hémicycle.

Marie Évrard (© D.R.)

Marie Évrard (© D.R.)

Mme Marie Evrard. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté.

En cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, j’ai une pensée très forte pour les femmes de ce monde victimes de maltraitances au quotidien.

Les mesures de confinement mises en œuvre dans plusieurs pays ont rappelé la réalité tragique que peut revêtir pour certaines femmes le huis clos familial. Les données publiées par l’Organisation des Nations unies, l’ONU, au mois de septembre dernier, parlent d’elles-mêmes : le confinement a fait augmenter les plaintes de 30 % en France.

La France a mis en place un Grenelle ambitieux sur le sujet, réunissant pendant plusieurs mois les associations, les acteurs de terrain et l’ensemble des administrations.

La France a décliné par deux textes de loi notamment les mesures proposées durant ces travaux, mesures dont la mise en œuvre a récemment fait l’objet d’un bilan d’étape.

Je salue les acteurs de terrain qui rendent possible cette action et, plus spécifiquement, la mémoire d’Halina Creusaton, qui était directrice déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité dans l’Yonne et qui a apporté sans relâche sa réflexion et son action.

Je salue également les forces de sécurité intérieure : elles sont un interlocuteur clé, parfois premier, pour les victimes de violences conjugales, comme les appels d’initiative réalisés par les policiers et les gendarmes pendant le premier confinement l’ont illustré.

Cette action des forces de sécurité, justement parce qu’elle peut tout changer, ne peut se penser sans une véritable formation. La notion d’emprise, introduite dans la loi cet été, exprime bien la complexité des mécanismes en jeu.

Madame la ministre, pouvez-vous préciser les mesures prises et envisagées pour renforcer cette formation, tant au titre de la formation initiale que tout au long de la carrière ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Marlène Schiappa (© D.R.)

Marlène Schiappa (© D.R.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Évrard, je commencerai mon intervention en saluant votre engagement sur ce sujet et le travail extrêmement important que vous menez dans l’Yonne pour protéger les femmes, et plus largement toutes les victimes, contre les violences conjugales, travail auquel est associé le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne.

Sachez, madame la sénatrice, que l’engagement du ministère de l’intérieur est total. Les 290 000 femmes et hommes travaillant dans ce ministère s’engagent pour mieux protéger les femmes. C’est le sens du point d’étape que nous avons fait ce matin avec le directeur général de la police nationale, le directeur général de la gendarmerie nationale et les responsables des groupes de travail du Grenelle des violences conjugales pour le ministère de l’intérieur.

Depuis ce Grenelle et la mobilisation collective du Gouvernement, de nombreuses mesures ont été mises en place pour faciliter l’accès des femmes aux dépôts de plainte. Je pense à la grille d’évaluation du danger, construite avec les associations, à la « roue des violences », mais aussi à la possibilité pour les femmes de déposer plainte sans se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie via la plateforme Arretonslesviolences.gouv.fr, où je me suis rendue, la semaine dernière, avec mes collègues Élisabeth Moreno et Adrien Taquet. Ses équipes sont composées de policiers et de gendarmes formés pour répondre à ces femmes.

La formation, sur laquelle vous m’interrogez, est fondamentale à nos yeux. Nous avons créé 120 heures de formation initiale pour les policiers et les gendarmes, afin de leur permettre de mieux prendre en charge les femmes victimes de violences sexistes, sexuelles et conjugales. Nous ajoutons à cela des formations continues et la création d’une formation en ligne ouverte à tous – un MOOC –, en collaboration avec l’initiative citoyenne Make.org et le Collectif féministe contre le viol, pour mieux former en continu l’ensemble des policiers et gendarmes.

Par ailleurs, madame la sénatrice, la chaîne pénale est fondamentale. Le ministère de l’intérieur travaille donc étroitement avec le ministère d’Éric Dupond-Moretti.

L’objectif que nous visons avec Gérald Darmanin est simple : que 100 % des plaintes soient enregistrées, que 100 % des plaintes soient correctement qualifiées, que 100 % des plaintes soient transmises au parquet pour traitement, afin que ces femmes puissent être sauvées et protégées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)


Le Houérou (Annie), question d’actualité au gouvernement nº 1551G sur les violences faites aux femmes.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houérou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Annie Le Houérou (© D.R.)

Annie Le Houérou (© D.R.)

Mme Annie Le Houérou. Ce 25 novembre marque la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

En 2017, notre Président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. En 2019, on a encore déploré 141 féminicides et il faut attendre le projet de loi de finances pour 2021 pour que des moyens supplémentaires soient proposés.

Or, malgré les annonces faites lors du Grenelle des violences conjugales, sans moyens, les actions identifiées, connues et expérimentées ne peuvent être mises en place ni porter leurs fruits sur le long terme.

Les forces de l’ordre et de secours accomplissent un travail remarquable pour mettre à l’abri, informer et orienter vers un accompagnement. Trop souvent pourtant, il n’y a pas de solution en aval.

Ces équipes sont de plus en plus sollicitées. En 2020, les violences intrafamiliales explosent de 40 %. La plateforme 3919, dédiée aux violences conjugales, a reçu trois fois plus d’appels qu’au cours des années précédentes. Mise en place et gérée depuis 1992 par la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), cette plateforme a démontré son efficacité, grâce à la mobilisation de ses équipes. L’annonce, par le Gouvernement, de sa mise en concurrence déstabilise une organisation bien rodée entre la FNSF et son réseau d’associations locales.

La communication ne suffit pas : après les constats, il faut des actes.

Monsieur le Premier ministre, quand des lieux d’accueil et d’hébergement dignes seront-ils disponibles, en lieu et place des mises à l’abri en urgence dans des hôtels de passage sur les bords de quatre voies ? Au minimum, 2 000 places dédiées sont nécessaires.

Quand les associations seront-elles dotées de moyens leur permettant un accompagnement dans la durée, notamment psychologique, de ces victimes de traumatismes sévères ?

Quand donnera-t-on à la justice les moyens dont elle a besoin pour écarter sans délai les conjoints violents par des bracelets anti-rapprochement ?

À quand une prise en charge adaptée des enfants, victimes collatérales, qui attendent des mois pour calmer leurs blessures faute de professionnels spécialisés ?

À quand une éducation nationale de nos garçons et de nos filles dès les petites classes sur l’égalité des sexes ?

À quand des formations effectives tout au long de la vie dans nos entreprises et administrations sur l’égalité entre les hommes et les femmes et sur les violences sexistes et sexuelles au travail et ailleurs ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.

Gabriel Attal (© Antoine Lamielle)

Gabriel Attal (© Antoine Lamielle)

M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Annie Le Houérou, je vous remercie de cette question, qui nous permet d’approfondir un sujet déjà abordé tout à l’heure.

Je ne reviens pas sur les différents points que j’ai déjà évoqués, notamment la question de l’hébergement. Vous soulignez qu’il faut 2 000 places supplémentaires : c’est précisément notre objectif. En tout, au cours des années 2020 et 2021, ce sont 2 000 places que le Gouvernement créera.

En revanche, deux points de votre intervention me semblent particulièrement importants.

D’une part, vous avez abordé la place de l’éducation dans ce combat. Elle est absolument centrale. C’est en effet par l’éducation que nous arriverons à faire changer les mentalités et un certain nombre de comportements que nous observons aujourd’hui.

À cet égard, je rends hommage à l’action de Jean-Michel Blanquer et de Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, en particulier aux trois séances annuelles d’éducation affective et sexuelle. Elles étaient prévues par une loi de 2014 sans être systématiques pour autant ; c’est ce gouvernement qui les a rendues obligatoires.

D’autre part, vous interrogez le Gouvernement sur la plateforme 3919.

Depuis des années, la FNSF gère ce numéro de manière remarquable. Je salue tout particulièrement les écoutantes qui sont au bout du fil – on ne le fait pas souvent – : elles permettent de traiter la situation de ces femmes et de les orienter. Nous avons renforcé le 3919 en le rendant accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

À ce titre, pourquoi passons-nous par la commande publique ?

Dès lors que l’État définit entièrement les modalités de fonctionnement de ce dispositif, le prend à sa charge et le finance en totalité, la commande publique s’impose. L’État entend confirmer et renforcer le 3919 en lui donnant une place centrale dans les politiques publiques de lutte contre les violences conjugales.

J’y insiste : quels que soient les choix qui devront être faits, nous veillerons évidemment, avec la plus grande attention, à ce que les écoutantes de demain, qui resteront les interlocutrices de ces femmes, aient la même formation et la même compétence que celles d’aujourd’hui. C’est absolument fondamental pour les femmes.

Tel est le travail qui sera poursuivi par ma collègue Élisabeth Moreno, qui ne pouvait malheureusement pas vous répondre. Elle accompagne le Président de la République dans le cadre d’un déplacement consacré précisément à ce sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)


Varaillas (Marie-Claude), question d’actualité au gouvernement nº 1545G sur les moyens accordés à la lutte contre les violences faites aux femmes.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Marie-Claude Varaillas (© D.R.)

Marie-Claude Varaillas (© D.R.)

Mme Marie-Claude Varaillas. Le 25 novembre marque, chaque année, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Salariées indispensables, mères de famille épuisées, femmes précarisées : les « premières de corvée » n’auront pas été épargnées par la crise sanitaire en cours, d’autant moins avec le regain de violences intrafamiliales engendré par les confinements successifs.

Tous les deux jours, une femme est tuée par son conjoint ou son ex-conjoint, et un accroissement de 16 % des violences conjugales a été constaté durant l’année 2019.

Les faits sont précis et d’une grande brutalité ; les moyens doivent l’être également. Ceux qui ont été promis, voilà un an, à la suite du Grenelle des violences conjugales ne sont pas à la hauteur.

Pire, une dégradation de la qualité d’écoute des victimes est aujourd’hui à craindre avec la mise en concurrence de la plateforme 3919. La Fédération nationale Solidarité femmes doit poursuivre sa mission. Son travail de qualité a fait ses preuves depuis toujours, et aujourd’hui plus que jamais.

Les annonces chiffrées d’une augmentation des places d’hébergement – que les associations spécialisées ont pourtant bien du mal à comptabiliser – ne doivent pas conduire à faire l’économie d’une qualité de prise en charge. Un lit et un toit, cela ne suffit pas ! Il faut un accompagnement social de ces femmes, qui sont dans la plus grande précarité humaine.

Cet accompagnement passe aussi par une véritable politique de prévention dans l’éducation nationale et par une prise en charge adaptée dans nos commissariats, avec une police formée.

Il faut adopter une loi-cadre et des tribunaux spécialisés doivent être érigés, sur le modèle de nos voisins espagnols, exemplaires sur le sujet.

Oui, pas moins de un milliard d’euros sont nécessaires pour la seule lutte contre les violences faites aux femmes. Comment le Gouvernement compte-t-il redresser les moyens financiers et humains pour, enfin, lutter efficacement et durablement contre ce fléau des violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.

Gabriel Attal (© Antoine Lamielle)

Gabriel Attal (© Antoine Lamielle)

M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Varaillas, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de ma collègue Élisabeth Moreno, qui se trouve actuellement en déplacement avec le Président de la République, justement pour visiter un centre d’hébergement de femmes victimes de violences conjugales. Vous l’avez dit, ce 25 novembre marque la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Vous avez à raison rappelé la terrible réalité – dans le monde comme dans notre pays – et des chiffres qui nous indignent toutes et tous. C’est pourquoi, dès le début du quinquennat, le Président de la République a décidé de faire de la lutte contre ces violences une grande cause nationale.

Le 25 novembre 2017, nous affichons une ambition. Le 25 novembre 2019, nous concluons un Grenelle historique contre les violences faites aux femmes – je veux à cet égard saluer l’implication de Marlène Schiappa, qui était à l’époque chargée de ces questions et qui poursuit son action au sein du ministère de l’intérieur. Aujourd’hui, ce 25 novembre 2020, nous pouvons dresser un bilan des actions engagées à l’issue du Grenelle. Les résultats sont là.

C’est une politique massive qui a été engagée. Nous avons renforcé les moyens. Le bracelet anti-rapprochement se déploie partout en France. Cette année, 1 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires ont été créées, auxquelles viendront s’ajouter 1 000 autres, pour atteindre, à la fin de 2021, un niveau de 7 700 places opérationnelles pour les femmes victimes de violences. Nous continuons enfin à accroître les budgets, avec l’adoption d’une augmentation historique de 40 % du budget de l’égalité entre les femmes et les hommes.

J’entends votre appel à une loi-cadre. Madame la sénatrice, trois lois ont été votées au cours des trois dernières années. La responsabilité qui nous incombe, nous, exécutif, mais qui incombe aussi aux acteurs dans les territoires, est désormais de faire en sorte que les mesures adoptées soient appliquées. Nous sommes extrêmement sensibles – c’est la responsabilité de ma collègue Élisabeth Moreno – à l’application des mesures.

Sur ces bases, nous pourrons continuer à progresser collectivement, autour d’un enjeu qui, je crois, nous rassemble toutes et tous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mise à jour du 26 novembre 2020

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