Lors de son audience publique de ce 14 mars 2018, la Cour de cassation a rappelé que le logement familial détenu par une société civile immobilière n’est pas toujours protégé des actes de disposition.
En l’espèce, des époux avaient constitué le 13 juin 2002 une société civile immobilière au capital social de cent parts, dont ils étaient les seuls associés – le mari et gérant détenait 99 parts, son épouse une seule. Le 28 octobre 2002, la société avait acquis un appartement à Paris, occupé par le couple et leurs enfants. Autorisé par l’assemblée générale des associés, le mari avait procédé le 19 décembre 2008 à la vente de l’appartement sans avoir recueilli le consentement de son épouse. Icelle avait de son côté cédé sa part à un tiers le 14 mars 2009. Après avoir engagé une procédure de divorce, l’épouse avait assigné l’acquéreur, la banque auprès de laquelle l’acquéreur avait obtenu un prêt, le notaire, la société civile immobilière, ainsi que la personne à qui elle avait cédé sa part dans la société civile immobilière, en annulation de la vente et du bail d’habitation meublé concomitant consenti par l’acquéreur aux occupants de l’appartement, sur le fondement de l’article 215, alinéa 3, du Code civil. Le tribunal de grande instance de Paris l’avait déboutée de ses demandes par jugement du 31 décembre 2013.
Dans un arrêt du 6 janvier 2017, la cour d’appel de Paris avait confirmé la décision de première instance, jugeant que la vente du bien immobilier avait été réalisée conformément aux statuts de la société civile immobilière. En effet, l’article 215, alinéa 3, du Code civil, qui a pour objectif la protection du logement familial, subordonne au consentement des deux époux les actes de disposition portant sur les droits par lesquels ce logement est assuré ; cependant, lorsque ces droits appartiennent à une société civile immobilière dont l’un des époux au moins est associé, ce consentement n’est requis que si l’époux associé est autorisé à occuper le bien en raison d’un droit d’associé ou d’une décision prise à l’unanimité des associés, dans les conditions prévues aux articles 1853 et 1854 du Code civil.
En l’espèce, l’épouse ne justifiait ni d’un bail, ni d’un droit d’habitation ou d’une convention de mise à disposition de l’appartement par la société civile immobilière au profit de son associé ; elle ne pouvait donc revendiquer l’application de la protection du logement familial. Par ailleurs, ni les statuts de la société civile immobilière ni les procès-verbaux d’assemblée générale ne donnaient au mari – associé majoritaire – le droit d’occuper le bien, que la société pouvait dès lors vendre librement. La Cour de cassation a confirmé aujourd’hui ce raisonnement.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 14 mars 2018
Nº de pourvoi : 17-16482
Arrêt du 6 janvier 2017 (cour d’appel de Paris) archivé au format PDF (61 Ko, 11 p.).
Arrêt du 14 mars 2018 (Cour de cassation) archivé au format PDF (42 Ko, 5 p.).
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