Lors de son audience publique de ce 18 décembre 2019, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui marque un pas de plus dans l’éradication officielle de la paternité.
En l’espèce, deux femmes avaient eu recours à une assistance médicale à la procréation au Royaume-Uni aux fins d’avoir chacune un enfant. Aux termes des actes de naissance dressés par le bureau de l’état civil du district de Lambeth, au sud de Londres, chacun des deux enfants ainsi conçus avait, en sus de sa mère biologique, la compagne d’icelle pour parent. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’était opposé à une demande de transcription des actes de naissance des enfants sur les registres de l’état civil consulaire, au motif qu’ils n’étaient pas conformes à l’article 47 du code civil. Les deux femmes l’avaient alors assigné à cette fin. La cour d’appel de Rennes les ayant déboutées en décembre 2017, elles avaient formé un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 20 mars 2019, la Cour de cassation avait sursis à statuer dans l’attente d’un avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme (rendu le 10 avril 2019) et de l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation sur le pourvoi des époux Mennesson (rendu le 4 octobre 2019).
Comme on pouvait s’y attendre, l’arrêt de la cour d’appel de Rennes a été cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation :
« 5. Aux termes de l’article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
« 6. Aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
« 7. Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
« 8. Il se déduit de ces textes qu’en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger d’un enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né d’une assistance médicale à la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres français de l’état civil, lorsque l’acte est probant au sens de l’article 47 du code civil.
« 9. Pour rejeter la demande de transcription de l’acte de naissance [des enfants] s’agissant de la désignation de [leurs parents], l’arrêt retient que les actes de naissance, bien que réguliers et non falsifiés, désignent respectivement [les demanderesses] comme parent sans qu’une adoption n’ait consacré le lien de filiation à l’égard de la conjointe de la mère et alors qu’un enfant ne peut avoir qu’une seule mère biologique.
« 10. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que les actes de l’état civil étrangers étaient réguliers, exempts de fraude et avaient été établis conformément au droit en vigueur en Angleterre, la cour d’appel a violé les textes susvisés. ».
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 18 décembre 2019
Nº de pourvoi : 18-14751/18-50007
Arrêt archivé au format PDF (88 Ko, 5 p.).
Communiqué archivé au format PDF (60 Ko, 1 p.).
Pro memoria :
Arrêt du 20 mars 2019 archivé au format PDF (63 Ko, 2 p.).
Avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme (10 avril 2019) archivé au format PDF (222 Ko, 15 p.).
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