Question sur l’élargissement du droit de visite et d’hébergement pendant la période de confinement liée à l’épidémie de Covid-19

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 22 S (Q), 28 mai 2020

Conway-Mouret (Hélène), question écrite nº 14917 au ministre des Solidarités et de la Santé sur l’élargissement du droit de visite et d’hébergement pendant la période de confinement liée à l’épidémie de Covid-19 [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 14 S (Q), 2 avril 2020, pp. 1530-1531].

Hélène Conway-Mouret (© D.R.)

Hélène Conway-Mouret (© D.R.)

Mme Hélène Conway-Mouret appelle l’attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le mode de garde des enfants de parents divorcés pendant la période de confinement exceptionnel que vit notre pays depuis le 17 mars 2020.

En application de l’article premier du décret nº 2020-260 du 16 mars 2020, les déplacements pour la garde d’enfants sont, à titre dérogatoire, autorisés. Le parent qui n’a pas la garde principale de ses enfants peut donc exercer son droit de visite et d’hébergement dans cette période, à condition d’habiter à une distance raisonnable de l’autre parent.

Si la situation inédite actuelle semble donner lieu à des dialogues constructifs entre les parents, elle conduit aussi parfois malheureusement à des situations conflictuelles dans la mesure où les conventions de divorce n’ont évidemment pas prévu le cas d’un confinement et que les parents n’ont pas la possibilité de saisir en urgence la justice aux affaires familiales actuellement.

En premier lieu, elle demande au Gouvernement d’apporter une précision juridique importante pour l’organisation de la garde des enfants. En effet, le décret susmentionné ne donne pas de qualification juridique de la période de confinement au regard de l’application des conventions de divorce. Il est ainsi demandé si le confinement doit être assimilé à une période de « vacances scolaires », étant précisé que la majorité des conventions de divorce prévoient alors un partage égalitaire du temps de garde des enfants. Cette assimilation juridique ouvrirait au parent qui n’a pas la garde habituelle des enfants un droit exceptionnel à demander la résidence alternée tant que dure la période de confinement.

En second lieu, au-delà de cet aspect juridique stricto sensu, elle demande au Gouvernement de bien vouloir rappeler aux parents que le droit de visite et d’hébergement peut toujours être élargi, avec l’accord des deux parents, dans l’intérêt des enfants. Il s’agirait, dans cette période exceptionnelle sans précédent, d’encourager le parent qui a la garde principale des enfants à proposer à l’autre parent un élargissement ponctuel et exceptionnel de son droit de visite et d’hébergement. Il conviendrait toutefois d’encadrer cette possibilité, en établissant quelques critères de bon sens : disponibilité du parent qui n’a pas la garde, absence de symptômes du Covid-19, domiciliation à proximité de l’autre parent, présence d’équipements informatiques permettant aux enfants de travailler dans des conditions satisfaisantes… À titre d’exemple, plutôt que d’appliquer, pour l’exercice du droit de visite, les horaires de « droit commun » prévus dans la convention de divorce, à savoir généralement à compter de la fin de l’école (16 h 30 – 17 h 00), il serait bon que ce droit puisse s’exercer, à la demande du parent concerné, dès le matin même, à l’heure du début de « l’école à la maison », souhaitée par le ministère de l’éducation nationale (8 h 00 – 8 h 30). Enfin, il paraîtrait également judicieux d’encourager encore plus cet élargissement du droit de visite lorsque le parent qui n’a pas la garde dispose d’une terrasse ou d’un jardin, cette caractéristique pouvant s’avérer bénéfique pour les enfants. Il est en effet rappelé que l’organisation mondiale de la santé recommande aux enfants une heure d’exercice par jour afin d’assurer leur bien-être physique et mental. Or, il convient d’éviter au maximum que cette activité physique se fasse dans l’espace public afin de limiter les interactions sociales.

Ainsi, elle lui demande de bien vouloir prendre position, aussi rapidement que possible, sur toutes ces questions qui touchent à la vie concrète de millions d’enfants et de parents.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 22 S (Q), 28 mai 2020, pp. 2447-2448.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Durant l’état d’urgence sanitaire, les décisions de justice continuent à s’appliquer. Cela concerne notamment les jugements qui fixent les modalités de l’exercice de l’autorité parentale (résidence habituelle de l’enfant, droit de visite et d’hébergement, résidence en alternance) et la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Les enfants doivent donc en principe se rendre chez l’autre parent selon les modalités prévues par la décision de justice, sans que le confinement ne puisse être assimilé à une période de vacances scolaires puisque l’obligation de scolarité perdure. S’ils se mettent d’accord, les parents peuvent néanmoins déroger à la décision de justice qui organise les droits de visite et d’hébergement en fixant à l’amiable de nouvelles modalités d’exercice de l’autorité parentale, dans l’intérêt des enfants et de leurs proches. En tout état de cause, ils doivent respecter les recommandations fixées dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 et notamment : limiter les déplacements de l’enfant, en particulier sur de grandes distances ; éviter que l’enfant ne prenne les transports en commun pour aller du domicile d’un parent à l’autre ; éviter que l’enfant ne vienne au contact des personnes vulnérables ; suspendre tous les droits de visite à la journée et les droits de visite au domicile de tiers ou avec l’assistance de tiers. En outre, lors de l’exercice des droits de visite et d’hébergement, les « mesures barrières » et les autres consignes sanitaires doivent être impérativement respectées. Au regard de la diversité des situations familiales, il n’appartient pas au Gouvernement d’encourager, de manière générale, les parents à déroger à l’amiable aux décisions de justice ; chacun d’entre eux saura tenir compte de ses contraintes professionnelles et de celles de l’autre parent, des conditions de vie offertes aux enfants et des éventuels problèmes de santé rencontrés, pour fixer le cadre de vie le plus adapté à ceux-ci. Il a été rappelé dans les différentes communications gouvernementales, à destination du grand public, que de nombreuses associations de médiation familiale et certains cabinets d’avocats spécialisés continuent d’offrir leur service, pendant la période de confinement, en visio-conférence, afin de faciliter la recherche par les parents de nouveaux accords rendus nécessaires, le cas échéant, par la crise sanitaire, en matière d’exercice de l’autorité parentale.


Annexe : courrier d’Hélène Conway-Mouret à Olivier Véran

Paris, le 25 mars 2020

Monsieur le Ministre,

Je m’adresse à vous en votre qualité de ministre en charge de la famille, de l’enfance et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je voudrais vous [sic] tout d’abord saluer l’action courageuse que vous menez, vous et votre ministère, dans la lutte contre l’épidémie.

Si l’urgence est évidemment à la gestion sanitaire de cette situation sans précédent, les courriers que je reçois de nos concitoyens soulignent à quel point la dimension sociale de cette crise est majeure. En effet, la période de confinement bouleverse des millions de familles dans leur organisation quotidienne. Ces difficultés sont encore plus fortes pour les parents séparés et leurs enfants.

C’est pourquoi je viens d’appeler publiquement à un élargissement bienveillant du droit de visite. Dans cette période anxiogène sans précédent, qu’aucune convention de divorce n’a évidemment prévu [sic], les enfants ont encore plus besoin qu’en temps normal de maintenir des relations équilibrées avec chacun des deux parents.

Lorsque les conditions sont réunies, il est à mes yeux du devoir du parent gardien d’élargir le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent. À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Il est également rappelé que l’autorité parentale doit être exercée en commun et impose à chacun des deux parents séparés d’assurer « l’école à la maison » de manière aussi égalitaire que possible.

Lorsque le droit de visite doit être suspendu (dans le cas, par exemple, où les parents sont géographiquement éloignés), j’appelle le parent gardien à maintenir un lien permanent avec l’autre parent et à lui proposer des mesures de compensation post-confinement, par exemple pendant les vacances d’été à venir.

Toutes ces mesures de bon sens s’imposent d’autant plus que le parent non gardien est dépourvu de tout recours dans la période actuelle : les associations de médiation familiale ne reçoivent plus les parents et la justice aux affaires familiales est réservée aux cas les plus urgents.

Il est donc du devoir de chacun d’agir dans l’intérêt des enfants et de favoriser ainsi, par tous les moyens, un contact régulier et aussi équitable que possible avec chacun des deux parents.

Je souhaiterais, Monsieur le Ministre, que vous preniez position publiquement sur ces questions essentielles qui touchent à la vie concrète de millions de parents et enfants.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de ma considération distinguée.

Hélène Conway-Mouret


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