Lors de la séance des questions d’actualité au gouvernement qui s’est déroulée cet après-midi au Sénat, Bernard Buis a cru bon d’interpeller Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, sur la menace de « grève de l’avortement » lancée il y a une dizaine de jours par un responsable du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France. On lira ci-dessous le compte-rendu de l’échange.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Bernard Buis. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Il y a quelques jours à peine, le 8 mars, dans une communion quasiment unanime, nous célébrions la Journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, nombre d’entre nous ont rendu hommage à ces femmes qui ont mené des combats pour que leurs droits avancent au fil des années. Je pense plus particulièrement à celle qui était à votre place, madame la ministre, Simone Veil. Je pense à elle et au combat courageux qu’elle a mené en 1976 [sic], à contre-courant de sa famille politique à l’époque…
Mme Sophie Primas. Pas toute !
M. Bernard Buis. … pour que les femmes puissent disposer de leur corps et choisir de donner la vie, ou pas, lorsqu’enfanter n’était pas leur choix.
Mme Sophie Primas. Et la question ?
M. Bernard Buis. Grâce à Simone Veil, le droit à l’avortement est enfin devenu légal en France. Mais ce droit fondamental des femmes de disposer de leur corps est en danger, et pas uniquement aux États-Unis, où des intégristes anti-avortement s’enchaînent aux grilles des cliniques pratiquant cet acte médical. Ce danger est aussi présent ici, en France, et il est de surcroît agité par des médecins.
Comment est-il possible que le syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, par la voix de son président, puisse menacer le droit à l’interruption volontaire de grossesse ? Pour faire pression sur vous et sur votre gouvernement, ce syndicat a menacé d’ouvrir une grève des IVG s’il n’obtenait pas satisfaction quant aux dédommagements demandés dans des affaires d’erreurs médicales manifestes. Quelle idée se font-ils donc de la déontologie médicale pour oser brandir une telle menace ?
Le président du syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France n’en est malheureusement pas à son premier acte anti-IVG. Il y a quelques mois, en septembre dernier, il déclarait publiquement qu’il considérait l’avortement comme un crime, se défendant peu après d’afficher là une conviction personnelle.
Aujourd’hui je suis et nous sommes tous partagés entre la colère et la honte face à de tels comportements de la part de représentants d’une corporation médicale. Aussi, je vous remercie de nous expliquer quelle est votre position face à de tels agissements, comment vous pouvez nous assurer que vous serez la garante d’un droit fondamental des femmes : le droit à l’IVG, leur permettant de choisir d’avoir ou non un enfant ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, au préalable, je vous prie d’excuser Mme Buzyn, qui est retenue à l’Assemblée nationale par l’examen du projet de loi Santé.
Comme vous, nous jugeons ce communiqué [1] du syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France totalement scandaleux. Il agite comme menace le refus spécifique d’un acte, et pas n’importe lequel. Le refus de l’interruption volontaire de grossesse est un acte militant, un acte signifiant. Ce n’est pas digne d’un syndicat.
Dès que la ministre des solidarités et de la santé a eu connaissance du communiqué dont il s’agit [1], elle a dénoncé le caractère inadmissible de ces menaces destinées à se faire entendre. Vous l’avez dit, elles vont à l’encontre du respect inconditionnel du droit à l’IVG, garanti dans notre pays.
Ces nouvelles déclarations sont inacceptables de la part d’un syndicat qui entend représenter les gynécologues-obstétriciens. Cette profession doit être au plus près des souffrances des femmes et accompagner ces dernières, notamment dans ce moment très difficile et très douloureux qu’est l’interruption volontaire de grossesse.
Sachez qu’en aucun cas une telle prise en otage des femmes ne servira de levier de négociation au sein de notre ministère ; en aucun cas une telle prise en otage des femmes ne peut non plus servir à la médiation d’un dossier. Et, si médiation il y a eu, elle ne met à l’honneur ni ce syndicat ni les professionnels qu’il représente. Je le regrette et nous le regrettons vivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Note de P@ternet
- Il ne s’agit pas d’un communiqué mais d’un article de Jean Marty (ancien président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France) publié dans une newsletter adressée aux 1 600 adhérents du syndicat le mardi 12 mars dernier, dont on trouvera un extrait ci-dessous. On peut lire les explications de l’auteur dans l’entretien qu’il a accordé le lendemain au magazine Causette : Cuxac (Anna), « Le Syngof prend en otage les femmes qui ont besoin d’une IVG », Causette, 13 mars 2019.
Article de Jean Marty archivé au format PDF (277 Ko, 1 p.).
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 27 S (Q), 22 mars 2019, pp. 3390-3391] au format PDF (388 Ko, 3 p.).