Copropriété d’un fonds de commerce et cotitularité du bail commercial

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 17 septembre 2020, la Cour de cassation a rendu un arrêt qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.

En l’espèce, une femme avait loué à une autre un local commercial par deux baux saisonniers successifs en janvier 2012 et janvier 2013. Les parties avaient ensuite conclu un bail dit « précaire » en décembre 2013, pour une durée de vingt-trois mois. La bailleuse avait prévenu sa locataire en octobre 2015 que le bail arrivait prochainement à terme et que le local devait en conséquence être libéré. La locataire avait alors assigné la bailleuse en décembre 2015, afin notamment de voir juger que le statut des baux commerciaux était applicable aux baux conclus et qu’elle était donc titulaire d’un bail de neuf ans soumis au statut des baux commerciaux à compter de novembre 2015.

Conjoint collaborateur marié sous le régime de la communauté, l’époux de la locataire était intervenu volontairement à l’instance. Sur le fondement de l’article 1401 du code civil, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait jugé cette intervention recevable en avril 2019, retenant que les époux, mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, étaient copropriétaires du fonds de commerce exploité dans les lieux loués et que le conjoint collaborateur de celle qui avait signé le bail avait qualité pour agir. La bailleuse avait alors formé un pourvoi en cassation.

L’arrêt a été partiellement cassé aujourd’hui par la troisième chambre civile de la Cour de cassation :

« 7. Selon [l’article 329 du code de procédure civile], l’intervention principale n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à la prétention qu’il élève.

« 8. Aux termes [de l’article 1401 du code civil], la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. Il en résulte que le fait qu’un fonds de commerce constitue un acquêt de communauté est sans incidence sur la titularité du bail commercial qui n’a été consenti qu’à un seul des époux.

« 9. Selon [l’article L. 121-6, alinéa 1er, du code de commerce], le conjoint collaborateur, lorsqu’il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, est réputé avoir reçu du chef d’entreprise le mandat d’accomplir au nom de ce dernier les actes d’administration concernant les besoins de l’entreprise.

« 10. Pour déclarer recevable l’intervention volontaire [du conjoint collaborateur], l’arrêt relève que [les époux] se sont mariés […] sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts et retient que le fonds de commerce est commun aux deux époux, à défaut de prouver que sa création est antérieure à la célébration du mariage, de sorte que [l’époux], conjoint collaborateur de son épouse, a qualité pour agir.

« 11. En statuant ainsi, après avoir constaté que [l’épouse] était seule titulaire du bail des locaux dans lequel était exploité le fonds de commerce, peu important le statut de conjoint collaborateur de [l’époux], la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »

La Cour de cassation avait déjà jugé qu’un congé peut être délivré à un époux commun en bien, copropriétaire d’un fonds de commerce mais seul signataire du bail (arrêt du 28 mai 2008, pourvoi nº 07-12277). En effet, d’une part, le droit au bail n’est pas un élément essentiel du fonds de commerce – sauf clause contraire, l’un et l’autre peuvent être cédés indépendamment. D’autre part, si un fonds de commerce dépendant de la communauté ne peut être vendu par un seul des époux (article 1424 du code civil), un époux peut conclure seul un bail commercial et aucune des règles applicables au pouvoir des époux ou au régime matrimonial n’entraîne la cotitularité dudit bail, quand bien même les époux seraient-ils copropriétaires du fonds de commerce exploité dans le local pris à bail.

Références
Cour de cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 17 septembre 2020
Nº de pourvoi : 19-18435

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