En février 1969, une dramatique affaire avait ému la population. Après un siège de quatorze jours, un père de trente-huit ans s’était barricadé avec deux de ses trois enfants dans sa maison isolée de Cestas en Gironde. Ils avaient péri lors de l’assaut par la gendarmerie.
Ce père divorcé revendiquait simplement le droit de passer plus de temps avec ses enfants que le droit de visite accordé classiquement par la justice à la suite d’une séparation ou d’un divorce, à savoir un weekend sur deux et la moitié des vacances scolaires.
Cette histoire avait donné lieu trente ans après au film Fait d’hiver de Robert Enrico.
Ajouté aux événements de mai 1968, cette affaire a sans doute influencé le vote de la loi du 4 juin 1970 qui a remplacé la puissance paternelle (pouvoir du pater familias) par l’autorité parentale conjointe, donc en théorie la volonté de tendre vers une réelle égalité homme-femme ou père-mère. Or, il n’en fut rien puisque depuis cette loi une multitude d’autres faits divers, communément dénommés « drames familiaux », ont eu lieu, la plupart du temps dans l’indifférence générale, tout du moins des responsables politiques. Le 28 novembre 2014, Le Parisien – Aujourd’hui en France en avait fait sa couverture :
« Trente-cinq enfants sacrifiés en un an ». C’est sans compter les suicides de parents qui ne supportent plus l’absence de leurs enfants… Il y a donc de quoi être interpellés par la façon dont sont traitées les affaires familiales dans notre beau pays des droits de l’homme et du citoyen et à la devise inscrite dans la pierre : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
- Lorsqu’ils se séparent, les parents ne sont pas libres de choisir comment ils vont s’organiser pour continuer leurs rôles éducatif auprès de leurs enfants : ils doivent s’en remettre à un juge aux affaires familiales (JAF), qui décidera à leur place !
- Ils ne sont pas égaux dans les faits puisque dans 85 % des cas la garde est confiée à la mère, même si le père revendique un équilibre des temps de présence des enfants aux domiciles des deux parents.
- Ils sont rarement encouragés à « fraternaliser », c’est-à-dire à trouver ensemble des accords mutuels, si besoin en se faisant aider par un médiateur familial. Au contraire, le recours aux avocats tend à les opposer pour obtenir le maximum d’avantages et le minimum d’inconvénients.
Dans la majorité des tribunaux de grande instance, les décisions en matière civile sont rendues à la va-vite (dix-huit minutes en moyenne par dossier). Elles sont souvent arbitraires, partiales (variables d’un tribunal à l’autre), inapplicables ou sujettes à contestations (nombreux recours à répétitions en appel).
Le rituel « droit de visiter » ses enfants, est toujours très largement appliqué. Ce droit n’est pas un devoir ni pour l’un (remettre l’enfant au parent visiteur ou secondaire) ni pour l’autre (assumer ses responsabilités éducatives). Le seul devoir sur lequel les juges aux affaires familiales attachent de l’importance est de payer la pension alimentaire. En revanche, ils observent un large laxisme face au non respect par un parent de leurs propres décisions (jugements, ordonnances) : non représentations d’enfant, éloignements volontaires, manipulations des enfants, absence de concertation pour tous les actes qui relèvent de l’exercice de l’autorité parentale, etc.
Face à ces situations, un grand nombre de parents se ruinent en procédures interminables et/ou à répétition pour un résultat souvent décevant. À bout de souffle et/ou à court d’argent, on ne compte plus les parents qui capitulent et finissent par perdre tout lien avec leurs enfants (un enfant sur cinq est concerné). C’est ainsi que, désespérés, certains commettent des violences ou des drames (crimes, suicides).
Les conséquences sociétales des mauvais traitements des divorces – des spécialistes les ont qualifiés de maltraitance institutionnelle – sont colossales, surtout chez les enfants :
- Le nombre de familles monoparentales augmente et celles-ci s’appauvrissent.
- Le nombre de violences conjugales conjoncturelles (liées au traitement des séparations par le système socio-judiciaire actuel) ainsi que le nombre de suicides de parents augmentent également.
- Chez les jeunes, l’absentéisme et l’échec scolaire, l’alcoolisme, la prise de stupéfiants, les conduites à risque, la délinquance, les dégradations, les vols, la violence sont en constante augmentation : environ 12 millions de faits délictueux par an sont commis par des mineurs (environ 20 % de l’ensemble des actes relevés par l’Observatoire national de la délinquance).
Régulièrement (tous les dix-quinze ans), le législateur a été amené à légiférer pour tenter de combattre ce désastre mais les mentalités et les pratiques socio-judiciaires sont tenaces.
La dernière en date, la proposition de loi sur l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant, dite « APIE », votée en première lecture le 27 juin 2014 à l’Assemblée nationale, laisse toujours un large pouvoir aux magistrats. Comme elle n’a aucune chance d’aboutir, plusieurs associations de défense des droits proposent que la résidence alternée, inscrite dans la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, soit vivement encouragée, ceci dans l’intérêt des enfants, notion inscrite dans la Convention internationale des droits de l’enfant, qui fête ses vingt-sept ans ce 20 novembre.
Quelques extraits de cette Convention (CIDE) :
Préambule : « Convaincus que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté,
« Reconnaissant que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension… »
Article 8.1 : « Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu’ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale. »
Article 18.1 : « Les États parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant. »
Cinquante ans après la triste affaire de Cestas, le système socio-judiciaire doit enfin cesser de mettre en rivalité les pères et les mères, ceci dans le respect de la parité ou de l’égalité femme-homme.
Pour ce faire, il faut que, d’une part, tous les professionnels encouragent les pères à prendre davantage en charge leurs enfants, et d’autre part, qu’ils donnent davantage de possibilités aux mères qui veulent se consacrer à leur carrière professionnelle et/ou mener une vie privée.
De plus en plus s’accordent pour constater que la résidence alternée (à temps égal) est la moins mauvaise des solutions pour la prise en charge des enfants par leurs parents séparés. Il faut également arrêter de faire du divorce un business qui ne fait qu’appauvrir les familles au détriment du bien-être, de l’équilibre et même de la vie des enfants.
Les professionnels qui sont impliqués dans ces douloureuses et délicates affaires familiales doivent baser leurs décisions ou ordonnances (pour les juges), leurs rapports (pour les experts), leurs requêtes et conclusions (pour les avocats) sur les articles de la Convention internationale des droits de l’enfant qui, rappelons-le, est un texte qui se situe au-dessus des lois.
Trop souvent, l’intérêt supérieur de l’enfant est galvaudé : beaucoup se permettent de tout dire et tout écrire, une chose et son contraire, ce qui leur permet de trancher dans le vif.
- Association Le Parti des Enfants du Monde
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