Proposition de loi visant à la protection de l’enfant ?

Proposition de loi nº 326

Daniel Fasquelle (© Éric Walter)

Daniel Fasquelle (© Éric Walter)

Le député Daniel Fasquelle, élu de la quatrième circonscription du Pas-de-Calais et président du club de réflexion La France Juste a déposé aujourd’hui une proposition de loi (nº 326) visant à renforcer la protection de l’enfant dans notre pays. Il s’agit en fait de la nouvelle mouture de sa proposition de loi nº 3955 déposée le 13 juillet 2016, lors de la législature précédente. Nous en avions présenté la version initiale dans un article du 14 juin 2016, puis la version définitive dans un article du 13 juillet suivant. Nous reprenons ici l’essentiel de ces deux articles.

Rédigé avec Clotilde Brunetti-Pons, maître de conférences à l’Université de Reims et l’un des experts de La France Juste, ce texte veut placer l’« intérêt supérieur de l’enfant » au cœur de notre législation, conformément aux textes internationaux, en particulier la Convention internationale des droits de l’enfant. Si l’intention peut paraître louable, il convient de rappeler fortement que, faute de définition, l’« intérêt supérieur de l’enfant » restera soumis à l’appréciation arbitraire de magistrats que rien ne qualifie pour cette tâche. Nonobstant cette réserve, l’exposé des motifs contient un certain nombre de dispositions que nous ne pouvons qu’approuver :

  • « Consécration de modèles clairs, structurants et positifs : bon père et bonne mère de famille ; prise en compte des besoins spécifiques de l’enfant à l’égard de ses père et mère ; prise en compte des besoins de stabilité de l’enfant dans son cadre de vie ; introduction de modèles de respect et de non-violence en droit de la famille.
  • « Clarification de la responsabilité des père et mère : les devoirs et responsabilités des adultes à l’égard de l’enfant sont soulignés et renforcés.
  • « Généralisation de l’engagement parental de respecter les devoirs et responsabilités à l’égard de l’enfant. […]
  • « Inscription dans le Code civil du principe de subsidiarité de l’intervention étatique dans la vie des familles, principe consacré par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant. »

La « mise en avant des principes de fidélité et de respect dans le mariage pour sécuriser l’environnement juridique de l’enfant » de la version initale a disparu de l’exposé des motifs mais est maintenue dans l’article 89 du dispositif, qui contient également des mesures visant à :

  • affirmer le droit de l’enfant à l’établissement de sa double filiation réelle, maternelle et paternelle, comme l’a affirmé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Mandet c. France du 14 janvier 2016 ;
  • consolider l’environnement juridique dans lequel va grandir un enfant qui se trouverait privé par les accidents de la vie de sa mère et/ou de son père, notamment en introduisant un statut du beau-parent ;
  • corriger les incohérences issues de la loi nº 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dite « loi Taubira », notamment en ce qui concerne la place, dans le Code civil, du mariage de personnes de même sexe et ses conséquences en matière de filiation ;
  • protéger les enfants et les femmes victimes de pratiques les exploitant, telle la gestation pour autrui ;
  • renforcer la protection pénale de l’enfant contre toutes les violences, notamment la pédopornographie.

Malheureusement, le texte revient sur les avancées de la loi nº 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale en supprimant la résidence alternée, au mieux la subordonnant à l’âge de sept ans, et en prévoyant, même en ce cas, une « résidence de référence » :

« L’article 373-2 du code civil […] est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« “La résidence de l’enfant est fixée en fonction de l’intérêt supérieur de celui-ci. Il est spécialement tenu compte, à ce titre, non seulement des besoins spécifiques de l’enfant à l’égard de son père et de sa mère, mais aussi de ses besoins de stabilité et de repères dans son cadre de vie.

« “La résidence de référence de l’enfant est le lieu d’habitation que l’enfant indique aux tiers. Elle est fixe.

« “En cas de divorce ou de séparation des père et mère, la fixation de la résidence habituelle de l’enfant chez l’un d’eux se combine, le cas échéant, avec l’accueil de l’enfant chez son autre parent, selon un calendrier établi ou contrôlé par le juge, selon les cas.

« “Le parent chez lequel l’enfant n’a pas sa résidence de référence est néanmoins titulaire du droit et du devoir de garde. À ce titre, il accueille l’enfant selon le calendrier établi conformément aux règles prévues à l’alinéa précédent. » (article 43)

Force est de constater que ces quatre nouveaux alinéas visent purement et simplement à supprimer la possibilité de résidence alternée et à organiser la disqualification d’un parent en ravalant icelui (le père, par hypothèse) au rôle de « gardien ». Il est assez curieux qu’un texte rédigé avec le concours d’une universitaire enseignant le droit privé réintroduise ainsi dans la législation française le concept suranné de « droit de garde », éradiqué par la loi nº 87-570 du 22 juillet 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale, dite « loi Malhuret ». De surcroît, il est tout aussi surprenant de confier à l’enfant la responsabilité d’indiquer aux tiers sa « résidence de référence ».

Ce nonobstant, la résidence alternée réapparaît à l’article 49 dans une nouvelle rédaction de l’article 373-2-9 du code civil, qui restreint sa mise en œuvre de façon considérable :

« Lorsqu’il se prononce sur les modalités de l’autorité parentale conjointe, le juge désigne, à défaut d’accord amiable ou si cet accord lui apparaît contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, celui des père et mère chez lequel l’enfant a sa résidence habituelle.

« La périodicité de l’accueil de l’enfant, chez celui des père et mère qui n’a pas la résidence habituelle de l’enfant, est fixée selon un calendrier établi par le juge ou, a minima, contrôlé par lui.

« À titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, le juge peut ordonner une résidence alternée lorsque l’enfant est âgé de plus de sept ans, si la situation parentale le permet et si l’intérêt supérieur de l’enfant ne l’exclut pas. Il en détermine la durée. La résidence alternée est mise en œuvre à l’essai pendant une durée minimale de six mois, puis le juge se prononce sur la résidence de l’enfant.

« L’article 373-2-1 est applicable à la mise en œuvre de la résidence alternée.

« Même en cas de résidence alternée, l’enfant a le droit de connaître le lieu de sa résidence de référence, qui est fixe. Le juge ou l’accord des parents, en ce dernier cas sous le contrôle du juge, définissent la résidence de référence de l’enfant. »

Cette proposition est évidemment inacceptable en l’état. Nous constatons une fois de plus l’écart entre un exposé des motifs plutôt sympathique et un dispositif en fait contradictoire, en tant qu’il organise sciemment la rupture entre l’enfant et l’un de ses parents (le père, par hypothèse) en cas de séparation parentale, au lieu de chercher à maintenir le lien autant qu’il est possible. Nous ne saurions trop inciter nos lecteurs à manifester leur désapprobation à Daniel Fasquelle.

Enfin, on ne manque pas de relever dans la liste des signataires le nom de Bérengère Poletti, qui avait pourtant manifesté naguère sa bienveillance pour la défense des pères injustement séparés de leurs enfants (voir notre recension de questions parlementaires). Nous saurons nous souvenir de sa trahison…


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