Communiqué du Collectif des femmes en faveur de la résidence alternée sur la proposition de loi relative à la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents
Suite à notre audition à l’Assemblée nationale du 15 novembre dernier et au regard du texte qui tend à être proposé le 30 novembre prochain, nous tenions à vous faire part de notre plus grande inquiétude des conséquences de cette proposition de loi en l’état.
Comme nous l’avons exposé depuis de nombreuses années, nous sommes un collectif exclusivement constitué de femmes en faveur de la résidence alternée et ce dans un réel souci d’égalité des chances entre les femmes et les hommes mais aussi pour le bien-être de nos enfants.
Le gouvernement souhaite mettre l’accent sur un renforcement des mesures en faveur de l’égalité femmes-hommes et ce texte ne traduira cette volonté que s’il encourage réellement cette égalité.
Nous nous interrogeons sur la disparition du terme « résidence alternée » par défaut et notre crainte est que le fameux 26 jours par mois demeure la mesure prononcée par défaut.
Loin d’être évolutive, cette proposition de loi représente pour nous, telle qu’elle est actuellement rédigée, une régression du point de vue de l’incitation des pères à s’impliquer davantage dans l’éducation de leurs enfants.
Aujourd’hui, la charge éducative est assumée très majoritairement par les mères, les contraignant ainsi à une situation de famille monoparentale plus qu’inconfortable sur bien des plans :
- sur le plan professionnel, il est difficile d’accéder à l’emploi lorsque vous assumez seule l’éducation de vos enfants.
Aujourd’hui de nombreuses femmes souhaiteraient s’investir davantage dans leur vie professionnelle pour ne plus être dépendante d’une pension alimentaire (lorsque celle-ci est versée) ou des aides allouées par l’État. Malheureusement le coût des moyens de garde voire leur accessibilité rendent impossible cette émancipation.
Professionnelle de l’insertion professionnelle, je suis confrontée tous les jours à des situations de ce type et nous savons que les familles monoparentales sont des populations à fort risque pour le chômage de longue durée.
Il n’y aura pas d’égalité professionnelle possible sans une réelle égalité parentale. - Sur le plan personnel, le burn out maternel est présent et réel pour bon nombre de femmes en situation de famille monoparentale. Aucun moment de répit pour souffler, se retrouver et ainsi donner le meilleur d’elles-mêmes pour leurs enfants.
- Comme nous l’avons souligné également, il est difficile de refaire sa vie de femme sans avoir un petit peu de temps pour soi (le célibat de ces femmes est nettement plus élevé que celui des hommes suite à une séparation, c’est une situation subie et non un choix)…
Là encore, c’est une double peine pour les femmes… - Le gouvernement souhaite inciter une meilleure répartition des tâches ménagères et éducatives au sein des couples et donc reconnaître les compétences des hommes dans ce domaine. Pourquoi ne pas les inciter à exercer ces compétences suite à une séparation ? N’est-ce pas là contradictoire ?
- Le congé parental pour les pères est aujourd’hui reconnu et c’est là encore leur reconnaître des compétences parentales, compétences qui doivent perdurer suite à une séparation conjugale.
- La volonté de notre société est de donner un exemple d’égalité à nos enfants dès le plus jeune âge. Or, de nombreux enfants n’ont pas cet exemple lorsqu’ils rentrent chez eux.
- Établir la résidence alternée par défaut signifie tout simplement confier ses enfants à leur père (nous sommes bien sûr hors cas de violences physiques avérées ou autres déviances) !
- L’argument du conflit rendant la résidence alternée impossible à mettre en œuvre est lui aussi très discutable car en rééquilibrant l’accès à l’enfant, à son quotidien, cela permettrait une meilleure connaissance et reconnaissance de l’autre en tant que parent et ainsi éteindre toute frustration de part et d’autre.
- Difficile pour le parent non « gardien » d’établir un lien privilégié avec son enfant sur quatre jours par mois ! C’est pourquoi nous voyons aujourd’hui avec le recul que les liens enfant/parent se délitent et finissent par s’éteindre après quelques années. Or, il n’est plus à prouver combien il est primordial pour la construction d’un enfant de conserver l’image prégnante de ses deux parents et ce à tout âge.
- Il est établi par une étude de l’Éducation nationale que les enfants en résidence alternée obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les enfants en situation de famille monoparentale.
Il s’ajoute à ses difficultés scolaires la culpabilité du parent gardien qui manque de disponibilité pour mieux accompagner son enfant dans ses apprentissages.
Nous sommes en 2017 ! Il est temps que les mères puissent enfin bénéficier des mêmes droits que les pères en terme d’insertion et de progression professionnelle. Nous ne pouvons éternellement nous laisser enfermer dans le rôle du parent en charge de la famille au prétexte que nous serions les seules en capacité de nous occuper du foyer et des enfants.
Les clichés ont encore la vie dure mais nous espérons que cette proposition de loi, si elle est plus incitative, permettra, conformément à la volonté du législateur, de bouger les lignes et tendre vers davantage d’égalité effective entre les femmes et les hommes.
Au vu du texte proposé à l’Assemblée, la seule configuration dans laquelle le législateur peut raisonnablement faire figurer sa volonté de favoriser l’égalité parentale correspond aux cas où il n’y a pas d’impossibilité matérielle, ni de carence parentale de la part d’un parent et lorsque les parents ne sont pas parvenus à un accord. Dans ce cas précis, il conviendrait de préciser que le juge se prononce en privilégiant la demande du parent la plus respectueuse de ce principe d’égalité parentale, dans l’intérêt de l’enfant.
Stéphanie Hain
Collectif des femmes en faveur de la résidence alternée
Rennes, le 24 novembre 2017
Communiqué archivé au format PDF (113 Ko, 2 p.).
Pro memoria :