Lors de son audience publique de ce 8 juillet 2020, la Cour de cassation a rappelé que l’opposition d’un homme à la réalisation d’une expertise génétique sans motif légitime peut constituer un indice de paternité.
En l’espèce, un enfant était né en 2003 sans filiation paternelle déclarée. Agissant en qualité de représentante légale de l’enfant, la mère avait assigné en juin 2011 un homme en recherche de paternité sur le fondement de l’article 328 du code civil. L’action ayant été déclarée recevable, une expertise biologique avait été ordonnée mais le père présumé avait refusé de s’y soumettre au motif que – selon lui – l’action en recherche de paternité avait été exercée trop tard. La cour d’appel de Reims l’avait débouté à deux reprises, en octobre 2014 pour déclarer recevable l’action en recherche de paternité, puis en juin 2018 pour le déclarer père de l’enfant.
Il avait alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que l’action était prescrite au regard du droit antérieur à l’ordonnance nº 2005-759 du 4 juillet 2005, à savoir l’ancien article 340-4 du code civil, et qu’il disposait d’un motif légitime pour s’opposer à l’expertise biologique car la question de la recevabilité de l’action intentée contre lui n’avait pas été définitivement tranchée. Le pourvoi a été rejeté aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation :
« 5. Il résulte des articles 327 et 328 du code civil, d’une part, que l’action en recherche de paternité est réservée à l’enfant, d’autre part, que pendant la minorité de celui-ci, le parent à l’égard duquel la filiation est établie a seul qualité pour exercer l’action en recherche de paternité. Il en résulte que l’article 20, IV, de l’ordonnance nº 2005-759 du 4 juillet 2005, qui prévoit, au titre des dispositions transitoires, que l’action prévue par l’article 327 précité peut être exercée sans que puisse être opposée la forclusion de deux ans tirée de la loi ancienne, dès lors qu’à la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance, le 1er juillet 2006, la prescription de dix ans prévue par l’article 321 du même code n’est pas acquise, s’applique lorsque l’action est exercée par le représentant légal de l’enfant mineur sur le fondement de l’article 328 du code civil.
« 6. Après avoir énoncé à bon droit que l’article 20, IV, de l’ordonnance susvisée est applicable à toutes les actions en recherche de paternité intentées postérieurement au 1er juillet 2006, qu’elles soient exercées par la mère pendant la minorité de l’enfant ou par l’enfant lui-même devenu majeur et relevé que l’action en recherche de paternité a été engagée par la mère de l’enfant, en qualité de représentante légale de ce dernier, postérieurement à l’entrée en vigueur de ces dispositions et dans le délai de 10 ans requis par l’article 321 du code civil, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci était recevable.
…
« 9. Selon l’article 310-3 du code civil, l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder.
« 10. L’absence de décision irrévocable sur la recevabilité d’une action en recherche de paternité ne peut constituer un motif légitime, même au regard du droit au procès équitable, pour refuser de se soumettre à une expertise biologique ordonnée à l’occasion de cette action par le tribunal, s’agissant d’une mesure qui, destinée à lever les incertitudes d’un enfant sur ses origines, doit être exécutée avec célérité.
« 11. Après avoir, par motifs propres et adoptés, retenu que l’action était recevable et relevé que [le père présumé] avait volontairement mis en échec l’expertise génétique ordonnée par le tribunal en faisant le choix de ne pas déférer aux convocations qui lui avaient été adressées, en vertu de la décision ordonnant l’expertise, laquelle était exécutoire, la cour d’appel a décidé, à bon droit, que ce dernier ne disposait d’aucun motif légitime pour s’opposer à la réalisation de l’expertise génétique et qu’il se déduisait de son refus de s’y soumettre un indice supplémentaire de sa paternité. »
La Cour de cassation apporte ici une précision intéressante. La jurisprudence a établi que « l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder [1] », notamment l’irrecevabilité de l’action engagée (article 310-3 du code civil). Il est désormais établi que l’irrecevabilité potentielle de l’action n’est pas un motif légitime pour se soustraire à une expertise biologique.
Note
- Arrêt du 28 mars 2000, pourvoi nº 98-12806. Voir également : Pascal (Anne), Trapero (Martine), « Vérité biologique et filiation dans la jurisprudence de la Cour de cassation », in Collectif, La vérité. Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation, Paris, La Documentation française, 1er avril 2005, pp. 89-95.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 8 juillet 2020
Nº de pourvoi : 18-20961
Arrêt archivé au format PDF (119 Ko, 6 p.).
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