Question sur les conséquences délétères de la loi sur le divorce de 1975

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 15 A.N. (Q), 9 avril 2019

Latombe (Philippe), Question écrite nº 16799 à la ministre de la Justice sur les conséquences délétères de la loi sur le divorce de 1975 [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 7 A.N. (Q), 12 février 2019, pp. 1285-1286].

Philippe Latombe (© D.R.)

Philippe Latombe (© D.R.)

M. Philippe Latombe attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences délétères engendrées par la prestation compensatoire telle que mise en œuvre dans la loi de 1975. Cette loi était censée protéger celui des conjoints dont la situation matérielle et professionnelle était la plus fragile. Il a d’ailleurs été assisté à une forte augmentation des procédures dans les années qui ont suivi. Cependant, malgré le souci du législateur de trouver un équilibre entre les intérêts des parties, c’est une nouvelle injustice qui s’est installée. En effet, la fixation d’un capital n’étant pas obligatoire, ce sont des rentes viagères qui ont souvent été mises en place, condamnant les débiteurs (le plus souvent des personnes à revenus modestes puisque n’étant pas en situation de payer un capital) à payer à vie les conséquences d’un mariage raté. Ainsi, M. X condamné à une prestation compensatoire de 686,02 euros en 1997, ramenée à 577,70 euros au moment de sa retraite a versé, au 31 décembre 2017, une somme de 169 442,40 euros à son ex-épouse soit un montant disproportionné au regard de celui fixé aujourd’hui sous la forme désormais privilégiée d’une prestation compensatoire, et qui s’élève en moyenne à 25 000 euros. Une nouvelle loi a été votée en 2000, puis en 2004, pour éviter de nouvelles injustices, mais elle n’a pas eu de caractère rétroactif, créant ainsi une discrimination entre les divorcés de la loi de 1975 et ceux de celles de 2000 ou 2004. Certains des débiteurs concernés, souvent âgés et ayant vu leurs revenus diminuer à la retraite, se retrouvent dans une situation matérielle difficile et demandent une révision de leur rente mensuelle au motif de la durée du versement et du montant déjà versé. Certains sont déboutés et doivent continuer de payer. M. X, par exemple, est dans ce cas et continue ainsi à verser 577,70 euros (sur 1 899 euros de pension de retraite) à une ex-épouse dont il est séparé depuis plus de 20 ans. Souvent sollicité en circonscription sur des cas similaires, il lui demande s’il est envisagé de remédier aux conséquences discriminatoires de cette loi de 1975.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 15 A.N. (Q), 9 avril 2019, p. 3297.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Le ministère de la justice est conscient des difficultés engendrées, dans certaines situations, par la transmissibilité passive de la prestation compensatoire, notamment dans les situations où elle a été fixée sous forme de rente viagère avant la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce. Plusieurs évolutions législatives ont effectivement déjà eu lieu. Si la loi du 30 juin 2000 a conservé le principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers, conformément au droit commun des successions, cette transmissibilité a été considérablement aménagée avec la déduction automatique, sur le montant de la rente, des pensions de réversion versées au conjoint divorcé au décès de son ex-époux. Ensuite, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce est venue préciser que le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession dans la limite de l’actif successoral. Ce texte a aussi consacré l’automaticité de la substitution d’un capital à une rente, sauf accord unanime des héritiers et la possibilité, pour les héritiers qui ont décidé de maintenir la rente, de demander la révision, la suspension ou la suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’un ou l’autre des parties. Enfin, plus spécifiquement pour les rentes viagères fixées antérieurement au 1er juillet 2000, il a été prévu une faculté supplémentaire de révision, de suspension ou de suppression lorsque leur maintien en l’état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard de l’âge et l’état de santé du créancier. La loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a précisé qu’il était également tenu compte de la durée du versement de la rente et du montant des sommes déjà versées. Le dispositif issu de ces lois successives est ainsi équilibré et permet que le juge traite au cas par cas une très grande variété de situations répondant ainsi tant aux besoins des créanciers qui auront parfois sacrifié toute vie professionnelle dans l’intérêt de leur famille qu’aux besoins des débirentiers.


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