Mission parlementaire sur la bioéthique : le rapport de la honte

Communiqué de presse des Juristes pour l’enfance

Juristes pour l’enfance

Le droit à l’enfant ? Si certains en ont rêvé, Jean-Louis Touraine tente de l’imposer.

Tout en se défendant de consacrer quelque droit à l’enfant que ce soit, le rapport de la mission parlementaire sur la bioéthique préconise en effet une série de mesures visant à réaliser les désirs d’enfant, avec père, sans père, avec deuxième mère, avec les gamètes d’un couple, les gamètes de donneurs, dans une branche, dans les deux branches, ou celles d’un mort… même s’il faut pour cela sacrifier les droits des enfants en question, enfants sommés de correspondre aux projets qu’il sont censés réaliser.

Le rapport relève pourtant la privation délibérée, ab initio, de filiation paternelle, pour réaliser le désir d’autrui, mais passe outre les mises en garde des pédopsychiatres auditionnés pour miser sur la capacité de résilience et d’adaptation des enfants, cette privation de père étant le moyen pour des femmes de guérir leur souffrance. Une nouvelle forme de bébés médicaments en somme.

Le rapport ignore superbement la première étude de grande ampleur, pourtant citée par le comité d’éthique, menée par le professeur Regnerus en 2012 au Texas sur plus de 3 000 jeunes issus de différentes configurations familiales, qui révèle au contraire des difficultés accrues sur de nombreux points pour les jeunes n’ayant pas grandi avec leur père et leur mère.

En tout état de cause, l’association Juristes pour l’enfance interroge : si les enfants peuvent surmonter l’absence de père (si c’est le cas, tant mieux !), en quoi cela justifie-t-il que la loi institutionnalise cette privation ? S’il était prouvé que les bébés nés sans bras parviennent à surmonter cette difficulté, en quoi cela justifierait-il de priver certains enfants de bras pour réaliser le désir d’autrui ?

Le comble du cynisme est atteint lorsque le rapport feint d’habiller les violations des droits de l’enfant et la marchandisation du corps qu’il propose par des considérations pseudo-juridiques : alors que le Conseil d’État a clairement expliqué que le principe d’égalité n’était pas en cause, le rapport persiste néanmoins à vouloir mettre fin à une prétendue discrimination sur l’orientation sexuelle pour justifier la violation des droits de l’enfant, bien réelle celle-là, qu’il préconise.

L’association Juristes pour l’enfance dénonce :

  • L’irresponsabilité d’un rapport qui invite à priver les enfants de leur père pour satisfaire le désir d’autrui : réduire la filiation au projet parental fait des enfants les otages des désirs des adultes et les prive de leur droit à leur filiation propre, comme ce fut le cas au XIXe siècle pour les enfants naturels.
  • Le caractère très partisan du rapport qui caricature les défenseurs des droits de l’enfant accusés de « rechercher le confort de l’immobilisme et de la frilosité́ à tout crin », le statu quo législatif en la matière étant présenté comme une position « extrême » (p. 24).
  • L’affirmation péremptoire et mensongère selon laquelle le projet parental « semble avoir pris définitivement le pas sur le critère d’infertilité pathologique qui, actuellement, verrouille le champ d’intervention de l’AMP » (p. 40), alors que les citoyens se sont au contraire exprimés massivement en sens contraire dans le cadre de la consultation citoyenne des états généraux de la bioéthique (89,7 % de contributions opposées à toute extension de la PMA).
  • L’inconséquence d’un rapport qui, tout en affirmant que les différentes configurations préconisées ne portent pas préjudice à l’enfant, ajoute que, « dans l’intérêt même de l’enfant, une consultation médicale préalable spécialisée est nécessaire, suivie d’un accompagnement », et propose « d’intégrer un pédopsychiatre au suivi post-AMP » (p. 45). Pourquoi est-il donc nécessaire de prévoir l’accompagnement d’un pédopsychiatre, si la situation imposée à l’enfant est sans risque pour lui ?

Le rapport fait finalement fi des droits de l’enfant, considérant que « si le droit à l’enfant n’existe pas, la notion d’intérêt de l’enfant ne saurait être suffisamment déterminante pour faire obstacle à une extension de l’AMP » (p. 74).

Juristes pour l’enfance rappelle que, contrairement à ce qui est ainsi prétendu, l’intérêt de l’enfant n’a rien d’une notion vague et vide de contenu : la Convention internationale des droits de l’enfant fait de l’intérêt de l’enfant une considération primordiale et développe cet objectif en définissant une série de droits pour les enfants, l’intérêt de l’enfant se définissant, au minimum, dans le respect de ses droits.

Or, institutionnaliser la privation du père ne peut pas respecter le droit de chaque enfant, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux, proclamé par l’article 7 de ce texte. Le respect de ce droit a conduit le législateur français à supprimer la fin de non recevoir qui fermait à l’enfant l’action en recherche de maternité envers une femme ayant accouché sous X. Comment le législateur peut-il sérieusement envisager d’instaurer une fin de non recevoir, à l’action en recherche de paternité cette fois, sous prétexte qu’une femme ne souhaite pas de père pour son enfant ?

On s’étonne dans ces conditions que le rapport ne soit pas logique avec lui-même et ne conseille pas aussi l’abrogation des actions en recherche de paternité et de maternité : comment persister à imposer une paternité à un homme sous prétexte qu’il a engendré l’enfant, alors que le projet parental est ainsi privilégié sur la réalité de l’engendrement et qu’un autre homme peut se désengager de toute paternité en se déclarant donneur ?

Et comment ne pas voir que cette filiation fondée sur la volonté individuelle des adultes et imposée à l’enfant au mépris de la réalité fera de nombreux laissés pour compte, ceux qui ne feront pas, ou plus, l’objet d’un projet parental, comme c’est d’ailleurs déjà le cas de nombreux embryons ?

Dans un État de droit digne de ce nom, la réalisation des désirs des uns trouve sa limite dans le respect des droits d’autrui, y compris les enfants.

Juristes pour l’enfance rappelle que les droits de l’enfant ne sont pas seulement bons à proclamer mais aussi à respecter, et attend du législateur, qui n’est en rien tenu de suivre quelque rapport que ce soit, qu’il se montre à la hauteur de sa tâche pour faire respecter les droits de tous.

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