Le tribunal administratif de Rennes a décidé aujourd’hui de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité sur les conditions de déductibilité de la contribution aux charges du mariage, un sujet qui pourrait intéresser certains de nos lecteurs.
En l’espèce, deux époux séparés de corps puis de biens avaient déclaré leurs revenus et payé leurs impôts séparément à compter de 2011, l’époux déduisant la contribution aux charges du mariage versée à son épouse de ses revenus en application de l’article 156, II-2º, du code général des impôts. Rappelons ici que l’article 214 du code civil dispose que les époux sont chacun tenus de contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, cette obligation durant aussi longtemps que le mariage et s’imposant donc même si les époux vivent séparés de fait. Cependant, aux termes de l’article 156, II-2º, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige (version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017), la contribution aux charges du mariage n’est déductible du revenu imposable de l’époux qui la verse que « lorsque son versement résulte d’une décision de justice et à condition que les époux fassent l’objet d’une imposition séparée ». L’époux séparé de fait exécutant spontanément son obligation envers son conjoint, comme en l’espèce, ne peut donc pas déduire les sommes versées. Un litige s’ensuivit évidemment avec l’administration fiscale, icelle estimant que, faute de décision de justice, les montants versés devaient être regardés comme une pension alimentaire et non une contribution aux charges du mariage. La procédure fiscale aboutit pour l’époux à des rehaussements de son impôt sur le revenu des années 2015 et 2016.
L’époux saisit le tribunal administratif de Rennes en septembre dernier pour demander la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu qui lui avaient été assignées, puis demanda le mois suivant au tribunal de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des dispositions du 2º du II de l’article 156 du code général des impôts, relatives à la déductibilité de la contribution des charges du mariage du revenu imposable, aux principes constitutionnels d’égalité des citoyens devant la loi et d’égalité des citoyens devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’époux soutenait que les deux conditions cumulatives – décision de justice et imposition séparée – prévues par ces dispositions instituaient une différence de traitement injustifiée à l’égard des époux ne souhaitant pas engager une procédure judiciaire à la suite de leur séparation et déterminant la contribution des charges du mariage par accord amiable, comme en l’espèce.
Reconnaissant que « la question posée par le moyen invoqué n’est pas dépourvue de caractère sérieux », le tribunal administratif de Rennes a décidé de la renvoyer au Conseil d’État. Nous ne manquerons pas d’informer nos lecteurs de la suite donnée.
- Références
- Tribunal administratif de Rennes
2e chambre
Ordonnance nº 1904640 du 3 décembre 2019
Décision archivée au format PDF (280 Ko, 4 p.).
Mise à jour du 28 février 2020
Le Conseil d’État a décidé aujourd’hui de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Voir notre article du jour.
Décision du 28 février 2020 archivée au format PDF (56 Ko, 2 p.).
Mise à jour du 28 mai 2020
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision aujourd’hui, donnant raison au requérant. Voir notre chronique du jour pour en savoir plus.
Décision du 28 mai 2020 (Conseil constitutionnel) archivée au format PDF (214 Ko, 5 p.).
Commentaire officiel archivé au format PDF (503 Ko, 14 p.).
Dossier documentaire archivé au format PDF (708 Ko, 27 p.).
Mise à jour du 29 mai 2020
Décision du 28 mai 2020 publiée au Journal officiel de la République française (nº 130, 29 mai 2020, texte, nº 57) archivée au format PDF (143 Ko, 2 p.).
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