Recherches familiales : appel à contributions sur unions et désunions
Le thème « Unions-Désunions », même restreint au champ de la famille et de la parenté, est vaste et a été largement abordé par les sciences sociales et historiques, par les sciences juridiques, par l’économie ou la philosophie. Cet appel ne vise pas à reproduire ce qui a été fait, ni même à l’actualiser. Il cherche d’abord à le compléter, à combler certaines lacunes et – peut-être surtout – à reformuler au regard des données nouvelles, des questions récemment débattues dans l’espace public ou les décisions des institutions sociales et les enjeux contemporains que recèlent les manières de procéder aux unions et désunions.
Certes la socio-anthropologie de la famille a bien établi que, dans nos sociétés, l’axe de structuration sociale était moins l’alliance des personnes que la filiation qu’elles allaient, éventuellement, créer ; faut-il pour autant renvoyer les unions qui s’établissent encore – quelles que soient les formes d’alliance qu’elles peuvent prendre – uniquement du côté de la sphère d’autonomie de l’individu, de ses desiderata, des affects et de ce qui serait leur attribut majeur : leur inconstance ? N’y a-t-il pas toujours dans les unions qui se pratiquent, de facto ou de jure, quelques enjeux de structuration sociale qui persistent ? A minima, l’économie des sentiments, si on doit la prendre à la lettre, que l’observation porte sur la formation de l’union ou sur la pratique de la vie de couple, admet bien quelques effets d’ordre domestique – au sens de la domus notamment – qu’il conviendrait sûrement d’analyser plus en profondeur.
Les effets de l’union, selon le statut qu’elle revêt, peuvent également être plus collectifs, que l’on considère l’ensemble d’une communauté ou l’ensemble d’une collectivité : dans certains pays, le statut de la filiation de l’enfant dépend du statut de l’union des parents (par exemple : enfant « légitime » issu d’une union « légitime ») ; ou alors, les dispositifs de politiques sociales et fiscales prennent en compte le statut de l’union (par exemple, en France, le quotient conjugal), y compris lorsqu’elle est rompue (par exemple, en France, la pension de réversion ou la prestation compensatoire).
Plus largement, l’autonomie affective des individus (la liberté de s’unir comme de se désunir) n’entraîne-t-elle pas des effets macrosociaux, en termes de politique publique par exemple, notamment en direction des enfants ? Ainsi, dans les pays d’Amérique latine et particulièrement dans la Caraïbe, les chercheurs en sciences sociales et les responsables politiques s’interrogent sur les « modèles » de relations familiales et parentales transmis quand la pratique des unions séquentielles devient la règle, s’accompagnant d’une succession de situations de monoparentalité et de recompositions de ménages. Là où les pouvoirs publics avaient mis en place un pouvoir protectionnel fort, comme à Cuba, s’observe une sorte de transfert vers la collectivité de la prise en charge et de l’éducation de l’enfant. Mais là où ce n’est pas le cas, quels sont les effets sociaux que l’on peut observer en cas de désunion : prise en charge par les parents désunis ? par des tiers, y compris familiaux ? par une communauté proche ou par la collectivité ?
Depuis quelques décennies, en Europe notamment, avec l’augmentation des séparations des couples avec enfants, il est communément affirmé que le couple parental survit – et doit survivre – au couple conjugal. Même si la relation qui a porté le projet et/ou la réalisation d’enfants s’est estompée, voire s’est muée en désunion, la norme souvent partagée par les parents, l’entourage, les intervenants sociaux et juridiques et posée comme postulat dans les politiques publiques est que, pour le bien-être des enfants, le couple conjugal qui se délite doit se transformer, qu’il soit en situation de conflit ou en relation harmonieuse, en couple parental. Ce postulat peut être interrogé. Pour le bien-être des enfants, faut-il construire ce fameux couple parental ? Si oui, dans quel contexte ? Au risque de faire perdurer, voire d’alimenter, une situation délétère, pour la santé de chacun des parents et pour le développement de l’enfant ? Par exemple, en cas de violence conjugale, le bien-être de l’enfant exigerait selon certains auteurs, au nom de la protection de l’enfance, de casser la fiction du couple parental.
Par ailleurs, comment créer ce couple parental ? Le droit institue que, par principe, sauf décision judiciaire contraire, l’autorité parentale est toujours partagée après une séparation. Comment faire vivre ce partage ? Par exemple, en termes de droit, la distinction entre actes usuels, pour l’exécution desquels l’autre parent est a priori réputé être d’accord et actes non usuels, pour l’exécution desquels il est nécessaire d’avoir l’autorisation de l’autre parent, voire du juge aux affaires familiales chargé de la tutelle, fait l’objet d’une jurisprudence volumineuse. Le droit repose sur un présupposé : les parents sont capables d’échanger et de trouver des accords pour les actes qui engagent l’avenir de leurs enfants. En introduisant ce principe d’échange et d’accord, la relation de domination et de conflit peut reprendre toute sa place. Ainsi, lorsque les parents, habitant dans des pays différents, se réfèrent à des normes juridiques, elles aussi différentes. Comment dans le quotidien, les parents régulent-ils ce type de relation socialement normée, voire juridiquement imposée ? Comment les politiques publiques les accompagnent-elles ?
Autrement dit, il conviendrait de resituer les pratiques individuelles d’union et de désunion dans leurs contextes socio-politiques et socio-économiques et étudier plus finement leurs effets sur ces derniers. Effets sociaux et psycho-sociaux, mais aussi effets institutionnels tant du côté des acteurs des politiques publiques (sociales, familiales, de protection de l’enfant…) que des acteurs du droit qui sont amenés à se prononcer sur les contentieux qui naissent des situations ainsi créées.
Par ailleurs, lorsque l’union et la désunion obéissent massivement à des « raisons » personnelles, l’inventaire de ces « raisons » mériterait des investigations plus poussées. On ne saurait se satisfaire d’une notion aussi vague et polysémique que celle d’« inclination », engendrée par exemple par un niveau scolaire ou des origines géographiques ou sociales similaires. Cette « inclination » ne recouvre-t-elle que le sentiment amoureux et sa possible disparition ? Par-delà les motifs que peuvent faire valoir les individus concernés, n’y a-t-il pas une rationalité (des rationalités), notamment matérielle, et parfois parfaitement « assumée », qui commanderait les pratiques d’union et de désunion ? De manière générale, y compris lorsqu’on envisage des pratiques autrement normées du couple, plus « lâches », plus « frivoles », etc., ne voit-on pas émerger des conflits de rationalité qui pourraient rendre compte de bien des parcours entre union et désunion ? Il est probablement nécessaire d’étudier sous un nouveau jour la question de savoir ce qui se trouve uni – et a contrario difficilement uni, comme par exemple des types de patrimoine – dans les unions pratiquées, et ce, quelle que soit leur forme empirique ou juridique. Si les statuts et les rôles de ceux qui forment un couple ont pu bouger historiquement, dans quelle proportion se sont-ils transformés ? Mais surtout, cela n’a-t-il pas fait émerger de nouvelles lignes de délimitation de ce que l’on est prêt à unir, à lier, voire à abandonner ou à fondre, dans une union ? Ce dont témoigneraient, en creux, les revendications soulevées lors de la désunion. Bien sûr, le registre des valeurs est ici à mobiliser, mais pas seulement. Dans l’union, il y a du matériel et du symbolique, voire de l’imaginaire (la part du « rêve »)…
On peut donc souhaiter, au-delà des schémas analytiques bien connus maintenant portant sur le « genre », que des analyses un peu plus circonstanciées viennent éclairer les enjeux de toutes natures qui traversent les unions et les désunions.
Un domaine particulier, insuffisamment exploré, mériterait lui aussi l’attention. Celui des « images » publiques données des unions et désunions, non seulement celles des personnages publics ou people, mais encore celles que tout un chacun donne de soi sur les réseaux numériques par exemple. La société du spectacle que l’on ne cesse de mettre en avant, traverse-t-elle aussi la manière dont chacun, selon qu’il est « uni » ou « désuni », entend se présenter aux yeux des autres ? Plus précisément, qu’est-ce que les « images » (au sens large du terme) que l’on donne de soi veulent dire de soi et de la relation dyadique dans laquelle on peut se situer ? Et ce, quelle que soit la composition de celle-ci, hétérosexuée ou homosexuée. Que se propose-t-on de signifier quand on exhibe ou cache son union ou sa désunion, puisque, par-delà les « images », ce sont les normes intégrées qui s’expriment ?
En somme, par cet appel à communications, la revue Recherches familiales souhaite voir retravailler, plus en profondeur, certaines dimensions analytiquement pertinentes relatives au thème « Unions-Désunions ». La revue est pluridisciplinaire et toutes les approches disciplinaires, toutes les démarches analytiques, tous les « terrains » d’observation sont les bienvenus.
Les articles entièrement rédigés sont à proposer au Comité de lecture de Recherches familiales avant le 15 mai 2017. La revue paraîtra en janvier 2018.
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