Question sur la rente viagère de prestation compensatoire

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 31 S (Q), 2 août 2018

Dumas (Catherine), Question écrite nº 6274 à la ministre de la justice sur la rente viagère de prestation compensatoire (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 29 S (Q), 19 juillet 2018, p. 3563).

Catherine Dumas (© D.R.)

Catherine Dumas (© D.R.)

Mme Catherine Dumas attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des personnes ayant divorcé avant la loi nº 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce et tout particulièrement sur la question de la rente viagère de prestation compensatoire. En cas de divorce, le code civil prévoit une prestation compensatoire afin qu’elle soit versée à l’époux le moins aisé. Cette indemnité vise à corriger des disparités financières entre les conjoints et donc à compenser la potentielle perte en qualité de vie lors d’une séparation. Or, sous certaines conditions prenant en compte l’âge et l’état de santé du créancier, cette prestation compensatoire peut être versée sous la forme d’une rente viagère. Certes, depuis l’entrée en vigueur de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, les personnes ayant divorcé avant l’année 2000 ont la possibilité de demander une révision voire une suppression de la rente viagère de prestation compensatoire. Néanmoins, le faible nombre de demandes formulées devant les juges semble dénoncer le manque de lisibilité des réformes opérées en 2000 et en 2004. Aussi, il conviendrait de prendre en compte l’âge avancé des personnes concernées, qui est en moyenne de 80 ans. De plus, en cas de décès du débiteur, ses héritiers sont tenus de payer la prestation à l’ex-conjoint sur le patrimoine du défunt. Si cette obligation ne se fait plus sur le patrimoine personnel des héritiers depuis 2004, elle reste toutefois une charge financière importante pour la famille du défunt. Elle lui demande donc si des précisions peuvent être apportées à l’article 280 du code civil afin de supprimer la dette au décès du débiteur pour les divorcés d’avant 2000.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 31 S (Q), 2 août 2018, p. 4028.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

La question porte sur la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatrice en matière de divorce. La transmissibilité passive de la prestation compensatoire, qui implique qu’au décès du débiteur ses héritiers continuent de verser la prestation compensatoire avait pu avoir des conséquences difficilement tolérables lorsque le créancier remarié disposait de revenus supérieurs à ceux du débiteur soumis à de nouvelles charges de famille. Néanmoins, des situations tout aussi difficiles devaient être prises en considération, à savoir celles des premières épouses ne tenant leur survie que de leur ex-conjoint, pour avoir fait le choix d’une famille plutôt que d’une carrière. C’est la raison pour laquelle la loi du 30 juin 2000 a conservé le principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers, conformément au droit commun des successions. Néanmoins cette transmissibilité a été considérablement aménagée afin d’alléger la charge pesant sur les héritiers du débiteur. C’est ainsi que tout d’abord la même loi du 30 juin 2000 a instauré une déduction automatique du montant de la prestation compensatoire des pensions de réversion versées au conjoint divorcé au décès de son ex-époux. Ensuite, la loi du 26 mai 2004 est venue préciser que le paiement de la prestation compensatoire est prélevé sur la succession et dans la limite de l’actif successoral. Ainsi en cas d’insuffisance d’actif, les héritiers ne seront pas tenus sur leurs biens propres. Par ailleurs, cette même loi a consacré l’automaticité de la substitution d’un capital à une rente, sauf accord unanime des héritiers. Le barème de capitalisation prend en compte les tables de mortalité de l’INSEE ainsi que d’un taux de capitalisation de 4 %. Lorsque les héritiers ont décidé de maintenir la rente en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation, la loi leur a ouvert une action en révision, en suspension ou en suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’un [sic] ou l’autre des parties, y compris pour les rentes allouées avant l’entrée en vigueur de la loi. Enfin, pour les rentes viagères fixées antérieurement au 1er juillet 2000, il a été prévu une faculté supplémentaire de révision, de suspension ou de suppression lorsque leur maintien en l’état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard de l’âge et l’état de santé du créancier. La loi nº 2015-177 du 16 février 2015 a précisé qu’il était également tenu compte de la durée du versement de la rente et du montant déjà versé. Le dispositif issu de ces lois successives est ainsi équilibré, et leur révision ne fait pas partie des projets actuels du gouvernement.


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