Lors de son audience publique de ce 27 septembre 2017, la Cour de cassation a joliment envoyé paître une procédurière qui contestait devoir payer une prestation compensatoire à son ex-mari, père des enfants du couple.
En l’espèce, la mère, anesthésiste dans un hôpital, avait réclamé en avril 2012 le divorce aux torts exclusifs de son époux, menuisier ébéniste, à qui elle reprochait « une attitude oisive ». Cet ancien responsable du service installation chez Lapeyre avait pris un congé parental de 2007 à 2010 et avait ensuite signé une rupture conventionnelle avec son employeur. Son épouse lui reprochait d’avoir agi ainsi dans le seul but de bénéficier pendant deux ans de l’allocation de retour à l’emploi, de ne pas avoir recherché d’emploi de 2010 à 2012, et par suite de ne pas avoir contribué aux dépenses du foyer.
En première instance, le juge aux affaires familiales avait prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux, estimant qu’icelui « se complaisait dans le domicile conjugal sans bourse déliée » au motif qu’il n’avait « ni développé son activité d’ébénisterie ni engagé de reconversion professionnelle » entre 2010 et 2012, que la rupture conventionnelle n’avait pas été imposée par l’employeur puisque « la même société l’emploie depuis [mars 2013] comme auto-entrepreneur pour effectuer les mêmes tâches », et que ces faits constituaient « une violation des devoirs et obligations du mariage au sens de l’article 242 du code civil, [qui] rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
Le père avait fait appel de cette décision, estimant pour sa part « avoir tenu son rôle d’époux et de père durant les vingt ans de vie commune, avec une implication dans la rénovation du domicile conjugal », affirmant que « la décision d’un congé parental [résultait] d’un choix commun, au regard du coût des frais de garde des enfants » et qu’il avait « peiné à trouver une activité rémunératrice lorsque les enfants [avaient] été en âge scolaire ».
Statuant le 16 juin 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait jugé que « l’inactivité [du père] ne saurait être retenue comme un manquement aux obligations du mariage, d’une part en raison des considérations du marché du travail, qui ne permettent guère de retenir un grief d’oisiveté, d’autre part en raison de la contribution apportée par lui aux charges du mariage à proportion de ses facultés, y compris dans la prise en charge des enfants ». Elle avait rappelé que « l’article 242 [du code civil] impose que le manquement aux obligations du mariage soit grave ou renouvelé pour constituer une faute » et qu’en l’espèce « les éléments […] développés n’établissent en rien que [le père] se soit volontairement abstenu de contribuer aux charges du mariage, sans prise en compte de ses facultés réelles, de manière grave ou renouvelée ». Infirmant le jugement de première instance, elle avait prononcé le divorce « pour altération définitive du lien conjugal », comme l’avait demandé reconventionnellement le père, et condamné la mère à verser à ce dernier une prestation compensatoire de 80 000 euros.
La mère avait alors formé un pourvoi en cassation, contestant devoir payer cette prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Elle soutenait que cette disparité (72 500 euros annuels pour elle, 16 500 pour lui en 2014) n’était pas liée à la rupture du mariage, mais qu’elle était bien antérieure à celui-ci, son époux ayant fait des études de menuiserie et elle de médecine. Elle reprochait aussi à la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’avoir écarté « le grief d’oisiveté […] en se fondant sur le contexte économique actuel, quand ce contexte aurait dû au contraire inciter [son époux] à conserver son emploi ». La Cour de cassation vient donc de rejeter le pourvoi.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 27 septembre 2017
Nº de pourvoi : 16-22240
Arrêt archivé au format PDF (58 Ko, 9 p.).
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