La simple expression d’« aliénation parentale » semble dégager comme une odeur de dioxyde de soufre en France. Nombre d’avocats déconseillent à leurs clients de l’utiliser au motif que les juges s’en méfient et que leur affaire risquerait de s’en trouver compromise. Cédant aux pressions du lobby féministe, le ministère de la Justice avait même cru bon inciter en 2018 les magistrats « à regarder avec prudence ce moyen lorsqu’il est soulevé en défense ». Il suffit pourtant de traverser le canal qui nous sépare de la Grande-Bretagne pour constater que les magistrats anglais considèrent l’aliénation parentale avec beaucoup de sérieux, la prennent en compte dans leurs jugements et ordonnent des mesures en conséquence.
Nous avions rendu compte le 29 avril dernier du jugement remarquable par lequel la Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles – la plus haute juridiction d’Angleterre et du Pays de Galles après la Cour suprême du Royaume-Uni – avait autorisé l’appel d’un père [1] contre le rejet de sa demande de résidence habituelle pour sa fille, âgée de neuf ans, alors que le juge de première instance avait reconnu que la fillette avait subi un préjudice causé par l’adhésion de sa mère à une secte et qu’un processus d’aliénation parentale vis-à-vis du père avait commencé. La Haute Cour de justice d’Angleterre et du pays de Galles a rendu aujourd’hui une nouvelle décision qui semble mettre un terme à cette pénible affaire, laquelle nous paraît suffisamment intéressante pour en livrer un commentaire détaillé (nous reprendrons ici l’essentiel de notre chronique précédente).
Les faits
En l’espèce, un couple s’était rencontré en 2009 et une petite fille était née de leur relation en 2011. Les parents se séparèrent alors que leur fille n’avait pas encore un an, et la mère devint une adepte de la secte Universal Medicine, participant à diverses manifestations au siège européen de l’organisation près de Somerset, où elle emmenait parfois la fillette, ainsi qu’à des séances mensuelles de « guérison », supprimant aussi gluten et laitages de son régime alimentaire et de celui de la fillette (jugement du 29 avril 2020, §§ 14-15).
- Universal Medicine
- Cette secte a été fondée en Australie en 1999 par Serge Benhayon, un ancien entraîneur de tennis prétendant être la réincarnation de Léonard de Vinci – entre autres. Ses enseignements, The Way of the Livingness, couvrent tous les aspects de la vie humaine. Comme dans toute secte (féminisme compris), ses adeptes finissent par perdre la capacité d’analyser et remettre en question ce qui leur est enseigné ; frappés de malédiction, les éventuels transfuges perdraient tout espoir de guérison et de salut.
Le jury de la Cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud a reconnu en décembre 2018 que Benhayon est « the leader of a dangerous [and] socially harmful cult » et « a charlatan who makes fraudulent medical claims », qu’il avait « intentionally indecently touched a number of his clients » et manifestait « an indecent interest in young girls as young as ten » [Benhayon v Rockett (nº 8) 2019 NSWSC 169].
Nous attirons l’attention de nos lecteurs sur le fait que cette secte est également implantée en France et que l’absorption de gluten nuit à la réincarnation… 😀
Le père fit part de ses préoccupations quant à la santé mentale et physique de sa fille en février 2015 aux services sociaux (jugement du 29 avril 2020, § 20). En rétorsion, la mère signala au mois de mai suivant des risques d’attouchements sexuels au motif qu’il arrivait au père de s’allonger à côté de sa fille pour l’aider à s’endormir – ces allégations ne furent heureusement pas prises au sérieux (id., § 21). Le père introduisit ensuite deux requêtes, pour que la résidence de la fillette soit fixée en alternance au domicile de ses deux parents et pour empêcher tout contact entre la fillette et Universal Medicine (§ 22). Il obtint satisfaction en juin 2017 et la résidence en alternance fut mise en œuvre en avril 2018 (id., §§ 24-25). Un médecin généraliste signala aux services sociaux dès le mois suivant une vaginite chez la fillette et rapporta l’inquiétude de la mère quant au fait que le père dormait avec sa fille. Une enquête sociale conclut en août à l’absence de tout danger, du moins chez le père (id., § 26), car la mère avait emmené la fillette durant l’été au siège européen de la secte (id., § 27). L’inquiétude du père devint de plus en plus vive, notamment quant au régime alimentaire de la fillette ; le médecin généraliste confirma d’ailleurs qu’icelle courait un risque de trouble de l’alimentation (id., § 29).
La condamnation du fondateur d’Universal Medicine par la Cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud en décembre 2018 (voir l’encadré supra) incita le père à demander en janvier 2019 que la résidence de sa fille soit fixée chez lui et que les relations avec la mère soit subordonnées au strict respect du prohibited steps order, prohibant tout contact avec Universal Medicine (id., § 31). Le Children and Family Court Advisory and Support Service diligenta une enquête qui confirma les craintes du père (id., §§ 32-36), puis une travailleuse sociale très expérimentée, Helena Ware, fut mandatée pour une enquête complémentaire (id., § 37).
« 39. The report of Ms Ware was filed on 4 October 2019. She saw [the child], and each parent on four occasions each. She received a very positive report from the school, which described [the child] as having blossomed in the past year. In the course of her report Ms Ware noted that [the child] dislikes the conflict between her parents and would really like them to be together. She would like to be with her mother more than her father but it would be OK if things stayed the same. She would not like more time with her father.
« 40. Ms Ware gave a detailed account of her discussions with the parents. The father said that he did not trust the mother to distance herself and [their daughter] from Universal Medicine. He was aware that [his daughter] would be devastated to spend less time with her mother and hopes that she can commit to leaving the organization and its teachings. If not, he believed that on balance it would be better for [his daughter] to suffer short term sadness and disruption than the long term harm that she was at risk of as things stand. The mother described the father as controlling and abusive. He found it difficult to accept her close bond with [their daughter] and was obsessed with her involvement with Universal Medicine. She described herself as having benefited from the organization and its teachings and rituals. She was at a loss to understand the criticism of the organization and its founder.
« 41. Ms Ware gave as her opinion that the mother seemed not to have understood the gravity of the concerns about Universal Medicine. She described the mother as “deeply steeped in the teachings including restricted diet, sleep patterns, esoteric massages and the spiritual aspects in terms of The Way of Livingness”. She considered Universal Medicine to be a cult and the mother’s involvement to be harmful to [the child] in terms of restricted diet, behaviour and beliefs. The mother underestimated her influence over [her daughter]. If she remained in Universal Medicine or associated with it on any level she would influence [her daughter]. She had previously said that she would disassociate from Universal Medicine but she had not done so despite previous proceedings that had continually raised concerns about it. Given the mother’s heavy involvement over 8 years and her continued support for its teachings and leader, Ms Ware doubted that she could extricate herself without significant therapeutic support and a true commitment to do so.
« 42. As to the effect of this on [the child]’s relationship on her father, Ms Ware noted that she had accused her father of not being like her and her mother because he does not have the same beliefs. She is at risk of becoming alienated from him as a result. She would find it difficult if the current arrangements were changed so that she lived with her father because she is so close to her mother, with whom she is in an alliance, but unless the mother was able to relinquish her interest in and commitment to Universal Medicine, [the child] will continue to be at risk of harm. In such circumstances she should move to live with her father full time and have supervised contact with her mother. »
Décision de première instance
Après trois jours d’audience en novembre 2019, le juge James Meston rendit une décision le 2 janvier 2020, dont l’essentiel a été repris aux §§ 46-57 du jugement du 29 avril dernier. Rejetant les allégations de « contrôle coercitif » fulminées à l’encontre du père, il avait estimé que les craintes d’icelui étaient fondées et accepté les conclusions d’Helena Ware quant au préjudice subi et au risque de préjudice supplémentaire causé par l’adhésion de la mère à Universal Medicine. Il avait également constaté qu’un processus d’aliénation parentale avait commencé.
Le juge James Meston avait cependant aussi estimé que la fillette risquait d’être perturbée en se retrouvant chez son père à plein temps et en voyant beaucoup moins sa mère. Considérant qu’icelle était sincère lorsqu’elle disait qu’elle ferait tout ce qui serait raisonnablement exigé d’elle afin de conserver sa fille, y compris se retirer de Universal Medicine, il avait finalement rejeté la requête du père et maintenu la résidence en alternance, sous réserve que la mère prît les engagements appropriés.
La procédure n’était pas pour autant clôturée car le juge James Meston avait été informé, avant de rendre sa décision, que le père n’avait pratiquement pas pu voir sa fille depuis l’audience de novembre 2019, de sorte qu’une nouvelle audience fut ordonnée pour la mi-janvier (jugement du 29 avril 2020, § 57), qui fit apparaître d’autres difficultés (id., §§ 58-69).
Autorisation de faire appel
L’autorisation de faire appel fut sollicitée par le père en février dernier, et le juge Peter Jackson lui accorda dans une longue décision, étayée par une intéressante réflexion sur les deux points majeurs de l’affaire : la liberté religieuse et l’aliénation parentale.
La liberté religieuse
Passons rapidement sur le premier point, où le juge Peter Jackson approuvait l’analyse faite par le juge James Meston du traitement judiciaire des cultes minoritaires et sectes dans les affaires concernant des enfants au regard de la jurisprudence et de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
« 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Le juge James Meston avait bien respecté l’adhésion de la mère à Universal Medicine dans la mesure où elle pouvait être conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant : « In matters of religion, as in all other aspects of a child’s upbringing, the interests of the child are the paramount consideration » (jugement du 29 avril 2020, § 5).
L’aliénation parentale
Plus importante pour nous est la façon dont le juge Peter Jackson avait ensuite examiné la législation anglaise et la jurisprudence des tribunaux anglais sur l’aliénation parentale. De nombreuses décisions ayant déjà été prises en la matière, la notion est bien établie chez les juges et dans les tribunaux, de sorte que le juge Peter Jackson avait pu s’appuyer sur une définition officielle (id., § 8) :
« For working purposes, the CAFCASS definition of alienation is sufficient:
« “When a child’s resistance/hostility towards one parent is not justified and is the result of psychological manipulation by the other parent.”
« To that may be added that the manipulation of the child by the other parent need not be malicious or even deliberate. It is the process that matters, not the motive. »
Le juge Peter Jackson avait ainsi exposé la façon dont les tribunaux doivent se déterminer face à l’aliénation parentale :
« 10. Where a process of alienation is found to exist, there is a spectrum of severity and the remedy will depend upon an assessment of all aspects of the child’s welfare, and not merely those that concern the relationship that may be under threat. The court’s first inclination will be to reason with parents and seek to persuade them to take the right course for their child’s sake, and it will only make orders when it is better than not to do so. Once orders are required, the court’s powers include those provided by sections 11A to 11O of the Children Act 1989, and extend to consideration of a more fundamental revision of the arrangements for the child. We agree that whilst a change in the child’s main home is a highly significant alteration in that child’s circumstances, such a change is not regarded as “a last resort”: Re L (A Child) [2019] EWHC 867 (Fam) at [53] to [59] per Sir Andrew McFarlane P. The judge must consider all the circumstances and choose the best welfare solution.
« 11. Cases at the upper end of the spectrum of alienation place exceptional demands on the court. It will recognise that the more distant the relationship with the unfavoured parent becomes, the more limited its powers become. It must take a medium to long term view and not accord excessive weight to short-term problems […]. It must, in short, take action when and where it can do so to the child’s advantage. »
Si l’aliénation parentale n’est ni reconnue ni traitée à temps, l’affaire s’éternise, et cela va à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant :
« 12. Unhappily, reported decisions in this area tend to take the form of a post mortem examination of a lost parental relationship. Re A […] : 12 years of proceedings, 82 court orders, 7 judges, 10 CAFCASS officers, no contact. Re D (Intractable Contact Dispute: Publicity) [2004] EWHC 727 (Fam); [2004] 1 FLR 1226 (Munby J): 5 years of proceedings, 43 hearings, 16 judges, no contact. Re A (Children) (Parental Alienation) [2019] EWFC B56 (HHJ Wildblood QC): 8 years of proceedings, 36 hearings, 10 professionals, no contact despite an attempted change of residence. In some cases (e.g. Re A) a formal finding of a breach of the state’s procedural obligation under Article 8 was made. Another recent example is Pisica v Moldova (Application No 23641/17) 29 October 2019, where a mother was deprived of contact despite five years of proceedings during which she had obtained orders for the children to live with her. […]
« 13. In summary, in a situation of parental alienation the obligation on the court is to respond with exceptional diligence and take whatever effective measures are available. The situation calls for judicial resolve because the line of least resistance is likely to be less stressful for the child and for the court in the short term. But it does not represent a solution to the problem. Inaction will probably reinforce the position of the stronger party at the expense of the weaker party and the bar will be raised for the next attempt at intervention. Above all, the obligation on the court is to keep the child’s medium to long term welfare at the forefront of its mind and wherever possible to uphold the child and parent’s right to respect for family life before it is breached. In making its overall welfare decision the court must therefore be alert to early signs of alienation. What will amount to effective action will be a matter of judgement, but it is emphatically not necessary to wait for serious, worse still irreparable, harm to be done before appropriate action is taken. It is easier to conclude that decisive action was needed after it has become too late to take it. »
Le gouvernement, la magistrature et le ministère de la Justice français devraient soigneusement prendre note de cet § 13…
Pour sa part, la mère demandait que le temps passé par la fillette avec son père soit réduit et soutenait que la décision de première instance devait être confirmée pour des motifs supplémentaires, le juge James Meston ayant notamment refusé de prendre en compte le « contrôle coercitif » prétendument exercé par le père, le fait que la fillette partageait son lit avec son père et la vaginite de la fillette (jugement du 29 avril 2020, §§ 74-77). Ces demandes équivalaient en fait à un appel incident pour lequel aucune autorisation n’avait été demandée avant l’audience d’appel (id., § 78). L’autorisation demandée en cours d’audience avait été refusée et les demandes balayées par le juge Peter Jackson (id., §§ 81-87), qui en avait profité pour rappeler que les fausses allégations d’abus sexuel n’ont pas leur place dans des documents rédigés par des avocats et transmis aux tribunaux :
« 84. […] The mother has continued to trail her coat on this point, with clear insinuations in counsel’s submissions that something improper may have been going on. We agree that this submission is an unjustified slur that should never have appeared in professionally drafted documents. »
Passant ensuite au crible la décision de première instance, le juge Peter Jackson en avait trouvé les bases factuelles correctes mais avait estimé que le juge James Meston avait mal évalué et mis en balance les risques. Ce passage mérite bien d’être cité in extenso :
« 89. The judge accurately identified the first two sources of harm to [the child] and found that they had already caused her some actual harm in relation to her fixed beliefs and her anxious food behaviour. He also rightly considered the effect on [the child] of removal from her mother. However, we have concluded that there were errors in his balancing of these risks and that these fundamentally undermine his decision. We will consider each form of harm in turn.
« 90. In the first place, the judge’s findings at paragraphs 111 and 112 identified a immediate risk to [the child]’s welfare in all its aspects, arising from the mother’s adherence to Universal Medicine. The judge rightly considered that this state of affairs could not be allowed to continue. However, such slight measures as he then took to mitigate the harm were in our view highly unlikely to be effective. His assessment at paragraph 115 of the mother as sincere and genuine could not be sufficient without some solid reason for believing that, as he put it, she was likely to modify, if not wholly change, her thinking about Universal Medicine and Serge Benhayon. It is difficult to know what led the judge to believe that this was at all likely. The mother had been a convinced adherent for almost all of [her daughter]’s life and the father had been raising formal concerns since the child was aged three. The clear evidence of Ms Ware, which the judge accepted, was that, given the mother’s heavy involvement over 8 years and her continued support for its teachings and leader, it was unlikely that she could extricate herself without significant therapeutic support and a true commitment to do so. Neither of these conditions was met when the judgment was written and there was in our view no reasonable basis on which the judge could have expected them to be met in the foreseeable future.
« 91. Moreover, the judge found that the decision of the Australian court was one that no reasonable parent in the mother’s position could disregard, but that is exactly what the mother had done throughout the year of the proceedings, to the extent that it was not apparent that she had actually read the Australian decision, still less had she taken any interest in the material that led to it. In addition, events following the judge’s own judgment were bound to dissolve any hope that the court might have entertained that she was now going to approach matters differently.
« 92. We have set out above and at unusual length the evolution of the mother’s case. It shows that, far from accepting the judgment and showing signs of changing course, the mother’s unmistakeable position was that she did not accept the judge’s findings about Universal Medicine, and that she had no respect for the experienced opinion of Ms Ware. Nor has she any time for the fears of the father, with whom she shares parental responsibility: her response has been to attack him for taking action to protect their daughter, something that any responsible parent would want to do, though not all parents would have the determination to see it through. From beginning to end there has been no sign that the mother actually wants to distance herself and [her daughter] from Universal Medicine. Even if she did want that, it would be a considerable achievement to free herself from the beliefs that have underpinned her thinking for so long. In these circumstances, her repeated, unsupported assurances that she would do anything that is required of her to keep the care of [her daughter] can carry very little weight.
« 93. Finally on this aspect of the matter, the dismissal of the father’s application at a point where the mother was yet to give any undertakings at all represented a clear failure to get to grips with the rooted problem that the judge had identified. In relation to the nature of undertakings, the parties find themselves in some form of agreement. The mother argues that the judge was wrong to ask her for undertakings and then to refuse to accept them. The father agrees that the judge should have ensured that the mother’s undertakings were voluntary. The inability of the court to identify undertakings that were both voluntary and sufficient should have alerted the judge to the intractable nature of the problem. In the situation that then existed, the harm arising from Universal Medicine (both from its teachings and its divisive effect) was set to continue.
« 94. The second way in which we consider the judge to have been in error concerns his response to his findings of alienation. Having found that a process of alienation had started to occur, he did not in our judgement take effective steps to counter it. By the time of the order of 15 January, the relationship between [the child] and her father was in considerable difficulties. The court’s response was to re-instruct Ms Ware to advise the parents. However, even if advice from any quarter was likely to be effective, the mother showed no sign of being amenable to receiving it from Ms Ware. The orders made following the dismissal of the father’s application were not made in any recognisable proceedings and disclose no identifiable strategy for addressing the damage that was being caused to [the child]’s relationship with her father. There was no incentive for the mother to change her approach of laying all problems at the father’s door, with time passing all the while.
« 95. We also consider that the judge would have done well to have addressed the insinuation of sexual impropriety that was a feature of the mother’s presentation. She had been bringing the matter up on and off since May 2015. It is particularly striking that she should promote suspicions about the father, despite the lack of any evidence, when she is at the same time impervious to proven allegations against Benhayon. This state of affairs was capable of providing support for the father’s case in relation to alienation, but it did not receive any attention in the judge’s overall evaluation.
« 96. The third respect in which we consider the judge erred is in relation to the nature of the different sorts of harm that he was balancing. He correctly reminded himself that he was concerned with [the child]’s medium to long term welfare, but we do not consider that he brought that objective sufficiently into account when reaching his conclusion. There is a contrast between on the one hand the long-term nature of the harm arising from Universal Medicine and from parental alienation, and on the other hand the short or short-to-medium term harm that would be caused to [the child] by a change in her living arrangements. The order sought by the father was indeed a significant change in [the child]’s circumstances and implementing it against her wishes would undoubtedly be very steep challenge in the short term. But the court’s powers are ample to achieve and enforce such an order if that is necessary in the child’s interests.
« 97. We do not find a balancing-up of these factors in the judgment. At paragraph 119 the judge simply states a firmly-reached conclusion. We infer that he found that the harm arising from a move to the father’s care would outweigh all other forms of harm. In our view, that minimised the continuing and untreated harm to [the child] from Universal Medicine and from the developing parental alienation while at the same time it gave inordinate weight to the disadvantages of change designed to address the deep-seated problems within the family.
« 98. For these reasons the appeal must be allowed. »
Estimant que toutes les données nécessaires pour rendre une décision étaient désormais réunies, le juge Peter Jackson avait renvoyé l’affaire à une nouvelle audition devant le président de la chambre de la famille en juillet, adressant un avertissement extrêmement ferme à la mère :
« 103. It will be apparent from our analysis so far that we find that [the child] must be distanced entirely from Universal Medicine. Shared care can therefore only continue if the mother makes an immediate and definitive break with the organisation. Otherwise [her daughter] should move to live with her father. A period with him would give her a sustained opportunity to experience a less anxious and prescriptive way of living. There is a strong argument for saying that the time for such a move has now arrived, that this court should make the necessary orders, and that nothing short of the shock of actually losing [the child]’s care is likely to impel the mother into doing what is necessary. The alternative is to remit for a further hearing, giving her a final opportunity to dissociate herself in a determined way from Universal Medicine and seek the help she needs to do so. That brings more delay against a deteriorating background, and in the meantime, if the mother does not change her self-defeating stance, matters may get worse. »
Appel
Eu égard à la personnalité du juge Andrew McFarlane, devant lequel les parties devaient donc se retrouver, il était assez probable qu’un transfert de résidence serait ordonné. Il s’est trouvé que le président de la chambre de la famille a dû être hospitalisé le mois dernier pour subir une opération à cœur ouvert (prévue pour fin mars ou début avril, l’intervention a été reportée en raison de l’encombrement des hôpitaux anglais consécutif à la pandémie de Covid-19), et l’affaire a été finalement entendue et tranchée par le juge David Williams.
Les positions des parties (§§ 26-29)
Le père fit valoir que l’attitude de la mère n’avait pas substantiellement changé, en dépit de son apparent détachement d’avec Universal Medicine. L’enfant étant de facto de plus en plus aliénée, seul le transfert de résidence permettrait le maintien d’un lien équilibré avec les deux parents, le préjudice à court terme étant compensé par les avantages à moyen et long terme du changement (§ 26).
La mère demandait de son côté le maintien du statu quo puisque – selon elle – la situation s’était améliorée (§ 27). Absente lors des deux jours d’audience (9 et 10 juillet) en raison de son état de santé, son avocate avait fait parvenir au juge David Williams des observations écrites soutenant les positions suivantes (§ 28) :
- Le tribunal n’est pas en mesure d’ordonner le transfert de résidence de l’enfant parce qu’il ne dispose pas de toutes les informations nécessaires, et celles qu’il possède manquent de crédibilité :
- le point de vue de l’enfant n’est pas connu puisque la travailleuse sociale, Helena Ware, n’a pas jugé utile de la revoir ;
- le transfert de résidence préconisé par Helena Ware est donc sans fondement, aucun professionnel ne pouvant faire une telle recommandation sans voir l’enfant ;
- le témoignage du psychothérapeute mandaté par la mère, Louis Sydney, qui préconise le statu quo, doit être préféré car il est mieux qualifié ;
- les préjudices liés au transfert de résidence l’emportant à ce stade sur les avantages, la médiation et la psychothérapie seraient des solutions plus appropriées pour améliorer la relation entre l’enfant et son père.
- Le père a exprimé son intention de déménager dans le Dorset, ce qui obligerait l’enfant à changer d’école, alors qu’il avait prétendu devant la Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles que sa fille continuerait à fréquenter la même école.
- Un transfert de résidence placerait l’enfant dans une situation de danger physique grave et immédiat, et provoquerait des dommages psychologiques irréparables. L’enfant risquerait de fuguer, que ce soit à Londres ou dans le Dorset.
- L’audience a été inéquitable et a violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme :
- la mère s’est présentée seule alors que le père était représenté par deux avocats ;
- le contre-interrogatoire de la mère au sujet de son implication dans Universal Medicine n’a pas eu d’autre fin que l’intimider et la rabaisser, constituant un véritable harcèlement.
Audition du père (§§ 30-34)
Selon l’audition du père devant le juge David Williams, l’enfant avait commencé à revenir chez lui et à y passer la nuit après la décision du 29 avril dernier, mais leurs relations étaient toujours aussi mauvaises, même s’il y avait aussi de bons moments. L’enfant ne respectait pas son père et continuait à se référer à sa mère pour savoir ce qu’elle était autorisée ou non à faire. Elle était même parfois violente vis-à-vis son père et continuait de se conformer aux préceptes de Universal Medicine – la mère a d’ailleurs admis lors de son audition qu’elle n’avait pas osé parler à l’enfant de sa prise de distance vis-à-vis de la secte (§ 38). Tout en reconnaissant qu’un transfert de résidence serait dévastateur pour sa fille et qu’il ne voyait pas comment le mettre en œuvre, le père a estimé qu’il n’y avait pas d’autre solution pour rétablir une relation paisible avec sa fille. Le juge David Williams a conclu qu’il était « a child-focused and sensitive parent » (§ 34).
Audition de la mère (§§ 35-44)
L’audition de la mère a montré une nouvelle fois sa fusion avec sa fille (§ 36) :
« Ms Ware described it as being difficult to discern where the mother ended and the child began at times and having seen both the mother’s openly emotional nature and her description of how closely she aligns herself with the child’s feelings and vice versa that this is an apt description. »
Le juge David Williams a constaté que la mère s’était éloignée des personnes impliquées dans Universal Medicine, mais pas des préceptes de la secte, et qu’elle n’acceptait toujours pas les critiques d’icelle. De même, elle n’avait manifestement toujours pas intégré la portée des précédentes décisions judiciaires, dont elle ne se souvenait même pas :
« 38. She said that she had made mistakes in the past but when asked what they were was unable to articulate what those mistakes were. I asked her how she had sought to reverse the harm done to the child and to unpick the beliefs that had caused the child to become alienated from the father. The mother said she had done nothing and had wanted advice on how she should approach it. […]
« 41. […] There is almost no engagement with the harm that the child has been caused and the process which has led to that harm. There is thus no engagement with the damaging nature of the beliefs and practices of Universal Medicine. […]
« 44. […] She has many qualities as a mother and I accept that. However, those qualities exist in the shadow of the significant limitation on her capability as a parent arising from her adherence to UM. »
Audition de la travailleuse sociale Helena Ware (§§ 45-48)
La travailleuse sociale Helena Ware avait préconisé devant le tribunal de première instance le transfert de la résidence de l’enfant chez son père si sa mère était incapable de rompre efficacement avec Universal Medicine. Dans le cadre de la procédure d’appel, elle s’était entretenue avec les deux parents, ainsi qu’avec le psychothérapeute Louis Sydney, et avait rédigé deux rapports supplémentaires. Lors de son audition devant le juge David Williams, elle a expliqué qu’elle n’avait effectivement pas souhaité revoir l’enfant afin de ne pas aggraver sa détresse, le personnel scolaire lui ayant confié que l’enfant était devenue de plus en plus anxieuse et stressée au cours de l’année écoulée. Elle a estimé que les entretiens de la mère avec le psychothérapeute Louis Sydney avaient été utiles, mais qu’ils s’étaient concentrés sur les problèmes relationnels entre les parent. Or, l’enfant était de plus en plus aliénée de son père et le comportement de la mère n’avait guère changé depuis l’année précédente. Helena Ware a donc renouvelé sa préconisation de transfert de résidence, estimant que l’intérêt de l’enfant à moyen et long terme devait l’emporter sur la détresse considérable à court terme qui en résulterait, et suggérant une longue pause estivale loin de Londres, au domicile des grands-parents paternels, dans le Dorset, durant laquelle l’enfant n’aurait aucun contact avec sa mère.
Audition du psychothérapeute Louis Sydney (§§ 49-58)
Chargé par l’avocate de la mère d’évaluer et de rendre compte de la prise de distance de la mère vis-à-vis de Universal Medicine, le psychothérapeute Louis Sydney s’est entretenu avec la mère à cinq reprises par l’intermédiaire de la plate-forme de vidéoconférence Zoom. Il s’est également entretenu avec Helena Ware. N’ayant d’abord eu connaissance que des deux rapports rédigés par icelle en octobre 2019, mais pas des précédentes décisions judiciaires, il avait rédigé un premier rapport sur l’évaluation de la compréhension par la mère des préjudices et risques causés à l’enfant entaché d’importantes lacunes. Ayant par la suite reçu les deux précédentes décisions judiciaires ainsi que les déclarations des témoins des parties et le rapport complémentaire d’Helena Ware, il eut deux autres entretiens avec la mère via Zoom, mais les conclusions des deux précédentes décisions judiciaires n’y furent pas évoquées. Le juge David Williams a donc eu du mal à comprendre comment Louis Sydney pouvait soutenir dans son rapport complémentaire que la mère reconnaissait désormais que son adhésion à Universal Medicine avait été néfaste pour la relation entre l’enfant et son père, qu’elle admettait les critiques de la secte et reconnaissait que son fondateur était un prédateur sexuel, alors que l’audition de la mère prouvait le contraire. Le juge David Williams s’est finalement déclaré « unimpressed » par la nature du travail entrepris par le psychothérapeute (§ 57) et a estimé que c’était la perte potentielle de sa fille qui avait motivé la mère à quitter Universal Medicine, et non la compréhension du caractère néfaste de la secte, de sorte que sa prise de distance n’était que superficielle et pouvait susciter des inquiétudes à l’issue de la procédure.
Décision
Nous donnons ici l’essentiel de la décision prise par le juge David Williams :
« 62 […] I am therefore satisfied that the distress that the child will feel as a result of the separation from her mother and from a period of no contact will be short-term and will not have medium to long-term consequences of a magnitude which in any way approaches the magnitude of the consequences of leaving her in the current position. It will not, as the mother fears, be catastrophic. The intention is that after a prolonged summer break the child will return to London and to her school. That of course may have to remain under review depending on her response and the response of the mother. […]
« 67. The mother has therefore not come close to achieving the sort of break identified by the Court of Appeal, to showing a wholesale transformation in her position where with a full heart she leaves Universal Medicine, starts intensive therapy and begins the reversal of the process of alienation of the child. Whilst she has taken some steps, they are so limited in their extent and in my assessment so tenuous, that at this stage I am satisfied that, were the child to remain in her care, the process of estrangement would continue and in the short to medium term the child’s relationship with the father would be terminated. […]
[…]
« 69. The child will live with her father and will spend such time with her mother as the father may agree in consultation with Ms Ware. […] I foresee that the reintroduction of even unsupervised contact [with the mother] will require Ms Ware and the father to consider whether the child has made the emotional leap to acceptance that her home is to be with her father for the future. […]
« 70. Given the fact that nothing has yet been said to the child to even begin the process of distancing her from Universal Medicine and the views she has developed I propose to write a short message to her which the father can deliver and which he may be able to fall back on in the event of difficulties with the child and her acceptance of the situation. »
Un postscriptum au jugement révèle que le père a récupéré sa fille aussitôt la décision communiquée mais que l’enfant est retournée chez sa mère le soir-même. Le père a pu cependant récupérer sa fille grâce à l’intervention de la police. L’avocate de la mère en a aussitôt profité pour demander au juge David Williams de reconsidérer sa décision, ce à quoi le juge s’est opposé. Une demande d’autorisation de faire appel a également été rejetée. L’avocat du père a demandé de son côté un Prohibited Steps Order, que le juge David Williams a aussi refusé, la responsabilité de la mère dans cette situation n’étant pas établie.
Nous rappelons enfin que P@ternet demande que l’aliénation parentale soit mentionnée à l’article 373-2-11 du code civil dans la liste des points que le juge doit prendre en considération lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
- Références
- England and Wales High Court (Family Division)
Date : 15 juillet 2020
Décision : Re S (Parental Alienation: Cult: Transfer of Primary Care) [2020] EWHC 1940 (Fam)
Note
- La législation du Royaume-Uni prévoit une autorisation préalable pour pouvoir faire appel d’une décision judiciaire (cf. section VIII des Civil Procedure Rules 1998 et sections 54 à 58 de l’Access to Justice Act 1999).
Jugement du 29 avril 2020 archivé au format PDF (388 Ko, 31 p.).
Jugement du 15 juillet 2020 archivé au format PDF (556 Ko, 27 p.).
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