États généraux du droit de la famille et du patrimoine

États généraux du droit de la famille et du patrimoine

Organisée par le Conseil national des barreaux et réunissant deux mille praticiens du droit de la famille, la treizième édition des États généraux du droit de la famille et du patrimoine se tient aujourd’hui et demain à Paris (Maison de la Chimie), sur le thème : « Le contrat en droit de la famille : le champ des possibles ». Voici le discours officiel de Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux.


Pascal Eydoux (© D.R.)

Pascal Eydoux (© D.R.)

Monsieur le garde des Sceaux, ministre de la justice,

Madame la Directrice des affaires civiles et du Sceau,

Mesdames et Messieurs les Bâtonniers,

Mesdames et Messieurs les Professeurs,

Chers Confrères,

Distingués invités,

C’est un honneur et un plaisir de vous accueillir pour l’ouverture des États généraux du droit de la famille et du patrimoine. Soyez remerciés pour votre présence.

Monsieur le Garde des Sceaux,

Nous mesurons à sa juste valeur le temps que vous prenez pour venir rencontrer les avocats et échanger avec eux. Je ne trahirai aucun secret en disant que depuis votre arrivée place Vendôme notre dialogue est franc, ouvert et constructif. Nous n’avons évité ni esquivé aucun sujet, y compris celui, délicat, de la réforme de l’aide juridictionnelle. Et nous vous avons trouvé ferme et résolu sur la réforme du divorce par consentement mutuel introduite par la loi J21.

Tous les ans depuis 2005, le barreau de famille se retrouve à l’occasion des États généraux du droit de la famille et du patrimoine. Nous sommes toujours aussi nombreux pour nous former au droit de la famille – 1800 cette année, pour proposer des évolutions juridiques, pour appréhender les transformations sociologiques et leurs conséquences pour nos concitoyens ainsi que sur notre exercice professionnel.

Les praticiens du droit de la famille, porteurs d’une identité et d’une unité très fortes, sont tournés vers un objectif : se former, étendre et affiner leurs compétences afin d’offrir au public le meilleur service sur toutes les questions liées au droit de la famille.

Cette année, plus que toute autre peut-être depuis la création de ce rendez-vous essentiel, nous sommes rattrapés par l’actualité avec la mise en place de la réforme du divorce par consentement mutuel issue de la loi J21.

On ne pouvait donc espérer meilleur moment pour tenir la treizième édition des États généraux du droit de la famille !

Disons-le d’emblée : la réforme du divorce par consentement mutuel est une bonne réforme. Vous avez su, Monsieur le ministre de la justice, avancer sur cette question délicate et faire avec le législateur œuvre utile et des choix importants dont je tiens à vous remercier.

Cette réforme est importante et bonne en ce qu’elle ne sacrifie pas la sécurité des personnes à la simplification de la procédure.

En effet, le retrait du juge est contrebalancé par l’obligation faite aux époux souhaitant divorcer de prendre chacun un avocat. Cet avocat, représentant les intérêts de son seul client, va garantir que son consentement à la convention de divorce est éclairé et libre car dépourvu de toute pression. Le dialogue lié à la présence de deux avocats permet d’atteindre l’équilibre entre les parties. Les conflits d’intérêts sont évités. La sécurité de chaque époux est préservée. L’ordre public est respecté.

C’est aussi la recherche de cette sécurité qui a conduit le législateur à prévoir que lorsqu’un enfant mineur ayant le discernement exercera son droit à être entendu par un juge aux affaires familiales, le divorce par consentement mutuel deviendra judiciaire et la convention établie par les époux sera soumise à l’homologation de ce juge.

Ce nouveau divorce est ainsi plus protecteur des intérêts de tous.

La procédure s’achève par le dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire afin de lui conférer date certaine et force exécutoire. C’est à compter de ce moment que le divorce sera effectif.

Cette nouvelle procédure repose sur l’acte d’avocat qui a été consacré par le législateur en 2011 et intégré dans le Code civil en 2016 en son article 1374.

Nous allons ainsi continuer à développer le recours à l’acte d’avocat, y compris dans sa version électronique. Cet instrument simple et parfaitement sécurisé est idéalement adapté pour la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel. Chaque avocat doit profiter des sessions de formation à l’e-acte d’avocat que le Conseil national des barreaux organise. C’est essentiel pour notre pratique et pour notre lien de confiance avec le public !

Le rôle dévolu à l’avocat dans la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel montre la confiance que l’État manifeste envers notre profession :

  • pour garantir la sécurité juridique du public,
  • pour rédiger des actes respectueux du droit et de l’ordre public, équilibrés et garantissant les droits des parties,
  • pour conseiller et éclairer les parties préalablement à l’acte d’avocat qu’elles vont signer,
  • pour s’assurer du plein consentement, libre et éclairé, de l’époux qu’ils assistent,
  • pour rappeler que les enfants doivent être informés par les parents de leur droit à être entendus par un juge.

En contrepartie de cette confiance, les avocats répondent à la demande de droit et garantissent la sécurité juridique des actes qu’ils élaborent et signent avec leurs clients.

Jusque là, tout est simple et facile.

C’était sans compter sur le notariat qui s’est mis en tête de critiquer violemment la mise en œuvre de cette procédure ainsi que la profession d’avocat et la qualité de notre travail. C’est indigne et inacceptable.

Les avocats n’ont pas l’habitude de se dérober lorsqu’il y a un débat, surtout s’il est contradictoire. Encore faut-il qu’il soit mené de bonne foi et honnêtement. C’est loin d’être le cas en ce qui concerne le nouveau divorce par consentement mutuel.

À de multiples occasions, les représentants du notariat ont exprimé leur volonté d’exercer un contrôle des actes élaborés par les avocats au motif que les conventions pourraient être « déséquilibrées », « non conformes à la législation » ou qu’elles « heurteraient l’ordre public ».

Le Président du Conseil supérieur du notariat a ajouté que le notaire est « l’unique représentant » de l’État et son « bras armé » pour « contrôler l’ordre public » en matière de divorce sans juge. Au prétexte d’assurer « une sécurité juridique parfaite » des conventions de divorce, il a annoncé l’intention des notaires de convoquer les époux divorçant après la signature de la convention et avant son enregistrement.

Bref, les notaires voudraient prendre la place des juges et exercer un contrôle substantiel des actes des avocats avant leur enregistrement.

De telles interprétations de la loi et de telles pratiques ne sont pas acceptables et, cela ne surprendra personne, n’ont aucun fondement juridique.

Jamais le législateur n’entend ni ne sous-entend un quelconque contrôle substantiel du notaire sur la convention de divorce rédigée par deux avocats.

Si la protection des époux et de l’ordre public, qui demeure nécessaire au moment de la dissolution du mariage, ne passe plus par l’intervention de l’autorité publique, elle ne passe pas non plus par celle du notaire.

Ce dernier ne peut pas prétendre contrôler le consentement des parties, préserver leurs intérêts et les auditionner.

Le contrôle de l’accord de divorce auparavant opéré par le juge est maintenant confié aux avocats qui s’assurent de la réalité de la volonté des époux, de la qualité de leur consentement ainsi que de la préservation des intérêts en cause. Le législateur a bien confié la protection des intérêts parties et de l’ordre public aux avocats qui rédigent l’accord de divorce et le contresignent.

La loi a clairement exclu tout contrôle substantiel de cette convention par le notaire en ne prévoyant pas l’homologation de la convention de divorce, et en lui confiant un contrôle purement formel de la validité de l’accord au moment du dépôt de l’acte au rang de ses minutes.

Le législateur a ainsi écarté la solution de l’authentification de l’accord des époux. C’est une autre manière de dire que le notaire n’est pas appelé à contrôler le contenu d’un acte qu’il n’a pas rédigé et à la conception duquel il est exclu qu’il participe.

Par le devoir de conseil et d’efficacité, identique à celui du notaire, qui pèse sur eux en tant que rédacteurs d’actes, les avocats opèrent de manière effective le contrôle substantiel autrefois dévolu au juge. C’est aussi cela qui est impliqué par le recours à l’acte d’avocat !

On peut donc tourner les choses comme on veut, jamais le Parlement ne dit que le notaire devrait pouvoir se substituer au juge qui a disparu de la procédure.

Le notaire n’est pas un juge ni un magistrat, fût-ce de l’amiable – idée qui, soit dit entre nous, n’a pas de sens. Il ne remplace pas le juge. Ce n’est pas sa mission. Ce n’est pas sa fonction d’officier public. Dans ces conditions, il ne contrôle pas le consentement des parties ni l’équilibre de la convention, ces missions étant assurées par les avocats. Ni les parties, ni les avocats ne se présentent devant lui.

Les choses sont donc simples et les missions clairement définies et réparties par la loi :

  • aux avocats de négocier et de rédiger la convention de divorce ainsi que de contrôler la validité du consentement ;
  • aux notaires d’enregistrer la convention.

Le Parlement a voté la loi. Cette loi est celle de la République. Chacun doit s’y conformer telle qu’elle est écrite et non telle qu’on rêverait qu’elle le fût.

Si la pratique devait montrer un comportement portant atteinte à la volonté du législateur et à la répartition des rôles qu’il a clairement opérée, nous agirons avec détermination afin d’obtenir la force exécutoire attachée aux actes d’avocats. Nous sommes d’une sérénité et d’une détermination absolues.

Monsieur le Garde des Sceaux, entendez-moi bien. Nous ne vous demandons aujourd’hui aucun arbitrage. Votre position a toujours été claire et publique, rappelant à chaque professionnel la nature de sa fonction et de sa mission dans le cadre de la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel.

Que l’on me comprenne bien et que l’on écoute la voix des avocats.

Nous ne sommes pas en guerre contre les notaires. Le raccourci facile attaché à ce vocabulaire largement utilisé dans les médias ne dit rien de la réalité de l’action des avocats.

Si nous nous battons, ce n’est pas contre une profession ou ses membres, mais pour les personnes physiques et les acteurs économiques, pour leur sécurité juridique et celle de leurs projets de vie et de leurs projets professionnels, pour leur accès au droit, pour la garantie du respect de leurs droits et de leurs libertés.

Nous sommes chaque jour à leurs côtés parce que c’est l’essence de notre être et de notre mission d’avocat, parce que l’État nous fait confiance et nous charge d’agir en notre qualité non pas seulement d’auxiliaires de justice, mais surtout de partenaires de justice responsables et soumis à une déontologie exigeante et sanctionnée.

Nous sommes ainsi aux côtés de nos clients en tant que professionnels du contrat et des actes juridiques écrits.

En effet, nous ne sommes plus dans un modèle dans lequel la loi, ou plus généralement la norme juridique, est l’apanage de l’État. Nous sommes entrés dans un modèle dans lequel la règle est de plus en plus celle du contrat. Le droit ne s’exprime plus uniquement dans un rapport vertical descendant de l’État vers les citoyens et les sujets de droit. Le droit est marqué par une forte « horizontalisation » où le contrat devient la norme centrale pour les personnes physiques et morales. Nous passons ainsi à un modèle de société contractuelle dans laquelle les avocats ont une place centrale en tant que professionnels du contrat. L’avocat crée la loi en créant le contrat.

Cela est particulièrement vrai avec la nouvelle procédure du divorce par consentement mutuel créée par la loi J21.

Dans cette perspective, l’acte d’avocat est un instrument essentiel pour notre pratique professionnelle.

Monsieur le ministre,

Mes Chers Confrères,

Nous ne craignons rien ni personne.

Pour la simple et bonne raison que nous sommes maîtres de notre avenir, de notre développement, de notre positionnement en tant que leader en matière de prestation de services juridiques.

À nous de saisir les opportunités que nous offre le législateur avec la loi J21, avec la « loi Macron » par exemple.

Faisons évoluer nos pratiques, notre exercice professionnel, nos modèles économiques, nos méthodes de travail !

Vous pouvez compter sur le Conseil national des barreaux pour avancer et créer les conditions de notre progrès individuel et collectif.


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