Dans une ordonnance rendue aujourd’hui, la cour d’appel de Rennes a débouté une mère qui s’opposait à la résidence par alternance d’un enfant de neuf ans.
En l’espèce, des parents s’étaient séparés en avril 2015, alors que leur fils avait huit ans. Par ordonnance rendue le 1er décembre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nantes avait fixé la résidence de l’enfant par alternance chez ses deux parents pour une période probatoire de six mois, le temps que soit procédé à une enquête sociale et qu’une médiation familiale soit réalisée par les parents. Très classiquement, l’enquête sociale avait pour but de :
- « vérifier la situation financière et matérielle des deux parents, les conditions d’accueil de l’enfant chez chacun d’entre eux ;
- « déterminer à l’avenir le lieu de résidence le plus adapté pour l’enfant et les modalités du droit de visite et d’hébergement de l’autre parent ;
- « porter une appréciation sur la résidence alternée mise en place à titre probatoire. »
Le juge aux affaires familiales avait par ailleurs débouté le père de ses demandes d’expertise psychologique de l’enfant et d’expertise psychiatrique de la mère.
Par ordonnance rendue le 27 juillet 2016, la période probatoire écoulée et au vu du rapport d’enquête sociale, le juge aux affaires familiales avait confirmé sa première décision en maintenant la résidence de l’enfant par alternance chez ses deux parents, déboutant par ailleurs le père qui avait demandé la suppression de sa contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
En octobre suivant, la mère avait interjeté appel total de cette décision, demandant notamment que la résidence habituelle de l’enfant soit fixée chez elle et que le père exerce un simple droit de visite et d’hébergement. Un peu plus tard dans le cours de la procédure, elle avait également sollicité par conclusions d’incident un examen médico-psychologique de l’enfant, qu’elle avait ainsi motivé :
- « le grand-père paternel, qui a pour habitude de s’occuper de [l’enfant] après la classe lorsque [le père] travaille, se [montre] habituellement violent envers lui ;
- « l’enfant est pris dans un conflit de loyauté à l’égard de ses parents, n’hésitant pas à soutenir que le mode de résidence alternée lui convient, alors qu’il est manifeste qu’il ne veut pas peiner l’un ou l’autre de ses parents ; que [l’enfant] souffre manifestement de ce mode de résidence ;
- « l’enfant reproduit la violence dont il fait l’objet à l’égard de sa mère ;
- « chaque semaine, au départ de [l’enfant] du domicile maternel, il pleure ;
- « ce dernier est très perturbé par la situation actuelle, qui ne répond pas à son équilibre ;
- « il est urgent d’ordonner une expertise médico-psychologique de [l’enfant] pour lui permettre de s’exprimer tant dans ses choix que dans ses craintes. »
Le père avait ainsi répondu :
- « il n’existe aucun élément nouveau au soutien de la demande de la mère relative à l’organisation d’une expertise médico-psychologique de [l’enfant] ;
- « un suivi renforcé de l’enfant a été mis en place par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Nantes, lequel a donné lieu à plusieurs évaluations et préconisation de soins ;
- « [la mère] a elle-même été invitée à se faire suivre sur le plan psychologique. »
Pour motiver sa décision, le magistrat de la mise en état s’est d’abord appuyé sur le jugement d’assistance éducative rendu l’année précédente par le juge des enfants. Après audition de l’enfant, le juge avait précisé qu’il « parlait aisément et avec intelligence, indiquant que la mise en place du mode de résidence alternée lui convenait bien ; qu’il décrivait ses deux parents comme affectueux, soucieux de ses résultats scolaires et attentifs à sa personne ».
Il s’est ensuite fondé sur un rapport très significatif du Service social de protection de l’enfance de Nantes :
« établi le 13 décembre 2016, [ce rapport] indique que [la mère] est en grande souffrance, ne comprenant pas les raisons qui ont amené le juge aux affaires familiales à opter pour un mode de résidence alternée s’agissant de [l’enfant] ; qu’elle est dans l’incapacité de se mettre à distance par rapport au conflit parental et d’entendre qu’il existe, dans la situation actuelle, des éléments positifs pour son fils ; qu’elle projette sur [l’enfant] ses préoccupations et angoisses, liées notamment à sa prise en charge par son père ; qu’il lui a été proposé un suivi psychologique, mais qu’elle a demandé à réfléchir avant de s’engager dans une telle démarche. »
Le magistrat a enfin relevé que rien n’attestait la violence reprochée au grand-père paternel, et que l’enfant pleurait aussi quand il quittait le domicile de son père. Par voie de conséquence, la mère a été déboutée de sa demande d’examen médico-psychologique de l’enfant, et condamnée aux dépens. Si rien ne peut être certain dans le domaine des affaires familiales, on peut au moins espérer que cet incident de procédure influencera favorablement les juges du fond pour qu’ils maintiennent la résidence alternée de l’enfant.
- Références
- Cour d’appel de Rennes
6e chambre A
Mise en état du 2 mai 2017
Nº de RG : 16/08138
Mise à jour du 4 avril 2018
Nous prenons connaissance d’un article publié aujourd’hui par Chantal et Michel Grangeat sur leur site consacré à la résidence alternée, « Cour d’Appel de Rennes : l’audition d’un enfant de 9 ans conduit à maintenir la résidence alternée », présentant la décision ici commentée. Nonobstant toute notre sympathie pour ces deux défenseurs d’une noble cause, force nous est de constater qu’ils n’ont manifestement pas compris la nature, ni la portée de cette décision. Il ne s’agit pas, comme il leur semble, d’un arrêt de la cour d’appel de Rennes, portant sur le fond de l’affaire, mais d’une ordonnance rendue par le magistrat de la mise en état suite aux conclusions d’incident présentées par l’appelante. En l’espèce, ledit magistrat avait simplement à statuer sur la demande d’examen médico-psychologique de l’enfant, et non sur le maintien de la résidence alternée, décision appartenant à la juridiction du fond. La substance de l’ordonnance tient en une phrase :
« Ces éléments conduisent à estimer que l’organisation d’une mesure d’examen médicopsychologique de l’enfant […] est inutile, la juridiction du fond disposant de tous les éléments utiles pour statuer. »
En tout état de cause, l’audition de l’enfant (par le juge des enfants, et non le juge aux affaires familiales comme l’écrivent nos deux auteurs) n’a été qu’un élément parmi d’autres pris en considération par le magistrat de la mise en état, lequel, répétons-le, n’avait pas à statuer sur la résidence de l’enfant.
Ordonnance archivée au format PDF (44 Ko, 6 p.).
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